vendredi 28 juin 2013

Trois parents, vraiment ? Plutôt 2,0001

La nouvelle fait le tour de la planète depuis hier : le Royaume-Uni s'apprêterait à autoriser une technique particulière de fécondation in vitro à "trois parents". Décryptage...

La réalité est moins exotique que ce qu'on veut nous faire croire. Une fécondation in vitro normale consiste, comme toute fécondation, en la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovule. Dans ce cas particulier des "trois parents", la mère est porteuse d'une maladie génétique affectant une toute petite partie de son patrimoine génétique ; non pas celui contenu dans le noyau mais celui qui se trouve dans les mitochondries, les centrales énergétiques des cellules. Or les mitochondries sont transmises par les mères, c'est-à-dire par l'ovule ; celles du spermatozoïde sont perdues. Afin de ne pas transmettre une telle maladie d'origine mitochondriale on prend un ovule d'une donneuse non malade ; on enlève son matériel génétique nucléaire et on le remplace par celui de la mère porteuse de la maladie. Comme on ne transfère que l'ADN nucléaire, la maladie mitochondriale ne sera pas présente. On féconde ensuite l'ovule avec un spermatozoïde. Du point de vue génétique c'est donc un mensonge de prétendre que l'enfant aura "trois parents", il en aura tout au plus 2,0001... Pour prendre une image simple, cela revient à faire la différence entre une maison et la famille qui l'habite. Certes la maison joue un rôle, mais la famille qui va y vivre sera autrement plus déterminante pour l'atmosphère qui règnera dans ce foyer. J'oubliais le meilleur : cette manipulation n'est pas encore au point chez l'homme.
D'un point de vue éthique, cette technique n'est sans doute ni plus ni moins condamnable que la fécondation in vitro elle-même. Elle n'est qu'une tempête dans un verre d'eau par rapport au clonage thérapeutique ou à la reprogrammation en cellule totipotente dont personne n'a parlé à part ce blog mais qui j'en suis sûr fera un jour réagir tout le monde.

Députés, avant de voter le 11 juillet, tournez vous vers le Japon

Au Japon le dernier comité d'expert qui devait se prononcer à donner un avis positif au premier essai clinique au monde utilisant des cellules iPS (source : Science). Pour démarrer cet essai il ne reste plus que l'autorisation officielle du ministère de la santé dont on dit qu'elle pourrait arriver début juillet. Députés français qui vous apprêtez à chosifier l'embryon, regardez vers le Japon avant de voter...

lundi 24 juin 2013

L'écologie humaine et la médecine : bilan d'un atelier

 
Samedi, j’étais au lancement du courant de l’écologie humaine et j’en garderai un excellent souvenir. J’ai notamment pu rencontrer plusieurs personnes dont je ne connaissais que les écrits, via internet ou twitter. Mais le fait le plus marquant de cette journée aura été les ateliers de réflexion, outre les 10 min de silence dont j'ai déjà parlé. Je me suis retrouvé à une table « médecine » avec sept autres personnes : deux internes encore jeunes, un médecin généraliste (désormais en lien via twitter), une infirmière/enseignante à mi-temps (nos étions déjà en lien sur twitter), deux médecins, l’une d’origine polonaise pratiquant à Paris et l’autre venant de la Martinique et spécialiste des soins palliatifs, et enfin une aumônière laïque en hôpital.
La méthode choisie était simple : chacun devait identifier trois questions ou problèmes concernant à la fois la médecine et l’écologie humaine. Nous avons ensuite regroupé ces questions en grandes catégories. Puis nous avons essayé de proposer des réponses à chacune de ces questions.

Si je devais synthétiser nos travaux, je citerai trois questions très générales :

1) Les principes éthiques
Le constat : Le conseil consultatif national d’éthique ne fait plus son travail ; il n’a jamais défini de principes intangibles et ses avis sont de plus en plus consensuels et en accord avec la majorité probable ou même avec une minorité dans le vent. Son récent avis sur le test de dépistage de la trisomie 21 en est la preuve tragique.
La question : Comment refonder une éthique qui ne dérive pas constamment ?
Les pistes : Si le constat et la question étaient clairs, la réponse l’a été moins ! Il y a ceux, très majoritaires, qui voulaient tout faire remonter de la base, et moi un peu seul qui proposait de créer un Comité fantôme sur la base des ministères fantômes de Grande-Bretagne où l’opposition a son propre ministère chargé de répondre point par point au ministère de la majorité en place. Ce Comité serait aussi multidisciplinaire et diversifié que son grand frère et s’auto-saisirait des mêmes questions. Mais je dois bien avouer que je me suis retrouvé un peu seul… mais d’une façon ou d’une autre il faudra redéfinir des principes intangibles dont la base serait la protection de l’homme de la conception naturelle à la mort naturelle.

2) Guérir le patient et non la maladie
Le constat : Le corps médical est de plus en plus fragmenté en spécialistes qui ne se parlent pas assez et les médecins traitent des maladies au lieu de guérir des patients.
La question : Comment remettre le patient au cœur de la médecine ?
Les pistes : La piste principale proposée a été de s’inspirer des réunions qui se font en soins palliatifs mais aussi dans d’autres structures ; mettre dans une même salle les médecins, les spécialistes, les infirmières, les assistantes sociales, bref tout le personnel hospitalier, pour discuter de chaque patient. On y parle davantage de la personne qu’il faut soigner et plus seulement de sa pathologie. Et, surtout en soins palliatifs, il faudrait davantage s’appuyer sur les proches et le bénévolat.

3) La médecine dans un contexte mondialisé
Le constat : en France on a une médecine de luxe et on parle du problème du transhumanisme quand dans d’autres parties du monde on meurt de tétanos, de diphtérie, de diarrhées et tout simplement de l’eau du puits qui n’est pas filtrée.
La question : Comment éviter cette médecine à deux vitesses ?
Les pistes : Il faudrait proposer une médecine du bien commun, par opposition à une médecine du désir ou du bonheur. Ceci permettrait de limiter le désir de toute puissance médicale et de davantage sensibiliser le patient européen aux problèmes qui peuvent se poser dans les pays moins bien lotis.

Un constat personnel
Je rajouterai une constatation personnelle : l’éthique du chercheur et celle du médecin sont très différentes. Le médecin peut être confronté à des dilemmes éthiques quotidiennement, ce qui n’est pas le cas du chercheur ; ce dernier peut passer toute sa vie dans un laboratoire sans jamais avoir à résoudre le moindre problème éthique. C’est pourquoi le chercheur est sans doute plus tenté par une définition simple des grands principes alors que le médecin aura besoin d’une éthique « de tous les jours ». Il faudra trouver une solution pour réconcilier les deux.

dimanche 16 juin 2013

Pourquoi faut-il absolument signer la pétition "L’un de nous" ?


La nouvelle du jour bien sûr c'est que le gouvernement a décidé que l'embryon humain venant de gagner quatre mois de sursis il était temps de le condamner à la peine de mort. 
Que faire ? D'abord signer la pétition européenne "L'un de nous".

Il y a quatre arguments essentiels pour signer cette pétition :
1) Le gouvernement vient de remettre sur la table son projet de loi d’autoriser la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Mais il est tout à fait possible de faire appel à la législation européenne pour diminuer la portée d’une telle loi.
2) La pétition « L’un de nous » consiste à pouvoir exiger une réévaluation de la politique européenne en matière de financement de la recherche sur l’embryon. Si les financements européens sont bloqués, il sera difficile de faire ces recherches avec les seuls fonds nationaux.
3) La Cour de justice de l’Union européenne a déjà interdit de breveter les découvertes faites à partir des recherches sur l’embryon. Il est donc tout à fait possible de bloquer également le financement de la recherche à l’échelle européenne.
4) La Cour Suprême des Etats-Unis vient de décider à l’unanimité qu’un gène n’était par brevetable. Il serait donc tout à fait logique qu’elle décide que les cellules souches embryonnaires qui sont des produits naturels comme les gènes, soient également non brevetables, suivant ainsi la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. Il y aurait alors de plus en plus de raisons de se tourner vers des cellules souches éthiques comme les cellules iPS ou transdifférenciées.

jeudi 13 juin 2013

** Cellules iPS : plus de dix essais cliniques annoncés

J'ai parlé (sur twitter) il y a peu du premier essai clinique à base de cellules iPS qui s'annonce au Japon. Nature biotechnology publie un article sur les essais qui sont annoncés. Surprise, ce n'est pas un, ni trois mais plus de dix essais qui se profilent à l'horizon, dont sept pour 2014-2015 !

Le premier essai sera sans doute celui de Masayo Takahashi du Centre de Biologie du Développement de Kobé au Japon pour tenter de traiter la dégénérescence maculaire liée à l'âge. Mais c'est désormais plusieurs maladies du sang, la sclérose en plaque, la maladie de Parkinson ou l'épidermolyse bulleuse (une maladie de la peau) qui sont concernées. Le Japon avec trois projets et les États-Unis avec six projets sont à la pointe mais on trouve aussi l'Argentine et Advanced Cell Technology qui poursuit deux lièvres à la fois : les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules iPS. Il n'y a hélas aucun pays européen à ce stade.

dimanche 9 juin 2013

**** Le mot "clonage" prend un nouveau sens

 
 Pour la première fois, des chercheurs reprogramment des cellules jusqu'à l'état de totipotence ; le mot "clonage" prend tout son sens...
 
Qui sait ce qu'est vraiment le clonage ? Comme beaucoup d'autres j'utilise ce mot pour désigner l'introduction du matériel génétique d'une cellule plus ou moins différenciée dans un ovule dont on a enlevé le matériel génétique propre, technique appelée clonage mais qu'on devrait appeler "transfert nucléaire" pour être plus exact. En se retrouvant dans cet environnement, le matériel génétique différencié se dé-différencie pour retrouver un état originel et être capable de donner naissance à un nouvel être vivant. Cependant cette copie n'est pas parfaite ; en effet l'ovule apporte avec lui des propriétés qui lui sont propres et ne dépendent pas du matériel génétique introduit. Je pense notamment aux mitochondries, centrales énergétiques de la cellule, qui ont leur propre matériel génétique. Mais aussi à toute une série d'autres éléments qu'il serait trop complexe d'introduire ici. En résumé, cloner, c'est reprogrammer une cellule différenciée en cellule non différenciée totipotente.

Ce qu'on fait en introduisant du matériel génétique dans un ovule, Shinia Yamanaka a réussi à le faire avec seulement quatre facteurs, découvrant ainsi les cellules iPS. Mais ces cellules n'ont jamais été reprogrammées jusqu'au bout : elles devenaient pluripotentes, comme les cellules d'un embryon s'étant développé pendant quelques jours jusqu'au stade blastocyste. Mais elles ne devenaient pas totipotentes, elles ne devenaient pas des zygotes. Ainsi les cellules iPS, comme les cellules souches embryonnaires (CSE) sont incapables de générer les tissus extra-embryonnaires comme le placenta nécessaires à l'implantation d'un embryon. Il n'y a donc pas de problème éthique majeur associé aux cellules iPS. Sauf si... on parvenait à reprogrammer des cellules si bien qu'elles devenaient totipotentes. Un risque déjà évoqué sur ce blog (ici et ).

La jeune revue Cell Reports, petite sœur de Cell, a publié un article qui n'a pas fait grand bruit. C'est pourtant un découverte majeure : en modifiant légèrement le milieu de culture de CSE de souris, les chercheurs ont réussi à isoler des cellules tellement dédifférenciées qu'elles étaient désormais capables de générer les tissus extra-embryonnaires. Elles sont donc devenues totipotentes et très proches d'un zygote, la cellule issue d'une fécondation ou d'un transfert nucléaire (les auteurs de l'article évoquent des cellules au stade morula). Si cela est possible avec des CSE, cela sera possible à n'en pas douter avec des cellules iPS. Et alors pour la première fois on pourra prendre une cellule adulte, la reprogrammer selon la méthode de Yamanaka pour la faire ressemble à une CSE, puis la transformer en cellule totipotente, sans avoir utiliser un ovule et tout son environnement cellulaire exogène. Bref, on aura fait un vrai clonage... Ce n'est pas encore le cas chez l'homme mais nul doute qu'il faut se préparer à un tel résultat dans les années qui viennent.


mercredi 5 juin 2013

Le clonage humain va-t-il faire long feu ?

 
Alors que l'article de Cell annonçant la réussite du clonage humain n'a toujours pas été corrigé, il semble que cette technique, au moins aux États-Unis, ne sera pas utilisée en routine avant longtemps. La source ? Nature...

Le congrès américain reconduit chaque année l'amendement Dickey–Wicker qui interdit l'utilisation de fonds fédéraux pour la recherche sur l'embryon : seules les recherches à partir de certaines lignées de cellules souches embryonnaires sont autorisées. Les NIH (qui gère une partie très importante de la recherche en biologie) interdisent quant à eux la recherche sur les lignées cellulaires issues d'embryons créés seulement pour la recherche. Or les lignées cellulaires issues des embryons clonés tombent bien sûr dans cette catégorie. Les équipes de recherche recevant de l'argent des NIH ne peuvent donc ni confirmer ces résultats ni utiliser ces lignées cellulaires. Pour pouvoir le faire il faut un financement entièrement indépendant des NIH, ce qui inclut les murs, le personnel et tous les appareils. Autrement dit très peu de laboratoires publics. Le seul état où cela pourrait se faire est la Californie grâce à son fameux fond de trois milliards de dollars qui n'est pas fédéral. Mais le California Institute of Regenerative Medicine (CIRM) qui gère cet argent a pour règle de ne pas autoriser les lignées cellulaires issues d'ovules obtenus après paiement des donneuses (1) ; or elles ont reçu entre 3000 et 7000$, donc même les laboratoires californiens indépendants des NIH ne peuvent pas non plus utiliser ces lignées.

Bref seules quelques rares équipes de recherche vont être capables de tenter de reproduire cette technique de clonage (2) ou d'examiner ces nouvelles lignées. Conclusion de George Daley, un des plus grands spécialistes de la recherche sur les cellules souches : "La plupart des laboratoires vont choisir la voie la plus simple et continuer des travailler avec les cellules iPS, à moins que quelqu'un apporte une raison claire et convaincante de changer" (3). Quant à Alexander Meissner qui travaille au Harvard Stem Cell Institute (dont je parle souvent dans ce blog car ils sont parmi les tous meilleurs du monde quand il s'agit de ces questions), il pense que le clonage humain ne répond pas à la question fondamentale de la reprogrammation cellulaire. En effet les lignées issues des embryons clonés sont déjà elles-mêmes des produits dérivés de la reprogrammation du matériel génétique inséré dans l'oocyte. Pour étudier la reprogrammation il faut des oocytes or les donneuses sont rares donc pour faire ce travail il faudra se tourner vers la souris...

(1) cette règle a pour but d'éviter de voir se reproduire ce qui était arrivé dans l'équipe de Woo Suk Hwang où des étudiantes et postdoctorantes avaient été forcées de donner des oocytes contre rétribution financière.
(2) Ce serait possible en Californie avec l'argent du CIRM mais il faudra trouver des donneuses qui acceptent de ne pas être payées
(3) "Most labs will take the path of least resistance and continue working with iPS cells unless someone shows that there is a clear and compelling reason to change course."

samedi 1 juin 2013

Dans la lettre mensuelle de Gènéthique

La dernière lettre mensuelle de Gènéthique est sortie. Elle contient un entretien avec Grégor Puppinck, directeur du centre européen pour la loi et la justice (ECLJ). Et un autre avec votre serviteur qui commente les récentes annonces sur le clonage humain et un essai clinique avec des cellules souches embryonnaires humaines.