mercredi 18 novembre 2015

P comme Pardon


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

"Pardonnez leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font" et aussi, "Moi je vous dis, aimez vos ennemis" (1). C'est très dur d'aimer ses ennemis, surtout quand ils viennent de commettre des actes monstrueux. Cependant si certains vous disent que les terroristes qui exécutent ces massacres savent exactement ce qu'ils font, je n'en suis pas sûr. Je pense plutôt que ce sont des jeunes désorientés et déracinés, qui n'ont pas pu ou pas voulu hériter d'une culture. Ils sont alors mûrs pour admettre n'importe quelle erreur, même si elle conduit à des abominations. Le manque de repères solides et d'enracinement est la marque de fabrique du terrorisme, par définition aveugle et inculte. Si vous n'en êtes pas convaincus, lisez le communiqué revendiquant les attentats ; c'est le niveau zéro du raisonnement. C'en serait presque risible, si cela ne servait à justifier l'injustifiable. Ceux qui savent ce qu'ils font sont les commanditaires, lâchement planqués loin d'ici.

1) "Vous avez appris qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux". Évangile selon saint Matthieu, 5, 43-45.

H comme Héros


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

Peu à peu surgissent les histoires de héros extra-ordinaires. Certains ont ouvert leur magasin, d'autres un appartement, d'autres encore se sont couchés sur une personne allongée par terre pour les protéger, ou ont sauvé une femme enceinte. Et bien sûr il y a les militaires et les policiers, les pompiers, les ambulanciers, les médecins, les secouristes, les internes en médecine, et tous ceux qui d'une façon ou d'une autre sont venu au secours des victimes. Pensez donc, dans les derniers instants de l'assaut, les forces de l'ordre ont sauvé les vingt derniers otages sans qu'un seul soit blessé. Honneur à eux !

H comme (sans) Haine


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

« Seigneur, faites de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.

O Seigneur, que je ne cherche pas tant à
être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.
»

Prière de saint François d'Assise

A comme Attentat


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

129 morts et 350 blessés. C'est l'attentat terroriste le plus grave en France. Mais hélas il s'inscrit dans une continuité ; depuis les événements des 7-8-9 janvier 2015 (17 morts) vous avez connu la personne qui essaye de s'en prendre à deux églises (19 avril), celui qui est maîtrisé dans un Thalys (21 août), et d'autres cas moins graves ou moins connus. Mais les années précédentes ont déjà connu de nombreux autres attentats. Pour ne citer que les plus graves entre les 11 et 19 mars 2012 il y a Mohammed Merah (7 morts) ; avant cela en 1995 huit attentats font 8 morts et 200 blessés, alors qu'en 1996 une bombe fait 4 morts et 90 blessés à la station Port-Royal. Je ne fait là référence qu'aux attentats d'origine islamiste sur le sol français car il y en a eu beaucoup d'autres ; bien que beaucoup moins sanglant le séparatisme corse est responsable de centaines d'attentats (235 rien qu'en 2006, 180 en 2007 !) et du meurtre du préfet Erignac en 1998. Et vous avez vécu les attentats de 2005 à Londres. Malheureusement, cette guerre dure depuis longtemps et n'est pas prête de disparaître. De nombreux peuples ont été frappés ou le sont encore aujourd'hui, surtout en Afrique et au Moyen-Orient. Quelques jours avant, le Liban était durement frappé, et encore avant c'était la Russie, le Kenya… la liste est sans fin ; en décembre 2014 une attaque des talibans contre une école a fait plus de 140 morts, dont 132 enfants, au Pakistan. L'émotion qui saisit le monde entier lorsque la France est frappée nous donne un devoir impérieux, celui d'être à la hauteur de cette émotion en nous conduisant en dignes enfants de ce pays si admiré.

PS : j'apprends qu'un attentat à la bombe vient de frapper le Nigéria ; on compte plus de 30 morts et 80 blessés. Requiescant in pace.

lundi 16 novembre 2015

M comme Marseillaise


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.




"Aux armes citoyens" "Qu'un sang impur abreuve nos sillons". Troisième symbole de cette journée tragique, la Marseillaise - qui a même retenti, jouée à l'orgue, pendant l'offertoire de la messe ce dimanche à Notre-Dame. Désolé pour tous ceux qui pensent que c'est notre chant de ralliement mais je n'en peux plus. À tout prendre, ce devrait être l'hymne de Daesh, mais pas le nôtre. C'est un chant révolutionnaire qui efface toute l'histoire de France d'avant 1789, où les soldats faisaient la guerre et non les "citoyens", et où on ne considérait pas que le sang de l'ennemi était impur. Et je ne parle pas du deuxième couplet ("Que veut cette horde d'esclaves, de traîtres, de rois conjurés ?"). Je ne sais par quoi la remplacer, tant le répertoire populaire français s'est réduit comme peau de chagrin, au point que c'est le seul chant que connaissent tous les français. Mais j'ai vraiment du mal à la chanter. Quant à l'entendre à Notre Dame de Paris pendant la messe, j'avoue ma stupeur et mon désarroi. Un jour, quand vous en aurez l'âge, vous lirez "Les deux patries" de Jean de Viguerie, et vous comprendrez pourquoi la patrie révolutionnaire de la Marseillaise n'a rien à voir avec la France.

D comme Drapeau



"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

Nos couleurs, bleu-blanc-rouge, sont apparues sur d'innombrables bâtiments de par le monde, des États-Unis à l'Amérique du Sud, de l'Asie à l'Afrique, en Océanie et dans toute l'Europe. C'est le deuxième symbole de cette funeste soirée, un symbole de la France que nous pouvons chérir. Vos ancêtres ont combattu sous ce drapeau qui représente les couleurs de Paris encadrant celle de la monarchie. En cela, contrairement à d'autres symboles utilisés (lettres E et M), le drapeau englobe toute l'histoire de notre patrie. Nous ne pouvons qu'être très humbles et reconnaissants devant ces multiples hommages, et surtout nous efforcer d'en être dignes.

NB : Je sais que dans la photo ci-dessus, certains monuments n'ont en réalité pas été éclairés en bleu-blanc-rouge, mais c'est le symbole qui m'intéresse...

E comme Eiffel


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

Le #PrayForParis qui a fait le tour du monde représente la tour Eiffel, premier symbole de cette journée. Triste symbole de Paris en vérité que ce mécano géant. Quand un ville compte la cathédrale Notre Dame, la Sainte Chapelle, la cour carrée du Louvres, le Palais royal, le Pont Neuf, Saint Germain l'Auxerrois, la tour saint Jacques, la Sorbonne (une des plus anciennes universités du monde), franchement, la tour Eiffel…

B comme "quelle barbe"


"Lexique du 13 novembre" dédié à mes enfants.

De la barbe à la barbarie, il n'y a qu'un pas

Il n'est pas question de la barbe des barbus, mais de l'expression familière "Quelle barbe !", appliquée à l'école. Je l'ai pensé, vous le pensez, tous les écoliers le pensent. Et pourtant, de "la barbe !" à la barbarie, il n'y a qu'un pas. Sans culture, sans savoir, sans assimilation de ce que fut la création de la France, on prend le risque d'être des barbares, gentils mais incultes. Et quand on ne prend pas la peine de découvrir sa propre culture, on est mal armé pour lutter contre les terroristes. Le combat du XXIe siècle est culturel ; nous devons connaître au moins certains des écrivains, des peintres, des musiciens, des architectes, et des saints et saintes bien sûr, et des savants, et de tous les autres dont la liste est sans fin, qui ont fait la France et qui ont fait l'Europe. C'est indispensable. Inutile de faire la "guerre au terrorisme" comme le prétendent nos gouvernants, quand on ne sait pas définir de façon sure et profonde ce qu'est la France et reconnaître son passé chrétien.

vendredi 6 novembre 2015

Non croyants de tous les pays, réjouissez-vous, un autocollant démontre qu'on peut se passer de la religion - pas Gorafi !


Un article publié ce jour dans la très bonne revue scientifique Current Biology, donc a priori tout à fait sérieux, tente de démontrer que les enfants de parents croyants sont moins généreux que ceux de parents non croyants. En jeu ? Un autocollant, juste un. C'est peu pour une conclusion aussi fracassante, immédiatement traduite par l'encore plus prestigieux journal Science (ici) en : "Nonreligious children are more generous" [Les enfants non croyants sont plus généreux]. Oh les vilains croyants ! 

L'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette d'un autocollant
Allons y voir de plus près. Le jeu proposé aux enfants consiste à choisir dix autocollants dans une collections de trente. Ensuite on leur explique que d'autres enfants de la même école ne pourront pas jouer et que l'enfant peut laisser quelques autocollants parmi ceux qu'il a choisi pour que d'autres puissent en avoir. Et c'est là que tout se joue : les enfants de parents non croyants (EPNC) abandonnent 4,1 autocollant en moyenne, quand les enfants de parents chrétiens (EPC) n'en laissent que 3,3 et les enfants de parents musulmans (EPM) 3,2. Les autres croyances (bouddhisme, judaïsme, etc) n'étaient pas assez représentées pour avoir un résultat significatif.

Et ensuite…, ah ben non en fait il n'y a pas de suite. C'est tout. Un autocollant (en fait, même pas un autocollant entier) de plus ou de moins suffit à proclamer que les "enfants non croyants sont plus généreux". On pourrait aussi conclure que les parents non croyants achètent plus facilement ce genre de bazar à leurs enfants que les parents croyants, et que donc les EPNC pourraient aussi bien laisser tout le paquet d'autocollants car ils en ont trente fois plus à la maison. Mais ça, ce n'est pas contrôlé. Et les auteurs de conclure très sérieusement que la religion a un effet négatif sur l'altruisme des enfants, et que l'athéisme "la sécularisation du discours moral" ("secularization of moral discourse"est donc une bonne chose.

Si on vous bouscule dans la rue, il sera de bon ton de ne rien dire
Ah si quand même, il y a une suite, tout à fait sidérante. On montre à l'enfant un autre enfant se faire bousculer. On lui demande ensuite ce qu'il en pense : est-il choqué, et quelle punition donnerait-il à celui qui bouscule. Et là, l'EPNC dit que ce n'est pas grave et qu'il ne faut pas trop punir, quand l'EPC trouve que quand même ça ne se fait pas mais ne punit pas davantage quand l'EPM est davantage choqué et partisan d'une punition plus sévère. Et quelle est la conclusion ? Que EPNC est moralement supérieur aux autres. Et oui, c'est comme ça : si je vous bouscule dans la rue, il sera de bon ton de ne rien dire. Quand je vous dit que c'était sidérant… 

Et l'article de conclure dans son résumé : "Religiousness was inversely predictive of children’s altruism and positively correlated with their punitive tendencies." [La religiosité était inversement prédictive de l'altruisme des enfants et positivement corrélée avec leur tendances punitives]. Bon, ben ça c'est faux et les "reviewers" de l'article n'auraient pas dû laisser passer une erreur aussi grossière. En effet il ont démontré cela pour les EPM mais pas pour les EPC. Sans compter que personnellement je souhaite vivement qu'un enfant soit choqué quand il est témoin d'une brutalité.

Des biais oubliés, en veux-tu, en voilà !
Mais revenons aux biais potentiels de cette étude. Tiens par exemple, quid du nombre de frères et sœurs ? Il est évident que dans une famille nombreuse on a moins de moyens, donc les enfants ont moins de choses à eux. Quoi de plus naturel de garder un autocollant de plus. Et si on se demandait qui des EPNC/EPC/EPM va vivre dans une famille nombreuse ? Ah zut, encore une donnée non disponible. Notez que j'ai ma petite idée quand on sait que sur les 1170 enfants concernés, 152 viennent de Jordanie et 196 de Turquie et qu'ils sont à mon avis musulmans dans une famille d'au moins trois enfants ; alors que les 219 enfants chinois sont très probablement enfants uniques dans une famille non croyante. Et en Afrique du Sud (188 enfants), à votre avis, ils sont riches, non croyants, et enfants uniques ? Ou pauvres, chrétiens, et dans une famille nombreuse ? Une confirmation de cette intuition dans l'étude ? Les enfants de parents croyants sont moins partageurs à douze ans qu'à cinq ans ; une corrélation avec le nombre de petits frères et sœurs, peut-être ?

Autre problème potentiel : le revenu de la famille. À votre avis qui d'un couple non croyant avec un enfant ou d'un couple croyant avec trois ou quatre enfants va avoir le revenu le plus élevé ? Quel enfant va avoir déjà tellement de jouets qu'il ne désirera plus rien, surtout pas un stupide autocollant ? Il est bien dit que le niveau socio-économique révèle une corrélation avec l'"altruisme" (ie le nombre d'autocollants laissés aux autres) mais on ne sait pas dans quel sens ; et ce statut a uniquement été jugé à partir du niveau d'éducation de la mère ("As a metric for socioeconomic status, parents were asked to specify the level of education of the mother"). Encore une fois, c'est un peu court…

Bon, allez, assez rigolu, j'ai du boulot : je vais piquer les autocollants de mes enfants et les distribuer à leurs copains qui ont en moyenne cinq fois plus de jouets à leur disposition pour les punir d'être des EPC… Non mais !

Et je vous laisse avec la conclusion de l'article, non traduite pour ne pas trahir, afin que vous puissiez vous régaler de ce "chef d'œuvre impérissable du génie humain" comme disait mon grand père, athée convaincu : "Overall, our findings cast light on the cultural input of religion on prosocial behavior and contradict the common-sense and popular assumption that children from religious households are more altruistic and kind toward others. More generally, they call into question whether religion is vital for moral development, supporting the idea that the secularization of moral discourse will not reduce human kindness—in fact, it will do just the opposite." Et la marmotte…

Au passage, je ne peux pas résister à rappeler que les deux tiers des études de psychologie comme celle-ci ne peuvent pas être reproduites (source)...

Allez, soyons altruiste et laissons un autocollant aux auteurs de ce mémorable article :



———————————————————————————————
NB : j'ai un conflit d'intérêt que je dois divulguer: j'ai déjà publié dans la revue Current Biology, et j'ai aussi vu des manuscrits refusés quelques heures après leur soumission. Ça ne change rien, mais c'est dit et ça fait sérieux. Et je n'ai bénéficié d'aucune ressource financière pour écrire ce billet. Et je suis catholique, donc j'avoue que cette étude m'a interpellé. Mais elle ne rassurera que les agnostiques et les athées qui ont manifestement besoin de se rassurer si j'en juge par leur enthousiasme :-)