mardi 1 décembre 2015

Modifications du génome humain : la conférence de tous les dangers ?


Du 1er au 3 décembre va se dérouler une conférence historique pour l'avenir de l'espèce humaine. Et non, je ne vous parle pas de la COP21. Pendant que tous les yeux sont braqués sur Paris et le réchauffement climatique, un danger tout aussi grave, et peut-être même plus, grandit lentement. Il y a pourtant une solution facile à ce risque, mais on peut craindre le pire. Je veux parler de ce qui va se passer à Washington et de la modification du génome humain. À l'initiative des académies américaines des sciences et de médecine, des généticiens de toute la planète vont discuter pendant trois jours des modifications du génome humain. Participeront aussi en tant qu'organisateurs la Royal Society britannique et l'académie des sciences chinoise. Aucun corps constitué français, allemand, espagnol, italien, indien ou brésilien à l'horizon, ni bien sûr d'académie pontificale des sciences. On note cependant un effort louable d'ouverture dans la liste des intervenants (disponible ici) qui comprend un nigérian, un indien, un africain du sud, et même trois français dont Emmanuelle Charpentier, co-découvreuse du CRISPR/Cas9, technique qui a rendu facile la modification du génome (je précise que cela fait longtemps que Charpentier ne travaille plus en France). Le programme fait la part belle aux américains et aux chercheurs sur les cellules souches humaines.

Le but de cette conférence : "Le sommet réunira des experts du monde entier pour discuter des implications scientifiques, éthiques et politiques associées à la recherche sur la modification du génome humain." [the summit will convene experts from around the world to discuss the scientific, ethical, and governance issues associated with human gene-editing research]. Le site internet est très complet, et pour suivre les débats sur twitter, c'est là : 

Un moratoire, mais pour combien de temps ?
On verra bien quelle sera l'issue de cette réunion mais il y a un précédent. un semblable sommet a regroupé des chercheurs dans les années 70 à Asilomar ; on s'inquiétait alors des modifications du génome des bactéries. Résultat de la conférence : un moratoire qui tint en tout et pour tout... moins de douze mois. Je ne voudrais pas être trop pessimiste, mais je pense qu'il en sera de même cette fois-ci vu que la mesure la plus prudente envisagée est celle d'un... moratoire. Et encore la principale raison invoquée est que sans moratoire et sans prudence on court à la catastrophe, ce qui serait très dommageable pour les chercheurs sérieux qui risqueraient de ne plus pouvoir modifier "prudemment" le génome. On nous dira que c'est pour guérir des maladies incurables —ce qui est vrai et souhaitable si on guérit sans que les modifications génétiques soient transmissibles. Mais on prendra ensuite le risque d'un glissement lent vers les modifications transmissibles, et un jour vers l'amélioration du génome, puis vers l'eugénisme.  Mais nous n'en sommes pas encore là. La solution vraiment prudente est simple : interdire toute modification transmissible à la descendance. En revanche on pourrait "mettre le paquet" sur l'exploitation de cette technique pour guérir les patients atteints de malades génétiques.

NB : pour les détails sur le CRISPR, vous pouvez vous reporter aux billet précédents ici pour la technique et  pour les applications à l'homme.

mercredi 18 novembre 2015

P comme Pardon


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

"Pardonnez leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font" et aussi, "Moi je vous dis, aimez vos ennemis" (1). C'est très dur d'aimer ses ennemis, surtout quand ils viennent de commettre des actes monstrueux. Cependant si certains vous disent que les terroristes qui exécutent ces massacres savent exactement ce qu'ils font, je n'en suis pas sûr. Je pense plutôt que ce sont des jeunes désorientés et déracinés, qui n'ont pas pu ou pas voulu hériter d'une culture. Ils sont alors mûrs pour admettre n'importe quelle erreur, même si elle conduit à des abominations. Le manque de repères solides et d'enracinement est la marque de fabrique du terrorisme, par définition aveugle et inculte. Si vous n'en êtes pas convaincus, lisez le communiqué revendiquant les attentats ; c'est le niveau zéro du raisonnement. C'en serait presque risible, si cela ne servait à justifier l'injustifiable. Ceux qui savent ce qu'ils font sont les commanditaires, lâchement planqués loin d'ici.

1) "Vous avez appris qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux". Évangile selon saint Matthieu, 5, 43-45.

H comme Héros


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

Peu à peu surgissent les histoires de héros extra-ordinaires. Certains ont ouvert leur magasin, d'autres un appartement, d'autres encore se sont couchés sur une personne allongée par terre pour les protéger, ou ont sauvé une femme enceinte. Et bien sûr il y a les militaires et les policiers, les pompiers, les ambulanciers, les médecins, les secouristes, les internes en médecine, et tous ceux qui d'une façon ou d'une autre sont venu au secours des victimes. Pensez donc, dans les derniers instants de l'assaut, les forces de l'ordre ont sauvé les vingt derniers otages sans qu'un seul soit blessé. Honneur à eux !

H comme (sans) Haine


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

« Seigneur, faites de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.

O Seigneur, que je ne cherche pas tant à
être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.
»

Prière de saint François d'Assise

A comme Attentat


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

129 morts et 350 blessés. C'est l'attentat terroriste le plus grave en France. Mais hélas il s'inscrit dans une continuité ; depuis les événements des 7-8-9 janvier 2015 (17 morts) vous avez connu la personne qui essaye de s'en prendre à deux églises (19 avril), celui qui est maîtrisé dans un Thalys (21 août), et d'autres cas moins graves ou moins connus. Mais les années précédentes ont déjà connu de nombreux autres attentats. Pour ne citer que les plus graves entre les 11 et 19 mars 2012 il y a Mohammed Merah (7 morts) ; avant cela en 1995 huit attentats font 8 morts et 200 blessés, alors qu'en 1996 une bombe fait 4 morts et 90 blessés à la station Port-Royal. Je ne fait là référence qu'aux attentats d'origine islamiste sur le sol français car il y en a eu beaucoup d'autres ; bien que beaucoup moins sanglant le séparatisme corse est responsable de centaines d'attentats (235 rien qu'en 2006, 180 en 2007 !) et du meurtre du préfet Erignac en 1998. Et vous avez vécu les attentats de 2005 à Londres. Malheureusement, cette guerre dure depuis longtemps et n'est pas prête de disparaître. De nombreux peuples ont été frappés ou le sont encore aujourd'hui, surtout en Afrique et au Moyen-Orient. Quelques jours avant, le Liban était durement frappé, et encore avant c'était la Russie, le Kenya… la liste est sans fin ; en décembre 2014 une attaque des talibans contre une école a fait plus de 140 morts, dont 132 enfants, au Pakistan. L'émotion qui saisit le monde entier lorsque la France est frappée nous donne un devoir impérieux, celui d'être à la hauteur de cette émotion en nous conduisant en dignes enfants de ce pays si admiré.

PS : j'apprends qu'un attentat à la bombe vient de frapper le Nigéria ; on compte plus de 30 morts et 80 blessés. Requiescant in pace.

lundi 16 novembre 2015

M comme Marseillaise


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.




"Aux armes citoyens" "Qu'un sang impur abreuve nos sillons". Troisième symbole de cette journée tragique, la Marseillaise - qui a même retenti, jouée à l'orgue, pendant l'offertoire de la messe ce dimanche à Notre-Dame. Désolé pour tous ceux qui pensent que c'est notre chant de ralliement mais je n'en peux plus. À tout prendre, ce devrait être l'hymne de Daesh, mais pas le nôtre. C'est un chant révolutionnaire qui efface toute l'histoire de France d'avant 1789, où les soldats faisaient la guerre et non les "citoyens", et où on ne considérait pas que le sang de l'ennemi était impur. Et je ne parle pas du deuxième couplet ("Que veut cette horde d'esclaves, de traîtres, de rois conjurés ?"). Je ne sais par quoi la remplacer, tant le répertoire populaire français s'est réduit comme peau de chagrin, au point que c'est le seul chant que connaissent tous les français. Mais j'ai vraiment du mal à la chanter. Quant à l'entendre à Notre Dame de Paris pendant la messe, j'avoue ma stupeur et mon désarroi. Un jour, quand vous en aurez l'âge, vous lirez "Les deux patries" de Jean de Viguerie, et vous comprendrez pourquoi la patrie révolutionnaire de la Marseillaise n'a rien à voir avec la France.

D comme Drapeau



"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

Nos couleurs, bleu-blanc-rouge, sont apparues sur d'innombrables bâtiments de par le monde, des États-Unis à l'Amérique du Sud, de l'Asie à l'Afrique, en Océanie et dans toute l'Europe. C'est le deuxième symbole de cette funeste soirée, un symbole de la France que nous pouvons chérir. Vos ancêtres ont combattu sous ce drapeau qui représente les couleurs de Paris encadrant celle de la monarchie. En cela, contrairement à d'autres symboles utilisés (lettres E et M), le drapeau englobe toute l'histoire de notre patrie. Nous ne pouvons qu'être très humbles et reconnaissants devant ces multiples hommages, et surtout nous efforcer d'en être dignes.

NB : Je sais que dans la photo ci-dessus, certains monuments n'ont en réalité pas été éclairés en bleu-blanc-rouge, mais c'est le symbole qui m'intéresse...

E comme Eiffel


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

Le #PrayForParis qui a fait le tour du monde représente la tour Eiffel, premier symbole de cette journée. Triste symbole de Paris en vérité que ce mécano géant. Quand un ville compte la cathédrale Notre Dame, la Sainte Chapelle, la cour carrée du Louvres, le Palais royal, le Pont Neuf, Saint Germain l'Auxerrois, la tour saint Jacques, la Sorbonne (une des plus anciennes universités du monde), franchement, la tour Eiffel…

B comme "quelle barbe"


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

De la barbe à la barbarie, il n'y a qu'un pas

Il n'est pas question de la barbe des barbus, mais de l'expression familière "Quelle barbe !", appliquée à l'école. Je l'ai pensé, vous le pensez, tous les écoliers le pensent. Et pourtant, de "la barbe !" à la barbarie, il n'y a qu'un pas. Sans culture, sans savoir, sans assimilation de ce que fut la création de la France, on prend le risque d'être des barbares, gentils mais incultes. Et quand on ne prend pas la peine de découvrir sa propre culture, on est mal armé pour lutter contre les terroristes. Le combat du XXIe siècle est culturel ; nous devons connaître au moins certains des écrivains, des peintres, des musiciens, des architectes, et des saints et saintes bien sûr, et des savants, et de tous les autres dont la liste est sans fin, qui ont fait la France et qui ont fait l'Europe. C'est indispensable. Inutile de faire la "guerre au terrorisme" comme le prétendent nos gouvernants, quand on ne sait pas définir de façon sure et profonde ce qu'est la France et reconnaître son passé chrétien.

vendredi 6 novembre 2015

Non croyants de tous les pays, réjouissez-vous, un autocollant démontre qu'on peut se passer de la religion - pas Gorafi !


Un article publié ce jour dans la très bonne revue scientifique Current Biology, donc a priori tout à fait sérieux, tente de démontrer que les enfants de parents croyants sont moins généreux que ceux de parents non croyants. En jeu ? Un autocollant, juste un. C'est peu pour une conclusion aussi fracassante, immédiatement traduite par l'encore plus prestigieux journal Science (ici) en : "Nonreligious children are more generous" [Les enfants non croyants sont plus généreux]. Oh les vilains croyants ! 

L'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette d'un autocollant
Allons y voir de plus près. Le jeu proposé aux enfants consiste à choisir dix autocollants dans une collections de trente. Ensuite on leur explique que d'autres enfants de la même école ne pourront pas jouer et que l'enfant peut laisser quelques autocollants parmi ceux qu'il a choisi pour que d'autres puissent en avoir. Et c'est là que tout se joue : les enfants de parents non croyants (EPNC) abandonnent 4,1 autocollant en moyenne, quand les enfants de parents chrétiens (EPC) n'en laissent que 3,3 et les enfants de parents musulmans (EPM) 3,2. Les autres croyances (bouddhisme, judaïsme, etc) n'étaient pas assez représentées pour avoir un résultat significatif.

Et ensuite…, ah ben non en fait il n'y a pas de suite. C'est tout. Un autocollant (en fait, même pas un autocollant entier) de plus ou de moins suffit à proclamer que les "enfants non croyants sont plus généreux". On pourrait aussi conclure que les parents non croyants achètent plus facilement ce genre de bazar à leurs enfants que les parents croyants, et que donc les EPNC pourraient aussi bien laisser tout le paquet d'autocollants car ils en ont trente fois plus à la maison. Mais ça, ce n'est pas contrôlé. Et les auteurs de conclure très sérieusement que la religion a un effet négatif sur l'altruisme des enfants, et que l'athéisme "la sécularisation du discours moral" ("secularization of moral discourse"est donc une bonne chose.

Si on vous bouscule dans la rue, il sera de bon ton de ne rien dire
Ah si quand même, il y a une suite, tout à fait sidérante. On montre à l'enfant un autre enfant se faire bousculer. On lui demande ensuite ce qu'il en pense : est-il choqué, et quelle punition donnerait-il à celui qui bouscule. Et là, l'EPNC dit que ce n'est pas grave et qu'il ne faut pas trop punir, quand l'EPC trouve que quand même ça ne se fait pas mais ne punit pas davantage quand l'EPM est davantage choqué et partisan d'une punition plus sévère. Et quelle est la conclusion ? Que EPNC est moralement supérieur aux autres. Et oui, c'est comme ça : si je vous bouscule dans la rue, il sera de bon ton de ne rien dire. Quand je vous dit que c'était sidérant… 

Et l'article de conclure dans son résumé : "Religiousness was inversely predictive of children’s altruism and positively correlated with their punitive tendencies." [La religiosité était inversement prédictive de l'altruisme des enfants et positivement corrélée avec leur tendances punitives]. Bon, ben ça c'est faux et les "reviewers" de l'article n'auraient pas dû laisser passer une erreur aussi grossière. En effet il ont démontré cela pour les EPM mais pas pour les EPC. Sans compter que personnellement je souhaite vivement qu'un enfant soit choqué quand il est témoin d'une brutalité.

Des biais oubliés, en veux-tu, en voilà !
Mais revenons aux biais potentiels de cette étude. Tiens par exemple, quid du nombre de frères et sœurs ? Il est évident que dans une famille nombreuse on a moins de moyens, donc les enfants ont moins de choses à eux. Quoi de plus naturel de garder un autocollant de plus. Et si on se demandait qui des EPNC/EPC/EPM va vivre dans une famille nombreuse ? Ah zut, encore une donnée non disponible. Notez que j'ai ma petite idée quand on sait que sur les 1170 enfants concernés, 152 viennent de Jordanie et 196 de Turquie et qu'ils sont à mon avis musulmans dans une famille d'au moins trois enfants ; alors que les 219 enfants chinois sont très probablement enfants uniques dans une famille non croyante. Et en Afrique du Sud (188 enfants), à votre avis, ils sont riches, non croyants, et enfants uniques ? Ou pauvres, chrétiens, et dans une famille nombreuse ? Une confirmation de cette intuition dans l'étude ? Les enfants de parents croyants sont moins partageurs à douze ans qu'à cinq ans ; une corrélation avec le nombre de petits frères et sœurs, peut-être ?

Autre problème potentiel : le revenu de la famille. À votre avis qui d'un couple non croyant avec un enfant ou d'un couple croyant avec trois ou quatre enfants va avoir le revenu le plus élevé ? Quel enfant va avoir déjà tellement de jouets qu'il ne désirera plus rien, surtout pas un stupide autocollant ? Il est bien dit que le niveau socio-économique révèle une corrélation avec l'"altruisme" (ie le nombre d'autocollants laissés aux autres) mais on ne sait pas dans quel sens ; et ce statut a uniquement été jugé à partir du niveau d'éducation de la mère ("As a metric for socioeconomic status, parents were asked to specify the level of education of the mother"). Encore une fois, c'est un peu court…

Bon, allez, assez rigolu, j'ai du boulot : je vais piquer les autocollants de mes enfants et les distribuer à leurs copains qui ont en moyenne cinq fois plus de jouets à leur disposition pour les punir d'être des EPC… Non mais !

Et je vous laisse avec la conclusion de l'article, non traduite pour ne pas trahir, afin que vous puissiez vous régaler de ce "chef d'œuvre impérissable du génie humain" comme disait mon grand père, athée convaincu : "Overall, our findings cast light on the cultural input of religion on prosocial behavior and contradict the common-sense and popular assumption that children from religious households are more altruistic and kind toward others. More generally, they call into question whether religion is vital for moral development, supporting the idea that the secularization of moral discourse will not reduce human kindness—in fact, it will do just the opposite." Et la marmotte…

Au passage, je ne peux pas résister à rappeler que les deux tiers des études de psychologie comme celle-ci ne peuvent pas être reproduites (source)...

Allez, soyons altruiste et laissons un autocollant aux auteurs de ce mémorable article :



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NB : j'ai un conflit d'intérêt que je dois divulguer: j'ai déjà publié dans la revue Current Biology, et j'ai aussi vu des manuscrits refusés quelques heures après leur soumission. Ça ne change rien, mais c'est dit et ça fait sérieux. Et je n'ai bénéficié d'aucune ressource financière pour écrire ce billet. Et je suis catholique, donc j'avoue que cette étude m'a interpellé. Mais elle ne rassurera que les agnostiques et les athées qui ont manifestement besoin de se rassurer si j'en juge par leur enthousiasme :-)

mercredi 19 août 2015

Totipotence, vous avez dit totipotence ?


Le Graal des chercheurs qui travaillent sur la reprogrammation depuis la découverte des cellules iPS est la totipotence. Cela consiste à pousser cette reprogrammation encore plus loin qu’avec les cellules iPS qui sont « seulement » pluripotentes. La différence entre cellules totipotentes et pluripotentes se trouve dans la capacité ou non à générer un embryon, puis un foetus, entier. Les cellules pluripotentes, telles que les cellules souches embryonnaires ou les cellules iPS, ne peuvent donner naissance qu’aux tissus embryonnaires mais pas aux tissus extraembryonnaires tels que le placenta. En revanche le zygote, issu de la fécondation, est par définition capable de générer les deux types de tissus ; c’est aussi vrai des cellules issues de la première division du zygote, au moins chez la souris. Générer in vitro des cellules totipotentes par reprogrammation pourrait permettre d’obtenir des « zygotes » à volonté, sans passer par la reproduction sexuée ; c’est en réalité l’équivalent du clonage, la seule différence étant la méthode de reprogrammation. Dans le cas du clonage la reprogrammation est assurée par l’ovule qui va recevoir un noyau adulte, alors que dans l’autre cas il faut identifier les facteurs qui pousseront encore plus loin le processus de reprogrammation, au point d’obtenir non plus une cellule pluripotente mais une cellule totipotente. 

Comment définir la totipotence ?
Encore faut-il s’entendre sur la définition de la totipotence… En principe c’est assez facile à vérifier : une cellule totipotente doit générer une embryon qui une fois implanté donnera naissance à un individu fertile ; c’est en tout cas la définition donnée par exemple ici et ici. Mais une autre définition est actuellement utilisée par certains : si on trouve des cellules qui ont la signature moléculaire des cellules issues de la première division du zygote (stade 2-cellules) et qui peuvent dans certaines conditions donner naissance aussi à des tissus extraembryonnaires, alors ce sont des cellules totipotentes. C’est cette définition, moins restrictive, qui a été récemment utilisée.

Une perfomance franco-allemande
En effet il y a deux semaines l’INSERM (http://www.inserm.fr/espace-journalistes/de-la-pluripotence-a-la-totipotence ; l’annonce est étrangement datée du 29 août 2015 !) et le CNRS (http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4159.htm : cette fois c’est daté plus normalement du 3 août) ont fait savoir qu’une équipe française de l’IGBMC à Illkirch, près de Strasbourg, associée avec une équipe allemande, avait pu obtenir des cellules totipotentes ; l’article a été publié dans le revue Nature structural and molecular biology. Pourtant point de souriceaux nés de ces cellules. Nous aurait on trompé ? Oui et non, car c’est la 2e définition qui a été retenue. En cultivant des cellules souches embryonnaires (CSE) ou des cellules iPS on obtient dans 0,5% des cas, des cellules « totipotentes », à savoir semblables au stade 2-cellules. Les chercheurs ont identifié un facteur nommé CAF-1 qui agit sur l’organisation de l’ADN et dont la perte améliore la capacité des CSE à devenir totipotentes : la proportion de ces cellules dans une culture de CSE passe de moins de 0,5% à 4-8%. Une analyse détaillée de ces cellules montre qu’elles ressemblent à s’y méprendre à celles d’un embryon au stade 2-cellules. Cependant l’expérience finale, obtenir des souriceaux, n’est pas présentée dans l’article. Au lieu de ça, les auteurs ont choisi d’utiliser le clonage, à savoir le transfert d’un noyau de ces nouvelles cellules « totipotentes » dans un ovule ; ils ont ensuite montré qu’on observait plus facilement une première division du zygote obtenu après clonage : 68% contre 28% avec des CSE. En attendant quelques jours de plus pour ce même test ils ont obtenu 25% d’embryons au stade morula ou blastula (le stade de l’implantation dans une FIV) au lieu de 5% pour les CSE. Cependant la capacité de ces cellules à générer des tissus extraembryonnaires n’a pas non plus été démontrée. 

Ce qu'il faut retenir
En résumé cette équipe montre que la perte d’un gène permet dans une certaine mesure de transformer des CSE en cellules qui ressemblent à celles d’un embryon 2-cellules, avec de nombreux marqueurs de totipotence. Cependant la démonstration finale de la totipotence n’est pas faite ; de plus il faudra aussi vérifier que cela est aussi vrai si on prend des cellules iPS au lieu de CSE. Au final, le rêve, ou le cauchemar selon les points de vue, de l’obtention de cellules totipotentes à volonté et de la reprogrammation complète sans recourir au clonage, n’est pas encore d’actualité chez la souris, et encore moins chez l’homme. C'est cependant un pas important qui a été franchi et nul doute que d'autres travaux permettront d'atteindre la topipotence dans sa définition la plus stricte tôt ou tard.

jeudi 23 avril 2015

Édition transmissible du génome humain : déjà une première tentative

Confirmant une rumeur persistante ces dernières semaines, un journal (la revue Protein & Cell qui est très récente et a un facteur d’impact -2,8- assez modeste) a publié la première tentative d’édition du génome d’un embryon humain. Afin d’éviter une réaction de rejet trop forte par la société qui devrait s’inquiéter des modifications transmissibles du génome humain, ils disent avoir sélectionné des embryons non viables (au lieu de posséder un matériel génétique normal en deux copies, il y avait trois copies) provenant de cliniques pratiquant des fécondations in vitro. Utilisant la technique du CRISPR/Cas9 (je renvoie le lecteurs à mes deux billets précédents) ils ont cherché à corriger le gène HBB de la β-globine dont les mutations sont responsables de la β-thallassémie qui affecte les globules rouges.
Ils ont injecté le système protéique CRISPR/Cas9 et le gène corrigé dans pas moins de 86 zygotes (embryon 1-cellule) humains. Deux jours plus tard il restait 71 embryons (les autres étaient morts avant) au stade 8-cellules et 54 d’entre eux furent testés génétiquement. Mais seuls 28 embryons ont vu leur ADN coupé par le facteur CRISPR/Cas9, et la recombinaison génétique recherchée n’a été observée que dans une poignée d’embryons. Mais les chercheurs ont aussi observé une pléiade d’erreurs diverses et variées, dans le site du gène lui-même et d’autres dues à des effets non désirés ailleurs dans le génome. Ces dernières mutations en particulier sont très inquiétantes : elles ont été trouvées en bien plus grand nombre que ce qu’on pouvait prédire à partir des études faites dans l’embryon de souris.

Ce qu’on peut en penser
C’est à la fois une mauvaise et une "bonne" nouvelle. D’une part ce qui aurait été encore considéré comme une transgression majeure il y a peu a désormais été tenté : on a essayé de modifier le génome humain et ces modifications auraient été transmissibles aux descendants. D’autre part, comme prédit, afin d’éviter des critiques trop fortes cette première transgression est présentée comme positive, puisqu’il se serait agi de guérir une maladie (voir le billet précédent). Cependant, l’échec presque total de cette première tentative est un avertissement, et finalement une « bonne » nouvelle. Les chercheurs qui se sont précipités pour exploiter cette technique chez l’embryon humain ont montré que cela était très loin d’être aussi facile que certains l’espéraient, et même en réalité totalement inexploitable à l’heure actuelle. Quelle femme acceptera de donner près d’une centaine d’ovules dans l’espoir qu’une poignée d’embryons, dans le meilleur des cas, puissent être « corrigés », sans garantie que des mutations secondaires n’ont pas été introduites ailleurs dans le génome par la même occasion ? Les chercheurs eux-mêmes ont conclu que cette technique était encore très loin d’être exploitable chez l’homme.

Premières leçons
George Daley, un des leaders mondiaux des cellules souches dont le laboratoire est à Harvard, déclare : « Their study should be a stern warning to any practitioner who thinks the technology is ready for testing to eradicate disease genes. » ["Leur étude devrait un avertissement très clair à tous les chercheurs qui penseraient que cette technique est prête à être testée pour éradiquer des maladies génétiques"]. Autre leçon intéressante : l’auteur principal des recherches a déclaré que Nature et Science avaient rejeté l’article notamment sur la base de considérations éthiques. On peut donc espérer que, comme l’ont réclamé de nombreux chercheurs, un moratoire sur l’utilisation de cette technique chez l'embryon humain soit mis en place. Malheureusement, ce n’est pas le cas : pas moins de quatre autres équipes de recherche, toutes chinoises, auraient déjà effectué le même type d’expériences. Et sans doutes d'autres, ailleurs dans le monde.


Sources : un billet du site Nature News, et l’article lui-même (en libre accès).

jeudi 2 avril 2015

Les implications de l'exploitation de la technique du CRISPR/Cas9 chez l'homme


La technique du CRISPR/Cas9 est un outil révolutionnaire pour les chercheurs, et on peut imaginer faire des progrès médicaux fantastiques grâce à elle. Malheureusement elle peut aussi être exploitée pour initier le meilleur des mondes. Il appartient à la société civile de s’emparer de cette question de façon urgente, et d’exiger des politiques un accord mondial pour bloquer, tant qu’il en est encore temps, les modifications transmissibles du génome humain.

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Après la technique (voir billet précédent), qu’il fallait bien aborder pour que la suite soit compréhensible, voici venu le temps des implications de la découverte du système de modification du génome par la technique dite du CRISPR/Cas9. 

Une précision indispensable
En elle-même la technique du CRISPR/Cas9 ne pose aucun problème éthique. Elle sert uniquement à modifier une séquence d’ADN d’une façon plus spécifique et surtout plus simple que ce qu’on savait faire avant. J’ai tenté une comparaison avec la recherche nucléaire dans mon billet précédent ; elle n’est pas très bonne comme on le verra, car c’est l’utilisation de la technique qui peut poser un problème, contrairement au nucléaire qui est dangereux par essence, même dans le cadre d’une utilisation civile. En revanche ce qu’on peut désormais envisager de faire, à savoir modifier le génome des cellules germinales, d’un zygote ou d’un embryon de quelques cellules, a une portée potentiellement bien plus grave que l’atome.

Le CRISPR/Cas9, un outil fantastique pour la recherche
La technique décrite dans le billet précédent est tellement simple que presque tous les laboratoires de la planète l’ont déjà utilisée ou envisage de l’exploiter prochainement (si vous vous demandez si cela concerne l’équipe du rédacteur de ce blog, la réponse est oui, nous l’avons déjà utilisée). Cela marche si bien que c’est un vrai bonheur à mettre en œuvre. Par exemple, pour la première fois nous pouvons facilement ajouter un gène codant une protéine fluorescente à un gène du génome de n’importe quel organisme. De cette façon nous pouvons voir la protéine correspondante dans un contexte aussi naturel que possible. Avant cela, la protéine d’intérêt était soit observée dans des cellules intactes mais était presque systématiquement surexprimée, ou bien il fallait « fixer » (c’est-à-dire ajouter des produits qui figeait, et tuait, les cellules) avant d’ajouter un anticorps (pas de surexpression, mais des cellules loin d’être intactes). Aujourd’hui nous pouvons localiser un facteur exprimé de façon naturelle dans des cellules vivantes. C’est donc un outil fantastique pour les chercheurs.

Autre exemple : pour comprendre la fonction d’un gène il est fréquent de le supprimer puis de voir ce qui se passe dans les cellules ou dans un organisme. Mais cela reflète rarement ce qui se passe chez les patients où souvent la mutation est ponctuelle. Grâce au CRISPR/Cas9 on peut reproduire cette mutation dans n’importe quel contexte ; l’alternative exploitée jusque là consistait à prélever des cellules chez un patient puis à les reprogrammer en cellules iPS et les redifférencier, ce qui représente une série d’expériences assez lourdes par rapport à ce que permet le CRISPR/Cas9.

Le CRISPR/Cas9 facilite aussi les modifications « germinales »transmissibles
Les cellules du corps peuvent être réparties en deux grandes catégories : cellules somatiques et cellules germinales. Les premières, de très loin les plus nombreuses, ne transmettront pas leur génome à un autre individu. Par opposition les cellules germinales vont transmettre leur génome : ce sont les ovules et les spermatozoïdes et les cellules qui vont leur donner naissance. Par extension ce sont aussi les premières cellules embryonnaires qui peuvent toutes donner naissance  aux cellules qui vont former les organes reproducteurs. Modifier les cellules somatiques ne pose a priori aucun problème éthique, en tout cas pas s’il s’agit de corriger des mutations par exemple. En revanche modifier le génome des cellules germinales (telles que définies plus haut, à savoir les cellules qui vont donner des ovules ou des spermatozoïdes, mais aussi le zygote ou l’embryon précoce) franchit un pas considéré par la plupart comme déterminant, car les modifications seront transmises ; avec les erreurs potentielles dues au processus de correction (voir billet précédent). Mais surtout on entre dans l’ère de la création d’enfants sur mesure. Jusque là c’était un fantasme techniquement infaisable, et cela le restera encore un moment. En effet si introduire une modification du génome est facile, en introduire entre deux et cinq devient un exploit technique, et au-delà cela reste à ce jour de la science fiction. Sauf si on prend en compte la possibilité de fabriquer des cellules germinales à volonté à partir de cellules iPS. Autrement dit, « cellules iPS différenciées en cellules germinales et CRISPR/Cas9 » pourrait être la recette menant à la voie du bébé OGM sur mesure.

Ce qu’il aurait fallu faire : une leçon pour la suite
Comme souvent, la technique a largement dépassé la législation actuelle, à une vitesse totalement imprévue, et comme le disent de nombreux experts, il est sans doute trop tard pour légiférer au niveau mondial (voir par exemple le billet de Paul Knoepfler sur son blog). Cela aurait pourtant été possible. Après tout l’adoption par de nombreux pays de l’interdiction du clonage reproducteur a fonctionné jusque là. Aucun clone n’est né, et pour autant qu’on sache personne ne cherche à en faire naître. En revanche le bruit court que pas moins de quatre équipes ont modifié le génome d’embryons humains, sans doute surnuméraires. Rien n’empêche d’imaginer que ces embryons pourraient être implantés et donner naissance à des enfants. Bien sûr, l’argument de la compassion sera exploité : il s’agira de corriger un défaut génétique majeur (prédisposition au cancer du sein, mucoviscidose, myopathie), justifiant alors le recours à ces modifications transmissibles.

Mais ce serait une erreur majeure. D’abord cela ouvrirait la porte à d’autres modifications, non plus pour corriger mais pour améliorer, dans un but clairement eugéniste, en exploitant les recettes mises au point. D’autre part cela bloquerait sans doute les recherches sur l’utilisation du CRISPR/Cas9 chez les patients. Cette démarche est beaucoup plus complexe : au lieu de modifier une ou quelques cellules, il faudra modifier le génome de milliers, et sans doute plutôt de millions, de cellules, chez un enfant ou un adulte. Ce serait pourtant la bonne approche : le risque d’erreur inhérent au CRISPR/Cas9 serait beaucoup plus facile à gérer, et il ne pourrait pas être transmis à un descendant.

lundi 30 mars 2015

L'histoire du nouvel outil de modification du génome : le CRISPR/Cas9

Tout commence en décembre 1987 de façon anodine : une équipe japonaise rapporte l’existence de séquences répétées d’un genre nouveau dans le génome d’une bactérie on ne peut plus ordinaire. En 2015, c’est la base de l’outil qui permet à tous les biologistes de la planète de modifier à volonté le génome de n’importe quel organisme vivant. Y compris des embryons humains comme le veut une rumeur persistante : pas moins de quatre articles seraient actuellement soumis pour publication aux plus grandes revues. Comme pour l'énergie nucléaire, il est sans doute trop tard pour prendre le temps de réfléchir…

Des débuts dans l'ombre
Entre les deux, c’est la fascinante histoire d’une recherche fondamentale comme il y a dans tous les laboratoires du monde, qui débouche peu à peu sur une découverte qui va révolutionner la manipulation du génome. De 1987 à 2002, il ne se passe rien, ou presque. Puis une équipe hollandaise rapporte qu’elle a identifié les mêmes séquences répétées dans plein de bactéries, ainsi que des gènes qui leur sont associées. En 2005 trois équipes démontrent que les séquences répétées, baptisées CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) ressemblent furieusement à de l’ADN de virus appelés bactériophages et capables de parasiter et détruire les bactéries. Dès 2006, une hypothèse est avancée : ces séquences répétées trouvées dans les bactéries pourraient être une forme de défense, un genre de système immunitaire à l’échelle de l’ADN. Les gènes associés aux CRISPRs sont appelés Cas (CRISPR associated genes). On réalisera que ces gènes Cas codent des protéines capables de couper l’ADN.

L'industrie au service de la recherche fondamentale
L’histoire prend ensuite une tournant inattendu sour la forme de la firme Danisco-Dupont qui fabrique des yaourts et du fromage. Pour cela ils utilisent une bactérie, Streptococcus thermophilus, qui est trop souvent la cible des bactériophages. Comment se débarrasser de cette menace constante et ruineuse ? Tout simplement en introduisant le mécanisme de défense supposé, baptisé CRISPR/Cas, dans leur bactérie vedette. Intuition géniale qui débouchera sur le premier article important de cette histoire, paru dans Science en 2007. Ce système permet en effet aux bactéries de se débarrasser des virus tueurs sans problème.

La technique est mise au point
Quelques années plus tard nous nous retrouvons dans l’équipe d’Emmanuelle Charpentier, une française au parcours atypique (USA, Autriche, Suède) qui publie coup sur coup un Nature en 2011 puis un Science en 2012 (avec Jennifer Doudna, autre grand nom de cette histoire) qui établissent le système connu aujourd’hui sous le nom de CRISPR/Cas9. Pour faire un simple, des petites séquences d’ARN (dites ARN guide) s’hybrident de façon spécifique à l’ADN et recrutent une protéine, Cas9, capable de couper l’ADN. En se réparant, l’ADN introduit des erreurs. On tient enfin un outil simple capable d’induire des mutations, non plus de façon aléatoire comme on le faisait avant, ce qui imposait un gros travail de criblage pour identifier les mutations intéressantes, mais un système simple qui cible une séquence précise (1). À partir de là tout s’emballe et la communauté scientifique dans son ensemble d’empare de cette nouvelle technique. Elle est si simple à mettre en œuvre qu’un an plus tard, elle est exploitée chez un petit vers (C. elegans), chez la mouche (Drosophile), chez un poisson (le poisson zèbre), des plantes, et déjà dans des cellules humaines.

Modification "à façon" très simple du génome
Pourtant un résultat va encore améliorer cet outil fantastique et le transformer en kit tout-en-un de modification du génome : en effet il ne s’agit jusque là que d’introduire des mutations, toujours un peu au hasard. La dernière étape sera de pouvoir introduire des mutations précises, voire même d’insérer une séquence d’ADN dans le génome. Cette étape sera franchie la même année (on est en 2013) dans différents modèles y compris dans des cellules humaines : une fois l’ADN coupé, sa réparation peut se faire à partir d’une copie qu’on introduit dans la cellule en même temps que le reste (ARN guide et la protéine Cas9). La copie peut être façonnée à volonté avant son introduction ; on tient donc l’outil idéal, permettant de modifier à volonté le génome de façon simple. Et cela a déjà été fait avec succès chez la souris en 2014 (publication dans Science) pour corriger un défaut génétique comme la myopathie de Duchenne.

Les caveat: questions sur la précision et problème éthique
Le premier problème de cette méthode extraordinaire réside dans son manque de spécificité : les petits ARN guides sont trop petits pour être parfaitement spécifiques d’une seule séquence du génome, et ils leur arrivent de s’hybrider à l’ADN de façon non spécifique, introduisant alors des mutations dans des endroits non désirés. Il existe des moyens de réduire ce risque, mais ils ne sera jamais complètement absent.

Le second problème, c’est que cette méthode est si simple qu’elle ouvre grand la porte à l’eugénisme le plus fou. Bien sûr les premiers laboratoires à exploiter cette technique chez l’homme le feront pour corriger un défaut grave. On parle de corrections de mutations dans le gène BRCA1 (qui favorisent le cancer du sein) ou dans le gène CFTR (responsables de la mucoviscidose) pour les articles qui seraient soumis. Mais qui pourra empêcher une clinique privée de faire la même chose pour non plus corriger, mais améliorer le génome ? Mais ce sera l’objet du prochain billet qui portera la catastrophe éthique qui se profile à l’horizon. La technique a pris tout le monde de vitesse, et il est sans doute trop tard pour contrôler la modification germinale (c’est-à-dire transmissible aux descendants) du génome humain.

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(1) C’est un peu comme si on voulait découper un mot dans un livre. Avant on découpait plein de mots au hasard dans des milliers de livres puis on cherchait le livre où le bon mot avait été découpé. On sait aujourd’hui viser le mot en question directement…