mardi 29 septembre 2009

Dans le dernier numéro de Liberté Politique

Trois articles sont susceptibles d'intéresser un scientifique désireux d'avoir un point de vue chrétien et/ou catholique sur :

- L'origine de la conscience chez l'homme. Dans un article court mais très bien écrit, Rémi Sentis, président de l'Association des scientifiques chrétiens, démonte l'idée selon laquelle on peut s'appuyer sur Darwin pour dire que la conscience et le sens moral de l'homme ne sont que des produits de son cerveau. De Gerald Edelman et sa Biologie de la conscience (Odile Jacob) à Jean-Pierre Changeux et son Homme neuronal (Fayard), tous reprennent des idées déjà émises au XVIII-XIXe par La Mettrie ou Cabanis pour qui la pensée est une sécrétion du cerveau (pour plus de détails sur ce sujet historique on peut se reporter au livre de Xavier Martin, Régénérer l'espèce humaine, DMM).
Conclusion de l'article : "Il est clair que la morale est une des caractéristiques de la discontinuité entre l'homme et l'animal. Que l'évolution se soit produite grâce à des mécanismes de mutations aléatoires et de sélection naturelle à l'échelle géologique n'est pas en contradiction avec le fait que la dignité de l'homme est incommensurable avec ce qui relève du monde animal (...) L'homme peut transformer le monde, le critiquer, il est doté d'un esprit et c'est parce qu'il est doté d'un esprit qu'il peut développer des théories - même celles qui ramènent cet esprit à la matière".

- On trouvera aussi un long article de Pierre-Olivier Arduin qui fait le point sur la recherche sur l'embryon ainsi que sur les aspects juridiques, scientifiques et éthiques de cette question. Cet article est en ligne ici.

- Mgr Suaudeau, de l'Académie Pontificale pour la Vie, revient sur la question des embryons congelés. L'instruction Dignitas personæ récemment émise par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a surpris (j'en parlais ici), et Mgr Suaudeau nous livre une explication de texte reprenant chaque possibilité une à une pour les réfuter. À tous ceux qui ont été surpris, voire choqués, je recommande vivement de lire ce texte qui peut difficilement être résumé mais démontre l'impossibilité de trouver une solution juste à ce problème. En conclusion : "Les deux "solutions" qui paraissent les plus adéquates - la possibilité avancée par certaines familles d'"adopter" ces embryons, ou la proposition de les maintenir dans leur état cryoconservé aussi longtemps que possible - sont insatisfaisantes. Le "laisser mourir" de ces embryons un fois décongelés ne peut être approuvé par l'Église, mais semble actuellement encore la solution la plus logique parce que la plus proportionnée à la situation. Mais elle ne respecte pas le droit à la vie de ces embryons. (...)"

dimanche 20 septembre 2009

Une citation à méditer...

"Pour discuter des questions où la science et la théologie catholique se rejoignent, il faut avoir fait dix à quinze ans d'études dans les sciences pures."
Pierre Duhem
Source (à la fin de l'article - remarque : ce n'est  pas la citation originale ; j'ai traduit de l'anglais qui était une traduction du français...)


Note ajoutée le 23 septembre
Je viens seulement de réaliser que ce  blog fêtait son premier anniversaire il y a trois jours au moment où je mettais cette citation de Duhem en ligne. Et pour la première fois, les 10 commentaires sont atteints. Merci ! Et merci à ceux qui me lisent, même sans laisser de commentaire... 


Encore un ajout, le 26 septembre
Dans un article du 21 septembre, La Croix nous rapporte le création de l'Académie Catholique de France. Extrait : 
"(...) Avec cette Académie, il s’agit justement de faire dialoguer des gens de tous horizons, avec des savoirs de diverses matières, remarque le biologiste Edgardo Carosella, chercheur à l’hôpital Saint-Louis : « Nous-mêmes sommes rarement confrontés à d’autres expertises. » Il ne s’agit pas d’être un intellectuel au sens où on l’entend depuis l’affaire Dreyfus, à savoir, explique Rémi Brague, « celui qui excipe de sa compétence scientifique pour revendiquer une autorité morale ».
Reste un minimum, poursuit le philosophe : « Un expert, qui l’est toujours dans un domaine très limité du savoir, et qui a le devoir d’éclairer les autres sur ce domaine, spécialement quand une vulgate médiatique contient des erreurs ou des demi-vérités. » (...)"

jeudi 17 septembre 2009

Le daltonisme guéri par thérapie génique chez deux singes

La revue Nature a publié aujourd'hui un article annonçant que deux singes daltoniens avaient été guéris par thérapie génique. Des chercheurs de l'Université de Washington ont pu corriger ce défaut en introduisant un gène normal dans les cônes, cellules contenant des photorécepteurs. Pour cela un virus contenant le gène a été injecté sous la rétine ; quelques semaines après le traitement les deux singes ont été capables de discerner le rouge du vert, ce qu'ils étaient incapables de faire jusque-là. Et deux ans plus tard, aucun effet négatif n'a été constaté.

Le daltonisme
Le daltonisme fut décrit à la fin du XVIIIe siècle par un scientifique anglais lui-même victime de cette maladie, John Dalton. C'est la maladie génétique la plus fréquente : on estime qu'elle touche environ 8% des hommes et 0,5% des femmes. Cette différence s'explique par le fait que les gènes qui permettent de voir le rouge et le vert sont situés sur le chromosome X dont les hommes n'ont qu'une copie, alors que les femmes en ont deux. De plus ces gènes sont très proches et donc soumis à des mélanges fréquents, ce qui explique le très fort taux de mutations les affectant.

Une approche prometteuse chez l'homme
La technique utilisée chez les deux singes est relativement simple. Cependant bien que handicapant, le daltonisme n'est pas une maladie suffisamment grave pour envisager d'utiliser cet outil pour la guérir. On pourrait en revanche l'exploiter pour guérir d'autres maladies affectant les yeux, notamment celles induisant une cécité complète comme la maladie de Leber.

Un cerveau très "plastique"
Cette étude illustre par ailleurs une fois de plus la plasticité du cerveau : ces singes qui étaient daltoniens depuis toujours ont été en quelques semaines capables de reconnaître et identifier la couleur rouge qu'ils n'avaient encore jamais vue. Ceci implique que les cônes exprimant le gène corrigé ont pu transmettre l'information et induire une interprétation correcte par le cerveau.

lundi 14 septembre 2009

Le Prix Lasker 2009 pour la reprogrammation

Le prix Lasker est l'antichambre du Nobel. Ce matin il a été décerné à John Gurdon et Shinya Yamanaka pour leurs travaux sur la reprogrammation.
John Gurdon, qui travaillait à Cambridge (GB), montra dans les années 50-60 qu'on pouvait faire du clonage sur des amphibiens. Il fallut plusieurs dizaines d'années pour adapter la technique aux Mammifères avec la brebis Dolly clonée par Ian Wilmut. Le clonage consiste essentiellement à reprogrammer le noyau d'une cellule différenciée en le plaçant dans le contexte d'un oocyte, le gamète femelle.
Shinya Yamanaka a quant à lui réaliser la même chose, mais sans oocyte, en ajoutant tout simplement une poignée de gènes (quatre pour être exact) à des cellules différenciées. Les lecteurs réguliers de ce blog sont bien sûr au courant de cette prouesse et des avancées considérables qui sont réalisées grâce à cette découverte.

Ce n'est pas un hasard si ces deux chercheurs sont récompensés en même temps. On a longtemps pensé qu'une cellule différenciée ne pouvait jamais revenir en arrière pour se dédifférencier. Gurdon a pourtant démontré que c'était possible, et Yamanaka a réussi à faire cela avec seulement quelques gènes.

lundi 7 septembre 2009

Quand il faut se mouiller...

Une étude récemment publiée fait état d'une mortalité cent fois plus élevée pour la grippe pandémique que pour le virus saisonnier habituel. Mais ceci concerne des effectifs très faibles (trois morts en Nouvelle-Calédonie et sept à l'île Maurice), et uniquement la mortalité directement due à l'infection virale et non à toutes les autres circonstances (maladies respiratoires chroniques, personnes déjà malades ou immunodéprimées, etc) ; on aboutit ainsi à un taux de 1 pour 10.000. Mais une autre étude publiée sur le même site et prenant en compte tous les cas de mortalité arrive à un taux de 1 pour 2000, ce qui est moins élevé que le taux de 1 pour 1000 pour la grippe saisonnière. ["So far, estimates of the case fatality rate range between 1 per 10,000 for Acute Respiratory Distress Syndrom (see [36]) to 1 per 2,000 for all influenza-related deaths. These estimates come with large cofnidence intervals and are likely to change over time. Of note, the case fatality rate for seasonal influenza is 1 per 1,000 on average, which appears more severe than H1N1pdm, however one has to remembers that it is mostly driven by a high proportion of deaths among seniors."]
On peut aussi se référer à la dernière mise au point de l'OMS : contrairement à la grippe saisonnière, cette pandémie ne touche que peu les personnes de plus de 50 ans (plus précisément : nées avant 1957) sans doute protégées par d'anciennes épidémies dues à un virus proche. Sont en revanche plus touchées les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladies chroniques respiratoires ou cardiovasculaires ou de diabète. Mais tout cela ne remplacera jamais l'avis du médecin de famille pour les personnes "à risque".

Remarque à l'usage du lecteur : ce qui suit constitue un point de vue personnel et subjectif. À chacun de peser le pour et le contre de la vaccination...

Tôt ou tard, il faudra prendre la décision de se faire vacciner ou non contre cette fichue grippe pandémique. Et bien malin qui peut dire aujourd'hui ce que sera demain.
D'une part on ne sait pas comment ce méchant virus va tourner : il est très contagieux et pour le moment peu virulent. Mais va-t-il muter demain ou après-demain ? Nul ne sait et nul ne peut savoir, ceux qui prétendent le contraire sont de gros menteurs.
D'autre part, il y a ce vaccin préparé à la hâte, à peine testé et commandé par milliards de doses ; les laboratoires qui le fabriquent travaillent à toute vitesse pour rattraper le temps, l'automne qui arrive dans l'hémisphère nord (l'important, le nôtre...), la pandémie qui se propage comme une traînée de poudre. Et quand on travaille très vite, on court toujours le risque de faire des erreurs.
Donc à ce jour, avec une virulence ne dépassant pas celle d'une grippe saisonnière contre laquelle je n'ai jamais été vacciné, je décide de passer mon tour. Mais si un enfant était vacciné dans mon dos à l'école, je ne paniquerai pas pour autant !

Reprogrammation plus efficace en cellule iPS

Mon dernier billet concernait une "avancée" qui n'était à mon avis pas très utile. Deux articles parus ou à paraître dans les revues PNAS (Sun, N. et al. PNAS 2009 AOP doi:10.1073 /pnas.0908450106) et Journal of Cell Science (1) sont à mon avis plus intéressants, même si ces revues sont moins prestigieuses que Nature. Lorsqu'on parle de reprogrammer des cellules prélevées chez des adultes, on pense généralement aux cellules de la peau, facilement accessibles. Mais comme le montre ces articles, on ferait sans doute mieux de reprogrammer des adipocytes (cellules adipeuses qui stockent les graisses) ou des mélanocytes (cellules pigmentaires de la peau). Les adipocytes ont pu être reprogrammés plus rapidement et de façon vingt fois plus efficace ; prélevés sur des personnes "en surpoids" cela permet de plus d'obtenir beaucoup de cellules prêtes pour la reprogrammation sans avoir à passer auparavant par une étape de multiplication des cellules prélevées. Quant aux mélanocytes, ils sont également plus faciles et plus rapides à reprogrammer, et on peut le faire avec seulement trois facteurs au lieu de quatre. Cela ne changera pas grand-chose dans un premier temps ; cependant, dans la perspective de créer des lignées spécifiques pour des patients, ces progrès sont plus utiles que la reprogrammation de cellules souches neurales fœtales (voir billet précédent).

vendredi 4 septembre 2009

Des nouvelles des cellules iPS : une avancée qui n'en est pas une...

Il y a déjà quelques jours, Nature a publié un article montrant qu'on peut désormais reprogrammer des cellules différenciées en cellules pluripotentes (cellules iPS) avec un seul gène, Oct4, au lieu de quatre. Il suffit pour cela de bien choisir les cellules à reprogrammer en sélectionnant celles qui expriment naturellement de façon importante les trois autres facteurs (Sox2, Klf4 et c-myc).
Mais il y a quand même un problème majeur dans cette étude : ce sont des cellules souches neuronales issues de fœtus avortés qui ont été ainsi reprogrammés. Il y a bien sûr l'objection éthique majeure que constitue la coopération avec l'acte même de l'avortement. Mais en plus, le résumé de l'article prétend que : "One-factor iPS cell generation will advance the field further towards understanding reprogramming and generating patient-specific pluripotent stem cells". Je ne vois pas bien en quoi cela permettra de générer des lignées spécifiques de patients qui par définition auront au moins quelques années de plus qu'un fœtus, et n'auront pas forcément envie qu'on aille chercher des cellules souches neuronales dans leur cerveau ; d'autres approches seront certainement beaucoup plus appropriées. Et si c'est à seule fin de recherche, là encore d'autres procédures sont en place qui ne nécessitent pas de telles pratiques. Reste la question de la compréhension de la reprogrammation : puisque trois des quatre facteurs sont déjà fortement exprimés et qu'ils ont juste introduit le quatrième, cela n'apporte pas grand-chose...En bref, une "avancée" qui restera probablement sans lendemain... La publicat
ion dans Nature semble principalement due au fait que les cellules iPS sont, à juste titre, très à la mode. Mais cela ne devrait pas suffire.

jeudi 3 septembre 2009

La disparition de la Mer d'Aral en images

Le 16 août 2009 :
Le 19 août 2000 :


En cliquant sur ce lien, on tombe sur une animation à partir d'images de la NASA montrant la mort de la mer d'Aral entre 2000 et 2009. Depuis les années soixantes et les délirants projets soviétiques d'irrigation du désert, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même.