mardi 24 août 2010

Arrêt (provisoire ?) de la recherche sur les cellules souches embryonnaires aux États-Unis

Mise à jour du 09-09
Il n'aura pas fallu 24h à la cour d'appel pour statuer sur la demande de l'administration américaine. Et la décision du juge Lamberth est annulée, le financement fédéral de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines va reprendre. Comme quoi le pessimisme de Nature était injustifié (voir ci-dessous). Et beaucoup ont un peu vite oublié que cela ne concernait que l'argent fédéral, pas celui des états qui est tout aussi public, ni celui du privé ; le titre et le contenu de l'article du Monde sont donc particulièrement faux : la recherche ne s'est jamais arrêtée...


Mise à jour du 02-09
Un vent de panique commence à souffler dans les rangs des chercheurs sur les cellules souches embryonnaires humaines. Dans son éditorial d'hier Nature a pris parti pour la reprise de la recherche comme c'était prévisible. Ce qui l'est moins c'est leur pessimisme sur les chances de voir l'appel gagner : la cour d'appel serait dominer par des juges conservateurs. C'est pourtant bien Bush qui le premier a autoriser ce type de recherche.
Il y a donc désormais une demande de plus en plus forte pour que le congrès modifie l'amendement Dickey–Wicker qui interdit la recherche sur l'embryon humain afin d'exclure la recherche sur les cellules souches embryonnaires de cette interdiction. Nature l'a demandé, tout comme l'Association of American Medical Colleges qui a payé une pleine page dans le Washington Post de demain ; c'est l'équivalent de tous les doyens des facultés de médecine signant le même texte... Mais le temps est compté avant les élections de novembre, et rares sont les politiques qui auront la témérité de s'attaquer à un sujet aussi sensible que celui-ci juste avant une campagne électorale. La décision du juge Lamberth pourrait donc tenir encore un moment.

Mise à jour du 31-08
Comme prévu, le département de la Justice a fait appel aujourd'hui de la décision du juge Lamberth (voir le billet sur le blog de Nature The Great Beyond). Francis Collins, directeur du NIH, a notamment évoqué les 546 millions de dollars déjà investis dans la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et qui seraient perdus si les recherches devaient s'arrêter. Un porte-parole du département a quant à lui parlé des millions des malades qui pourraient bénéficier de ces recherches.
Je m'avance sans doute, mais la décision du juge Lamberth a de grandes chances d'être annulée. En effet elle est basée sur l'idée que les sommes dépensées sur les cellules souches embryonnaires humaines empêchaient un financement convenable de la recherche sur les cellules souches adultes. Mais le NIH a pu montré que l'un au moins des deux chercheurs à l'origine de cette plainte n'avait rien reçu du NIH entre 2007 et 2009, à une époque où le NIH ne finançait que peu de projets sur les cellules souches embryonnaires mais avait reçu 425.000$ du NIH cette année. Quant à l'autre chercheur, elle n'aurait tout simplement jamais demandé d'argent au NIH. Il semble donc que le raisonnement qui a conduit à la décision du juge Lamberth puisse être démonté.
On est cependant tenté de faire remarquer que ces 546 millions d'argent fédéral, auxquels il faudrait ajouter les sommes données par les états, les fondations et les entreprises privées, n'ont pour le moment pas abouti à des résultats tangibles.
 


Mise à jour du 30-08
Première conséquence de la décision du juge Lamberth : les projets propres au NIH utilisant des cellules souches embryonnaires humaines (c'est-à-dire seulement 8 sur près de 300 car les autres projets sont effectués dans des laboratoires qui ne dépendent du NIH que pour l'argent qu'ils reçoivent) sont arrêtés à partir du 30 août et jusqu'à nouvel ordre, y compris ceux utilisant les lignées autorisées par Bush.
D'autre part le département de la Justice devrait demander une suspension de la décision dès cette semaine.

Mise à jour du 26-08
Une brève publiée par ScienceInsider fait état d'une rumeur selon laquelle le département de la Justice pourrait désavouer l'interprétation faite par le NIH et considérer que la décision du juge Lamberth s'applique à tous les financements, y compris les projets déjà en cours. Il se pourrait donc que toute la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines financée par des fonds fédéraux soit interdite jusqu'à nouvel ordre.

Mise à jour du 25-08
La décision du juge fédéral Lamberth n'en fini pas de faire des vagues. L'administration a annoncé qu'elle allait faire appel. Et si la question de savoir si les laboratoires pouvaient utiliser les lignées cellulaires autorisées par l'administration précédente (celle de Bush) a été posée, la réponse semble être négative. C'est donc réellement un coup de tonnerre qui a éclaté et une décision emblématique d'Obama qui se retrouve supprimée.
La seule solution pour Obama serait que le congrès supprime le fameux amendement Dickey-Wicker ce qui semblait être prévu à moyen terme. Mais si, comme les sondages le suggèrent, les démocrates perdent les élections en novembre, il y a peu de chance que cela arrive. Reste maintenant à savoir si l'interprétation de cet amendement par le juge Lamberth sera confirmée par d'autres.
 


Mise à jour du 24-08
Un juge fédéral a ordonné l'arrêt immédiat des recherches sur les cellules souches embryonnaires financées par des fonds fédéraux aux États-Unis. Il s'agit d'un jugement sur la forme et non sur le fond. Pour résumer une plainte a été déposée en s'appuyant sur le fait que pour obtenir des cellules souches embryonnaires il faut nécessairement détruire un embryon ce qui va à l'encontre de l'amendement Dickey–Wicker qui interdit la recherche sur l'embryon humain (mais pas sur les cellules souches embryonnaires). Jusque là tout le monde avait fait une différence entre la destruction de l'embryon (interdite) et l'utilisation des lignées qui en dérivait (autorisée). Mais le juge Lamberth considère qu'on pourrait aussi interpréter l'amendement comme interdisant les deux.
Je passe sur les détails juridiques (voir ici pour plus de détails, en anglais). Francis Collins, le directeur du NIH, a déclaré que les projets déjà en cours (environ 200) utilisant des cellules souches embryonnaires humaines pouvaient continuer. En revanche les nouveaux projets (62 étaient en cours d'évaluation) sont suspendus jusqu'à nouvel ordre, tout comme le renouvellement de plus de 20 projets qui devait avoir lieu en septembre. Mais une interprétation différente de la décision du juge fédéral pourrait bloquer la totalité des projets.
Remarque : cela ne concerne ni les recherches faites avec des fonds non fédéraux, ni les cellules souches du sang de cordon ni les cellules souches adultes et autres cellules iPS etc.

dimanche 22 août 2010

*** Reprogrammation par l'environnement cellulaire

Une fois n'est pas coutume, je me contenterai de vous inviter à lire un compte-rendu paru dans Le Monde sur cette découverte qui démontre que des cellules du thymus peuvent être transformées en cellules souches de la peau sans aucun cocktail de gènes, simplement en les transplantant. Cette découverte n'a sans doute pas d'application thérapeutique directe, mais elle souligne une fois de plus la grande plasticité des cellules. Surtout elle montre qu'on peut transformer des cellules souches en un autre type de cellules souches sans modifier leur patrimoine génétique, contrairement à ce qui est fait pour les cellules iPS ou iN ou les récemment publiées cellules iCM (voir billet précédent).
Petite précision : si Yann Barrandon travaille en Suisse, il est français.

" Des chercheurs suisses et britanniques ont produit de la peau en transformant, sans manipuler leurs gènes, des cellules souches provenant du thymus de rat. Dans un article publié mercredi 18 août dans la revue Nature, l'équipe du professeur Yann Barrandon (Ecole polytechnique fédérale et CHU de Lausanne) rapporte y être parvenue en plaçant des cellules thymiques dans un micro-environnement de cellules cutanées (...)
Le thymus joue un rôle majeur dans la construction des défenses immunitaires, à partir de ses cellules épithéliales. Ces dernières sont organisées en un réseau tridimensionnel complexe, sensiblement différent des épithéliums classiques, comme celui de la peau. L'équipe helvéto-britannique a d'abord mis en culture des cellules thymiques épithéliales de rat. Puis elle a transplanté ces cellules chez un rat dans de la peau en développement.
Les cellules thymiques se sont alors transformées de manière irréversible en cellules cutanées, sans qu'il ait été nécessaire d'introduire des gènes contrôlant le destin cellulaire. Cette dernière technique, développée par le Japonais Shinya Yamanaka, est employée pour produire des cellules souches en reprogrammant des cellules adultes (cellules à pluripotence induite dites "iPS"). Mais elle a l'inconvénient de risquer d'induire des tumeurs - un risque qu'il faudra aussi évaluer dans la méthode de l'équipe helvéto-britannique.
Dans l'étude de cette dernière, la transformation des cellules thymiques en cellules de peau résulte de la seule action de l'environnement dans lequel elles ont été placées. Cette transplantation a provoqué d'importants changements dans l'expression des gènes des cellules thymiques.
Les cellules cutanées ainsi obtenues ont de nouveau été mise en culture puis transplantées chez un rat où elles ont effectivement produit une peau normale, avec des cellules épidermiques, des follicules pileux et des glandes sébacées (...)
L'une des questions soulevées par ce travail est de savoir si les cellules épithéliales du thymus pourraient être orientées différemment dans un environnement autre que celui de cellules de peau."

vendredi 6 août 2010

*** Les cellules iCM

Après la reprogrammation inventée par Yamanaka, il y a eu la différenciation directe en cellules nerveuses appelées cellules iN dont j'ai parlé en janvier de cette année. Et maintenant, voilà les cellules iCM qui sont une nouvelle confirmation qu'un cocktail de gènes peut suffire à dédifférencier des cellules (cellules iPS) ou à générer un type cellulaire donné sans repasser par un état dédifférencié (cellules iN et maintenant iCM).
La découverte a été publiée dans la revue Cell hier. Des chercheurs de l'université de San Francisco ont montré que les facteurs de transcription Gata4, Mef2c et Tbx5 suffisent pour transformer des fibroblastes en cellules musculaires cardiaques. Ce qui est nouveau, c'est qu'il n'y a plus besoin de passer par un état intermédiaire en cellules progénitrices du muscle cardiaque ce qui est la voie de développement normale.

Source : Cell
 Détails expérimentaux
Le cœur contient de nombreux fibroblastes et il suffit selon cette étude de forcer l'expression de Gata4, Mef2c et Tbx5 pour induire la transformation de ces fibroblastes en cellules musculaires cardiaques. Cela peut aussi être fait avec des fibroblastes de la peau. Le tout a été réalisé chez la souris et la transplantation de ces cellules iCM dans le cœur d'une souris a montré qu'elles se comportaient comme des cellules musculaires cardiaques.

Un espoir thérapeutique
Du point de vue thérapeutique cette découverte est capitale car les cellules musclaires cardiaques ne se régénèrent pas, empêchant un cœur de se réparer après une crise cardiaque par exemple. Or le cœur est composé à 50% de fibroblastes dont une petite fraction pourrait être transformée en cellules musculaires cardiaques pour faciliter la régénération du cœur. De plus on ne connaissait par les gènes permettant d'induire une différenciation en cellule cardiaque et c'est maintenant fait.

Pourquoi trois étoiles ?
Comme pour les cellules iN, cette découverte est révolutionnaire. D'abord elle confirme qu'on peut trouver un cocktail de gènes pour transformer un type cellulaire en un autre type cellulaire. D'autre part comme pour les cellules iN, on ne passe pas par un état "cellule souche" non différencié. Une propriété des cellules souches est qu'elles se divisent et risquent donc d'induire des tumeurs. Rien de tel avec les cellules iN ou iCM car elles ne passent jamais par un état non différencié. Plus que jamais, cela rend les études de ce type indispensables.
Pas de risque de tumeur et nul besoin de créer un embryon puis de le détruire : des cellules de la peau suffisent. Pendant que l'OPECST recommande de travailler sur des embryons chimères homme-animal, le reste du monde avance...

jeudi 5 août 2010

De la viande clonée dans les assiettes anglaises

Deux taureaux descendant d’une vache clonée aux Etats-Unis ont fini leur vie dans un abattoir britannique et leur viande s’est retrouvée dans les assiettes outre-Manche. Scandale immédiat, les quotidiens apportant chaque jour de nouvelles révélations sur ce "drame". Les enquêteurs cherchent désormais à savoir ce que sont devenus deux autres taureaux et quatre vaches, et surtout si le lait de ces vaches aurait pu être mis en vente. Enfin l’éleveur pourrait devoir abattre 97 jeunes vaches elles-mêmes descendantes d’un des taureaux. Même deux générations plus tard, elles semblent condamnées.

Le grain de sel de la commission européenne

La tempête grandit de jour en jour, impliquant maintenant la commission européenne. La « Food Standards Agency » pense qu’il est illégal de vendre de la viande et le lait de la progéniture de clones en vertu des règlements de la Commission européenne sur les nouveaux aliments. Pendant ce temps des officiels de cette même commission expliquent que la Grande-Bretagne interprète les textes de façon trop stricte.
Au pays de la vache folle et de la fièvre aphteuse, on peut comprendre qu’ils soient sur les nerfs, mais franchement il est beaucoup moins risqué de manger le descendant naturel d’une vache clonée que de manger une vache devenue carnivore – c’est ce qu’on fait en donnant des farines animales à manger aux vaches, pratique à l'origine de la crise de la vache folle.

lundi 2 août 2010

Brèves de vacances

Essai clinique
Depuis un an, le premier essai clinique à base de cellules souches embryonnaires de la société Geron était arrêté. La FDA vient de permettre sa reprise. On suivra bien sûr avec attention cet essai qui vise à traiter des lésions sévères de la moelle épinière. De son coté ATC espère être la suivante à obtenir l'autorisation de la FDA pour un essai sur la dystrophie maculaire de Stargardt en utilisant également des cellules souches embryonnaires (source).

Ambystoma maculatum, salamandre solaire
Je vous ai déjà parlé deux fois de cette limace de mer appelée Elysia chlorotica qui peut se comporter comme une plante grâce à l'assimilation et l'utilisation de chloroplastes issus d'algues qu'elle mange (voir ici et ). L'étonnant bestiaire des animaux faisant de la photosynthèse vient de s'enrichir d'une salamandre, un vertébré donc. Des chercheurs ont découvert que Ambystoma maculatum peut se servir d'une algue unicellulaire qu'elle assimile dans ses propres cellules ; cette salamandre pourrait alors bénéficier de la capacité de l'algue à générer notamment de l'oxygène et de la matière organique. Il ne s'agirait pas seulement d'un relation de type symbiotique qui profite aux deux partenaires : les images de microcopie électronique montrent que l'algue est tout entière à l'intérieur des cellules de la salamandre. Peut-être qu'elle pourra, comme Elysia chlorotica, ne conserver que les chloroplastes et se débarrasser du reste qui est inutile. Source : Nature News.