mardi 27 avril 2010

Le paradoxe des cellules souches

                                       
Je voulais depuis longtemps consacrer quelques lignes au principal paradoxe des cellules souches. Pour qu'elles soient vraiment utilisables en laboratoires, elles doivent pouvoir se multiplier le plus longtemps possible. En revanche cette propriété devient très dangereuse dès qu'il s'agit de les introduire dans un organisme vivant. En effet une cellule qui se divise sans jamais donner de cellules différenciées provoquera très rapidement l'apparition d’une tumeur probablement cancéreuse.
Pour contourner ce problème il y a deux solutions opposées. Soit on prend des cellules qui se divisent très bien et on apprend à les contrôler, tout comme on a domestiqué des animaux à priori dangereux comme le loup qui a donné les chiens. Pour cela il faut maîtriser parfaitement les voies de différenciation qui vont permettre de transformer des cellules souches en d'inoffensives cellules différenciées.
L'autre solution est moins pratique pour l'utilisation en laboratoire mais sans doute plus prudente quand il s'agit de thérapie : prendre des cellules qui vont perdre naturellement leur capacité à se diviser de façon plus ou moins rapide. Ainsi, même si le processus de différenciation n'est pas parfaitement maîtrisé, on diminuera considérablement le risque d'apparition de tumeurs.

Conséquences pratiques de ce paradoxe

Au laboratoire, les reines des cellules souches sont indéniablement les cellules souches embryonnaires (le mets volontairement de coté l'aspect éthique dans ce billet) car on va pouvoir les cultiver presque indéfiniment et on commence à bien maîtriser leur différenciation en différents types cellulaires. Moins cotées, les cellules iPS, les cellules souches du sang de cordon ou les cellules souches adultes, encore moins les toutes nouvelles "MUSE" sur lesquelles je reviendrai (Gènéthique les présente ici).
En thérapie en revanche, on va rechercher des cellules qui se diviseront peu ou pas du tout. De ce point de vue pratique il serait préférable de travailler sur des cellules souches pas très performantes en terme d'immortalité. On devrait donc en toute logique exploiter des cellules souches non embryonnaires si on envisage sérieusement une utilisation thérapeutique.

dimanche 25 avril 2010

Nouvelle source de financement pour les laboratoires : l'Église catholique

Le Vatican va financer un programme de recherche sur l'utilisation de cellules souches adultes intestinales ont annoncé vendredi des responsables à Rome. Le projet sera dirigé par le Dr Alessio Fasano et développé à l'École de Médecine de l'Université du Maryland aux États-Unis ainsi qu'à l'hôpital de l'Enfant Jésus en Italie avec le soutien de l'Istituto Superiore di Sanita italien.
Selon le cardinal Renato Martino qui a travaillé avec Fasano pour le montage de ce programme, le Vatican soutient ce projet parce qu'il ne concerne pas les cellules souches embryonnaires. Le financement devrait se faire par l'intermédiaire de l'hôpital de l'Enfant Jésus à Rome, pour un montant de l'ordre de deux millions d'euros.

Précision 1 : une recherche rapide montre que Fasano est un pédiatre formé en Italie ; il est devenu spécialiste des maladies intestinales comme la maladie cœliaque due à une difficulté d'absorption du gluten. Il a également caractérisé les interactions entre certains pathogènes et leurs hôtes, les cellules intestinales. Ce n'est en revanche pas un spécialiste des cellules souches mais le projet implique certainement le recrutement de personnes qualifiées pour mener à bien ces recherches. Et il devrait pouvoir s'appuyer notamment sur le Dr Curt Civin qui est directeur du Center for Stem Cell Biology and Regenerative Medicine de l'Université du Maryland.

Précision 2 : ce n'est pas la première fois que l'Église catholique finance directement la recherche sur les cellules souches adultes. Des diocèses en Corée du Sud et en Australie ont déjà attribué de telles bourses à des laboratoires.

La source la plus complète sur cette annonce : un article du Baltimore Sun.

La FIV : le F n'est pas pour fiable

Un reportage diffusé ce soir par la BBC en Grande-Bretagne rapporte un doublement des erreurs lors de fécondations in vitro. Entre 2007/2008 et 2008/2009, on est passé de 182 à 334 cas problématiques : embryons perdus, erreur lors de l'implantation, débranchement de systèmes de refroidissement nécessaires à la conservation des embryons etc. Il y a le cas de cette femme qui pensait avoir trois embryons congelés qui pourraient être implantés ; la clinique a dû lui annoncé qu'ils en avaient perdu deux. Sur les milliers de FIV effectués chaque année, cela ne représente pas beaucoup de cas pourrait-on penser. Mais si ce nombre a doublé en un an, qu'en sera-t-il dans dix ans ? Comme le dit la femme évoquée plus haut : "Il s'agissait de bébés potentiels" (sauf que le "potentiel" est de trop bien sûr).
Source : ici et .

samedi 17 avril 2010

Les blogueurs les plus populaires sont les plus prolifiques

Susan Jamison-Powell de l'Université de Sheffield s'est penchée sur la popularité des blogs. Elle a étudié 75 blogs du site livejournal.com et demandé aux mêmes blogueurs de noter les blogs de leurs pairs. Au final, les blogs les plus populaires étaient tout simplement ceux qui contenaient le plus grand nombre de... mots ! Que les billets soient plutôt positifs ou négatifs ou qu'ils soient longs ou courts ne compte que peu. La prochaine fois que vous trouverez un billet sans aucun intérêt sur ce blog (comme celui-ci), dites vous bien que je ne l'ai écrit que pour augmenter ma popularité...
Source.

jeudi 15 avril 2010

Trois parents pour un enfant

Une équipe de chercheurs de Newcastle en Grande-Bretagne vient de publier un article dans Nature où ils proposent une méthode pour éviter la transmission de maladies génétiques héréditaires. Ces maladies sont transmises par les mitochondries, les centrales énergétiques de la cellule. En réalisant cette prouesse technique, ils n'ont en réalité que reproduit chez l'homme ce qui a été fait chez le singe l'année dernière (Tachibana, M., et al. 2009 Nature 461, 367-372).

Détails techniques
Les mitochondries possèdent un peu d'ADN qui est recopié et transmis par les mitochondries, indépendamment de l'ADN du noyau. Les quelques gènes qu'elles contiennent peuvent porter des mutations qui seront transmises uniquement par la mère car le spermatozoïde ne transmet que très peu de mitochondries. Pour éliminer une maladie génétique mitochondriale, il faut donc remplacer les mitochondries de la cellule-œuf après la fécondation par des mitochondries qui ne portent pas la maladie. Il serait impossible d'enlever les mitochondries car elles sont trop petites et trop nombreuses. La solution consiste donc plutôt à enlever le noyau, ce qu'on sait faire, puis à l'introduire dans une cellule-œuf saine dont on a détruit le noyau propre. On se retrouve alors avec une cellule-œuf dont le noyau est issu, comme pour tout le monde, de la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde, mais dont le cytoplasme vient d'un troisième parent.
Il faut préciser que les embryons ainsi obtenus ont été détruits après quelques jours de développement car cette technique est interdite en Grande-Bretagne. Les singes ainsi générés aux États-Unis l'année dernière se portent bien aux dernières nouvelles.

Qu'en penser ?
En soit, le but est tout à fait louable puisqu'il consiste à vouloir donner des enfants non malades à des parents qui sinon auraient un risque important d'avoir des enfants porteurs de graves maladies. Il n'y a pas d'obstacle technique majeur et au regard du risque d'avoir un enfant malade, le risque impliqué par cette technique est sans doute inférieur.
Cependant une fois de plus le chercheur et le médecin remplacent la nature et "jouent à Dieu". On peut citer plusieurs problèmes. Tout d'abord ça coûtera très cher car il faut beaucoup d'ovules qui devront être donné (ou vendus dans d'autres pays) par des femmes volontaires. Le taux de succès est pour le moment très faible : 80 embryons ainsi obtenus dont seulement 18 ont dépassé le stade huit cellules et très peu le stade blastocyste (environ 100 cellules). De plus la technique adoptée ici nécessite la destruction directe d'un embryon puisqu'on n'en fabrique qu'un à partir de deux cellules-œufs, cela sans compter tous les embryons créés qui ne pourront pas se développer, ceux qui ne seront pas implantés. Que se passera-t-il si le fœtus finalement autorisé à se développer est lui-même porteur d'une autre maladie ? Etc.
Pour les catholiques, point n'est besoin de réfléchir longtemps pour savoir que cette technique sera condamnée, comme toutes les fécondations in vitro. Il est sans doute inutile de détailler ici les raisons d'une telle condamnation qui n'a pas grand chose à voir avec la science mais davantage avec le fait que la procréation humaine devrait se faire en respectant la loi naturelle. Il n'y a pas de solution miracle pour les familles touchées par ce type de maladie. Cependant elles devraient recevoir des aides très importantes pour la prise en charge des enfants malades. D'autre part l'adoption d'un enfant est une alternative à la fabrication in vitro d'un embryon qui sera validé en laboratoire avant d'avoir le droit de survivre.

mardi 13 avril 2010

Pour créer un conseil de bioéthiciens...

... il ne faut surtout pas choisir des bioéthiciens ! La "Presidential Commission for the Study of Bioethical Issues" du président Obama (Commission présidentielle pour l'étude des questions bioéthiques) compte douze membres. À sa tête Obama a nommé Amy Gutmann qui est professeur de science politique. On trouve aussi six scientifiques et deux avocats. Et seulement deux spécialistes de bioéthique. J'oubliais de citer Lonnie Ali, la femme du boxeur de légende Mohammed Ali ; ce dernier est atteint par la maladie de Parkinson et ils ont créé une fondation pour lutter contre cette maladie. Je n'ai rien contre une telle initiative, bien au contraire. Mais ce CV est tout de même un peu léger pour devenir conseiller du président des États-Unis pour la bioéthique.
Pour finir sur une note plus positive, on notera la présence de Daniel P. Sulmasy, professeur de médecine et de bioéthique, diplômé de Georgetown et de Cornell. Il est aussi moine franciscain ; en 2005 il se faisait l'avocat des cellules souches adultes et dénonçait les recherches sur les cellules souches embryonnaires (l'article en anglais). D'autres avis de Sulmasy peuvent être trouvés ici (vers le 2ème tiers de la page) ou (un avis plus controversé).

lundi 12 avril 2010

De la curiosité des catholiques pour la science

Ce blog a été lancé en septembre 2008 avec pour ambition de faire le lien entre la science et la religion. Vaste programme me direz-vous, et sûrement trop ambitieux ! Après 18 mois de travail et sans avoir fait la moindre publicité ni parmi les scientifiques ni chez les catholiques (j’ai prévenu moins de 10 personnes du lancement de ce blog), je dois me résoudre à l’évidence : les catholiques sont plus curieux que les scientifiques. À part un chercheur intervenu à plusieurs reprises et avec qui les discussions peuvent être vives mais restent courtoises (Cord Sandu) et Tom Roud (une intervention), aucun scientifique non croyant à l’horizon. Sans doute savent-ils tout de la religion et n’éprouvent-ils pas le besoin de se renseigner. Je ne suis sûrement pas le mieux placé pour parler de religion, mais on pourrait au moins discuter de l'aspect scientifique des questions soulevées.
A contrario, la plupart des commentaires viennent de croyants qui manifestement s’intéressent suffisamment à la science pour lire un blog qui demande de la part des non scientifiques un effort non négligeable si j’en crois ceux de ma famille qui ont la bonté de me lire. Dois-je en conclure que les croyants ont une intelligence plus ouverte que les scientifiques ? C’est fort tentant… Il faut dire que ces derniers s’arrêtent souvent aux créationnistes et autres tenants de l’ID (Intelligent Design) et ont l’air de croire qu’il n’y a aucun scientifique sérieux qui soit aussi chrétien convaincu ; un peu comme si les croyants s’arrêtaient à l’inénarrable Richard Dawkins, qui il faut bien le dire n’est plus chercheur depuis longtemps...

dimanche 11 avril 2010

* Essai clinique à base de cellules souches du placenta pour la maladie de Crohn

La société Celgene a publié récemment un communiqué sur les premiers résultats d’un essai clinique de phase I encore en cours pour le traitement PDA-001. Il s’agit d’utiliser des cellules souches de placenta pour traiter la maladie de Crohn. Sur les 12 premiers patients traités, qui n’avaient pas répondu à des thérapies précédentes, aucun n’a manifesté d’effet secondaire indésirable, ce qui doit être démontré lors de la première phase d’un essai clinique. Des résultats qui demandent bien sûr à être confirmés lors des phases suivantes suggèrent d’autre part que ce nouveau traitement serait efficace : quatre des patients seraient même guéris.
Au moins pour ce produit, Celgene a décidé de se concentrer sur les cellules souches de placenta ce qui leur permet d’éviter toute controverse liée aux cellules souches embryonnaires. La maladie de Crohn est une inflammation chronique du tube digestif qui affecte près d’un million de patients rien qu’aux Etats-Unis. Les traitements actuellement disponibles ne sont pas très efficaces et/ou induisent des effets secondaires gênants. Source.

jeudi 8 avril 2010

Les Sophophoristes

Scandale chez les drosophilistes. Le 1er avril, une commission a décidé par 23 voix contre 4 que le nom latin de la mouche du vinaigre pourrait changer. Et non, ce n'est pas une blague. Le monde des chercheurs qui utilisent la mouche du vinaigre pour leurs expériences est en ébullition. Pensez-donc, un siècle après les premières expériences de Thomas Morgan qui fondèrent la génétique animale, on parle de changer la classification de la Drosophile qui ne s'appelerait plus Drosophila melanogaster mais Sophophora melanogaster. Il faut dire que cette mouche n'est pas vraiment proche de l'espèce référence du groupe des Drosophiles. Plutôt que de déplacer cette espèce emblématique dans un autre genre, certains proposent plutôt de la choisir comme espèce de référence et de déplacer toutes celles qui ne lui ressemblent pas assez dans un nouveau groupe. Bref, une controverse digne de celle qui survint il y a quelques années quand il fut décidé que Pluton n'était plus une planète.

Porteur de sagesse
En attendant mes distingués collègues seront désormais des sophophoristes ; ils vont sûrement apprécier quand ils sauront que cela signifie "porteur de sagesse". Le pire sera pour les éditeurs de journaux scientifiques : il y aura pas moins de 33.942 articles parlant de Drosophila melanogaster à corriger, dixit Pubmed que je viens de consulter.

samedi 3 avril 2010

Appel à la vérité

Ayant signé cette appel comme blogueur, je ne puis que le relayer et encourager ceux qui lisent ce blog à le signer aussi.
NB : Dimanche 4 avril, on a passé les 10.000 signatures, lundi les 13.000, mardi les 18.000 et mercredi soir les 22.000 pour atteindre plus de 27.000 le 11 avril, parmi lesquelles on trouve notamment, outre quatre anciens ministres :
Pierre-Olivier Arduin (bioéthicien)
Claude Bébéar (président d’honneur d’AXA)
Rémi Brague (philosophe, membre de l’Institut)
Chantal Delsol (écrivain et philosophe)
Jean-Claude Gaudin (sénateur, maire de Marseille)
Fabrice Hadjadj (essayiste et dramaturge)
Laurent Lafforgue (mathématicien, lauréat de la médaille Fields)
Michael Lonsdale (comédien)
Jean-Luc Marion (philosophe, membre de l’Académie Française)
Yves Meaudre (Les Enfants du Mekong)
Dominique Neckebroeck (directeur de l'Institut Jérôme Lejeune)
Robert Redeker (philosophe)
Pierre André Taguieff (chercheur au CNRS)
Denis Tillinac (écrivain)
Henri Tincq (journaliste et écrivain)

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Nous voulons la vérité sur les abus sexuels
Les affaires de pédophilie dans l’Église sont un scandale : il faut impérativement que toute la vérité soit faite ; que les victimes obtiennent réparation et que les moyens soient mis en œuvre pour y remédier, sans remettre en cause le caractère sacré du sacerdoce, qui fait l’objet d’un faux débat.
Nous voulons la vérité sur Benoît XVI
Il y a cinq ans, une semaine avant la mort de Jean-Paul II, lors du chemin de croix du Vendredi Saint, les mots du cardinal Joseph Ratzinger, qui en avait rédigé les méditations, s’élèvent. C’est la neuvième station. Jésus tombe pour la troisième fois. Ces mots sont les suivants : « Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux qui dans le sacerdoce devraient lui appartenir totalement ! » Benoît XVI a pris volontairement le risque de la vérité. Il est le premier pape à s’attaquer frontalement, sans concession, au problème ; paradoxalement, il fait l’objet d’attaques visant à le mettre en cause personnellement, attaques relayées avec une certaine complaisance par une partie de la presse. Nous soutenons sa démarche volontaire en ce sens, et déplorons les tentatives de mise en cause personnelle dont il fait l’objet.
Nous voulons la vérité sur l’Église catholique
Plus généralement, le traitement médiatique réservé à l’Église catholique dès que se pose un problème vital dans la société ne reflète pas la réalité de la vie catholique. Au cours de cette Semaine Sainte de l’année 2010, et alors que les chrétiens vivent cette montée vers Pâques, crucifixion suivie de la Résurrection, nous appelons au soutien et à la solidarité avec l’ensemble des catholiques, de leurs prêtres et de leur pape.
Cet appel a été lancé à l’initiative de François Taillandier (écrivain), Frigide Barjot (humoriste), Natalia Trouiller (journaliste et blogueuse), Koz (blogueur sur Koztoujours, et avocat), François Miclo (philosophe).