jeudi 26 février 2009

Sang artificiel : une équipe française lance un essai thérapeutique

Il y a plusieurs possibilités pour fabriquer du sang artificiel. On peut essayer par exemple par des moyens chimiques en produisant de l'hémoglobine ou des perfluorocarbones qui peuvent dissoudre et transporter de grandes quantités d'oxygène. Mais les PFC sont instables et disparaissent rapidement du sang.
Une autre solution, plus prometteuse, est de générer des hématies, plus connues sous le nom de globules rouges, à partir de cellules souches. En 2005, l'équipe du Pr Luc Douay, chef d'Hématologie Biologique de l'hôpital Trousseau, démontrait qu'on pouvait obtenir des hématies à partir de cellules de sang de cordon ou de moelle osseuse (Giarratana et al, Nat Biotechnol, 23, 69-74). Mais il fallait une unité de sang de cordon pour produire 2 à 4 unités de sang pouvant être transfusé. Douay a depuis amélioré son protocole, et a commencé ce mois-ci à enrôler des volontaires pour le début du premier essai clinique. Il visera à établir notamment la durée de vie des cellules transfusées par comparaison avec les cellules endogènes (120 jours) ou de sang transfusé d'un donneur (30 jours). L'idéal sera bien sûr de produire du sang à partir de cellules souches provenant de donneurs O-négatifs.
(Source)

Un intéressant entretien sur l'évolution

Le darwinisme est une théorie scientifique, pas une idéologie
Entretien avec le professeur Marc Leclerc S.J.

Copie d'une dépêche de Zenit.

ROME, Lundi 23 février 2009 (ZENIT.org) - Le 12 février dernier était célébré le 200e anniversaire de la naissance du scientifique et observateur anglais Charles Darwin, auteur de « L'origine des espèces » et de la seconde théorie de l'évolution, après celle de Lamarck. Cet anniversaire a été une occasion de dialogue ouvert entre scientifiques et théologiens, permettant de concilier la vision de la foi avec celle de la science, souvent considérées à tort comme s'opposant.

A ce propos, ZENIT s'est entretenu avec le père Marc Leclerc S.J, professeur de philosophie de la Nature à l'université pontificale Grégorienne, qui organise aux côtés du Conseil pontifical pour la culture, le congrès sur le thème « Evolution biologique, faits et théories », qui se déroulera à Rome du 2 au 7 mars.

Zenit - Quelques mots d'abord de la vie de Darwin. Sa formation théologique dans l'Eglise anglicane a-t-elle eu une influence sur ses théories de l'évolution ?

P. Leclerc - Darwin était essentiellement un grand biologiste. Il n'était pas un philosophe ni un théologien. S'il est vrai qu'au départ sa formation a été davantage théologique au sein de l'Eglise anglicane, il a pris ses distances vis-à-vis de l'Eglise pour des raisons personnelles : principalement la mort de sa fille qui lui a semblé une grande injustice et a contribué à l'éloigner de la foi. Mais on peut dire qu'il est resté toujours respectueux ; sa femme, elle, était très croyante. Darwin a évolué. Pour finir, il a opté, comme il le disait lui-même, pour un agnosticisme ouvert, mais il n'a jamais été un athée qui utilise ses convictions religieuses contre la foi, comme le feront, malheureusement, certains de ses disciples. Mais il ne faut pas y voir une influence directe et encore moins la faute de Darwin. Il n'intervient ni dans un sens ni dans l'autre. Et sa théorie scientifique en tant que telle n'a rien à voir avec l'existence ou pas de Dieu, car nous sommes sur un tout autre plan.

Zenit - Quel risque y a-t-il de voir la théorie de l'évolution de Darwin se transformer en une idéologie ?

P. Leclerc - Je pense tout particulièrement à deux éléments de sa théorie : le caractère aléatoire des variations et le mécanisme de la sélection naturelle. Faire abstraction de ces deux éléments et les ériger en clé d'interprétation de toute la réalité, c'est passer, probablement même sans s'en rendre compte, d'un plan scientifique à un plan idéologique, ce qui est une fausse philosophie, une fausse théologie, et s'oppose directement à l'explication religieuse de la réalité. Les adversaires du darwinisme ne doivent pas tomber dans le même piège, en confondant la théorie scientifique avec ces extrapolations. La théorie scientifique mérite tout notre respect, mais doit être discutée au seul niveau scientifique, et c'est ce que nous nous proposons de faire dans ce congrès. Ses extrapolations théologiques n'ont rien à voir avec la science.

Zenit - Comment parvenir à une juste vision entre évolution et création ?

P. Leclerc - Je suis convaincu que la médiation philosophique est indispensable pour éviter une confusion entre les deux domaines : un conformisme ou un désaccord, une séparation radicale ou un méli-mélo de tout dans lequel on ne comprend plus rien, pour arriver à articuler de façon rationnelle des plans qui sont distincts. C'est là qu'une médiation philosophique s'avère indispensable.

Zenit - Dire que l'homme est le résultat de l'évolution du singe correspond-il à une vision chrétienne ? Si oui, à quel moment a été créée l'âme ?

P. Leclerc - Tout d'abord, nous sommes différents des singes. Ce sont nos cousins, pas nos ancêtres. Le problème est que biologiquement nous avons des ancêtres communs, nous sommes donc cousins sur le plan biologique. Mais leur histoire est différente de la nôtre. Les uns diront que la nôtre « commence avec l'homo sapiens », pour d'autres : « bien avant l'homo erectus », d'autres encore prétendent qu' « elle commence avant avec l'homo habilis ». Il est impossible de trancher. Nous avons des indices, mais aucune preuve formelle. Ces indices correspondent au caractère symbolique de la pensée, au langage articulé et symbolique ouvert à tous et à la possibilité d'avoir, librement, des relations avec autrui, avec Dieu. Je suis incapable de dire à quel moment est apparue l'âme humaine : ce que l'on sait, c'est que l'humanité est aujourd'hui une espèce unique de l'homme moderne sapiens sapiens. Au sein de cette espèce, chacun d'entre nous est créé par l'âme de Dieu, chacun étant doté d'une âme propre. Quand tout cela a-t-il commencé ? Nous disposons, entre autres, d'une donnée importante : l'évolution biologique aurait culminé avec l'homo sapiens. Mais déjà avant l'apparition de l'homo sapiens commence la révolution culturelle, propre à l'homme.

Zenit - La Genèse est-elle une théorie de la création du monde ou une théorie théologique pour expliquer la création de l'homme et sa liberté ?

P. Leclerc - Je rappelle ce que disait Galilée : la Bible ne nous enseigne pas « comment le ciel va, mais comment on va au ciel ». La Genèse nous relate comment l'homme a été créé par la pensée de Dieu, comment on va à Dieu et comment on s'est éloigné de Dieu. Elle ne nous dit pas scientifiquement pourquoi. A partir de cette conception, elle veut nous faire comprendre quel est le projet de Dieu sur l'homme et comment l'homme doit s'adapter à ce projet.

Zenit - L'homme est-il le seigneur de la création ou une espèce animale plus évoluée ?

P. Leclerc - Au niveau simplement phénoménologique, seul l'homme est capable d'une interaction avec son milieu en le modifiant à son gré, et il n'est pas obligé de s'adapter aux changements extérieurs du milieu. Un exemple : l'homme a produit « L'origine des espèces ». On n'a jamais vu un animal réfléchir sur son origine et sur l'origine de tous les êtres vivants.

Propos recueillis par Carmen Elena Villa

Traduction française : Elisabeth de Lavigne

jeudi 19 février 2009

Voilà qui surprend

Le Monde fait un compte-rendu d'un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), rapport consacré à la crise alimentaire. Pour une fois les Nations-Unis nous pondent une chose intéressante. Le titre ? "Pour nourrir l'humanité, il suffirait de moins gaspiller". À lire pour répondre à tous ceux qui nous disent que nous sommes trop nombreux sur cette pauvre planète qui ne pourrait plus nous supporter.

mercredi 11 février 2009

De qui se moque l'AFP ?

L'AFP voudrait nous faire croire que "le Vatican s'interroge sur le dessein intelligent", en titre d'une dépêche sur un congrès organisée à Rome du 3 au 7 mars 2009 à l'Université Pontificale Grégorienne. C'est par l'annonce de ce congrès que j'ai commencé ce blog le 20 septembre de l'année dernière. Et il n'a jamais été question du "dessein intelligent", bien au contraire.
Je cite le but de ce congrès : "Thanks to recent discoveries, we can reconsider the problem of evolution within a broader perspective then traditional neo-darwinism. In particular, we refer to the role of epigenetical mechanisms in evolution as well as to new developments produced by the theory of complexity and by the study of incidence on the environment of living species, especially in regards to the value and significance of intelligent behaviour. In this context, which witnesses the intertwining of several fields of knowledge, an appropriate consideration is needed more than ever before."

Je me demande où l'AFP est allée chercher son titre... À qui veut-on faire croire qu'on ferait venir tous ces scientifiques - je ne citerai ici que le nom d'Yves Coppens - pour parler du "dessein intelligent" ? D'ailleurs le corps de la dépêche dit bien à quel point cette théorie fumeuse n'a pas le soutien du Vatican.

Une phrase de Benoît XVI sur les chaînons manquants
Pour terminer, je citerai cette réflexion de Benoît XVI lors d'une conférence organisée à Castel Gandolfo en 2006 à propos des trous dans les séquences évolutives autrement appelés chaînons manquants : "Not as if I wanted now to cram the dear Lord into these gaps: He is too great to be able to find lodgingd in such gaps" (Creation and Evolution, Ignatius Press, San Francisco, 2008, p161).

mardi 10 février 2009

Pour un Institut du Vivant

Je m'étais promis de ne pas vous embêter avec ça, mais la cuisine interne de la recherche française s'étalant sur la place publique, voici un texte qui a été proposé par d'éminents chercheurs français et qui correspond à mon état d'esprit. Pour le reste, je garderai mes opinions pour moi...

Construire sans tarder un Institut National des Sciences du Vivant

Si l’on veut que la recherche biologique Française garde son rang dans le monde, il est nécessaire de mener à leur terme les réflexions sur les changements à apporter à ses structures.

Alors que la plupart des pays développés et même émergents engagent des sommes considérables dans la biologie, nous constatons depuis plusieurs années que la France peine à suivre le mouvement.

Or trois raisons militent pour l’investissement dans la Biologie :
- Sur le plan des connaissances fondamentales, ce domaine connaît des évolutions rapides.
- La compréhension des mécanismes biologiques est essentielle au progrès sociétal et au développement de thérapies nouvelles.
- La valorisation des connaissances en biologie revêt un potentiel économique considérable.

Contrairement à ce qui est souvent dit, la biologie en France est de haut niveau. Ses chercheurs ont une excellente réputation et les jeunes thésards français sont très prisés à l’étranger. En revanche, l’avenir est de moins en moins assuré et il est urgent de mettre en place les conditions qui nous permettront de continuer à occuper notre rang au niveau international. Nous considérons qu’un des handicaps majeurs de la recherche en biologie est la complexité du système, en particulier la multiplication des structures, qui conduit les chercheurs à consacrer un temps déraisonnable à la recherche de financements morcelés et à l’exercice de taches administratives lourdes dans un secteur où la réactivité est essentielle.

La recherche en biologie est répartie principalement entre quatre organismes qui peuvent travailler en co-tutelle avec les universités et les grandes écoles. Il s’agit du CNRS dont la vocation initiale est la recherche fondamentale, de l’INSERM dont la priorité était la recherche médicale, de l’INRA tourné vers les sciences agronomiques et du CEA qui a joué un rôle moteur dans la mise en place de grands outils, en particulier dans le domaine de l’imagerie et de la radiobiologie. Si cette structuration a pu jouer son rôle, la pratique actuelle démontre l’existence d’un continuum et d’interactions réciproques entre la recherche fondamentale, ses différents domaines d’application, et la recherche dite de transfert. Pour ne prendre que l’exemple du CNRS et de l’INSERM, qui peut nier que d’excellents chercheurs INSERM font de la recherche fondamentale alors que nombre de chercheurs CNRS font de l’excellente recherche de transfert ? Les laboratoires CNRS sont parfois dirigés par des chercheurs INSERM et inversement. Les personnels CNRS et INSERM co-habitent, d’ailleurs très bien, au sein des Unités. Pourquoi cette bonne coopération à la base ne serait-elle pas promue au sommet ?

Le bon sens impose de regrouper les sciences de la vie dans une structure commune. Nous proposons donc la création d’un Institut National des Sciences du Vivant qui regrouperait l’ensemble des acteurs de la recherche en biologie et santé, avec un socle commun de recherche fondamentale. Dans un premier temps, on pourrait se contenter d’une structure rassemblant la biologie du CNRS et l’INSERM qui, sur le plan des statuts des personnels et des modes de fonctionnement, sont très proches. Il ne faut, cependant, certainement pas s’arrêter à ces deux EPST, mais bien couvrir à terme toute la biologie. Il faut que la solution administrative soit simple et évite qu’un des établissements soit perçu comme faisant une OPA sur l’autre. Des discussions directes entre eux doivent s’ouvrir pour trouver une solution rapide.

Certains collègues du CNRS se sont mobilisés avec succès pour la création d’un institut du vivant propre au CNRS. Certains de leurs arguments sont très pertinents. Par exemple, il ne faut pas perdre les forces de la multidisciplinarité. Mais, à vrai dire, la recherche à l’interface ne dépend pas forcément d’une appartenance administrative commune et la plupart des biologistes du CNRS n’ont même jamais croisé de physicien ou mathématicien du CNRS. Les bonnes équipes de recherche en biologie, qu’elles soient CNRS, INSERM, CEA ou INRA, continueront à collaborer sans difficulté avec des équipes de mathématiciens, physiciens ou chimistes, que ces dernières soient universitaires, CNRS ou autre. Il faudra simplement veiller à ce que la politique de cet Institut National des Sciences du Vivant permette ce type de collaboration, partout où cela sera ressenti comme nécessaire.

Un argument important, souvent avancé contre un Institut commun des Sciences du Vivant, concerne la désaffection que sa création pourrait entraîner pour la recherche fondamentale. Il faut de ce point de vue insister pour que l’Institut National des Sciences du Vivant couvre l’ensemble des domaines de la biologie et pas seulement ceux de la santé. Nous affirmons que la recherche fondamentale a sa valeur propre et nous savons, de surcroît, qu’il n’y pas de recherche appliquée compétitive sans une recherche fondamentale exceptionnelle. L’important est d’assurer au sein de cet Institut une présence éminente de la recherche fondamentale. La vigilance sur ce point est essentielle.

C’est en raison même de notre profond attachement aux valeurs du CNRS que nous souhaitons qu’un Institut National des Sciences du Vivant préservant les intérêts des partenaires initiaux se mette en place. On peut, certes, imaginer des étapes intermédiaires et rechercher les modalités administratives qui permettraient cette union, par exemple la double labellisation des laboratoires qui le souhaiteraient. Mais sans perdre de vue l’essentiel : plutôt que de nous opposer, unissons nos forces et contribuons ainsi à faire de la France, en Europe, un acteur incontournable dans le champ des sciences du vivant.

Quelques-unes des signatures :

-Joel Bockaert, Professeur Universitaire, Directeur IGF, Montpellier, Membre de l’Académie des Sciences.
-Margaret Buckingham, Directeur de Recherche CNRS, Institut Pasteur, Membre de l’Académie des Sciences. Médaille d’Argent du CNRS.
-Jean-Laurent Casanova, Professeur Universitaire, Directeur U550. Hospital Necker, Paris. Membre de l’Académie des Sciences.
-Jean-Pierre Changeux, Professeur au Collège de France et à l’Institut Pasteur, Médaille d’Or du CNRS, Membre de l’Académie des Sciences
-Vincent Geli, Directeur de Recherche CNRS, Directeur de l’IGC, Marseille.
-Eric Gilson, Professeur Universitaire, Ecole Normale Supérieure Lyon.
-Christo Goridis, Directeur de Recherche CNRS, Ecole Normale Supérieure, Paris.
-Jean-Luc Imler, Professeur Universitaire. IBMC, Strasbourg.
-Vincent Laudet, Professeur Universitaire, Ecole Normale Supérieure Lyon.
-Bernard Malissen, Directeur de Recherche CNRS. CIML, Marseille. Membre de l’Académie des Sciences.
-Marcel Mechali, Directeur de Recherche CNRS. IGH. Montpellier. Membre de l’Académie des Sciences. Médaille d’Argent du CNRS
-Patrick Mehlen, Directeur de Recherche CNRS. Directeur UMR5238. Lyon. Médaille d’Argent du CNRS.
-Dino Moras, Directeur de Recherche CNRS. Directeur IGBMC, Strasbourg. Membre de l’Académie des Sciences.
-Stéphane Noselli, Directeur de Recherche CNRS. Directeur UMR6543. Nice. Médaille d’Argent du CNRS.
-Jacques Pouyssegur, Directeur de Recherche CNRS. Membre de l’Académie des Sciences.
-Alain Prochiantz, Professeur au Collège de France. Directeur UMR8542. Ecole Normale Supérieure. Paris. Membre de l’Académie des Sciences.
-Miroslav Radman, Professeur Universitaire. Directeur U571. Institut Necker, Paris. Membre de l’académie des Sciences
-Jean Rossier, Professeur Universitaire. UMR7637. Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles, Paris, Membre de l’Académie des Sciences.
-Frederic Saudou, Directeur de Recherche INSERM, institut Curie
-Pierre Tambourin, Directeur Genopole, Ancien directeur des Science de la Vie du CNRS
-Hugues de Thé, Professeur Universitaire, Directeur UMR CNRS7151, Paris, Membre de l’Institut Universitaire de France.
-Lazlo Tora, Directeur de Recherche CNRS, IGBMC, Strasbourg.
-Antoine Triller, Directeur de Recherche INSERM, Ecole Normale Supérieure, Paris.

samedi 7 février 2009

Le génome de Néandertal séquencé

Des scientifiques allemands ont annoncé qu'ils avaient entièrement séquencé le génome nucléaire d'un homme de Néandertal à partir d'un os découvert près de Vindija en Croatie. Qu'attendent-ils de cet exploit ? Tout d'abord savoir s'il y a eu des croisements entre l'homme moderne (Homo sapiens sapiens) et l'homme de Néandertal bien sûr, en se basant sur des analyses génétiques. Ceci permettrait de mieux connaître ce proche cousin de l'homme qui appartient selon certains à notre espèce (Homo sapiens neanderthalensis) mais définit pour d'autres une espèce distincte (Homo neanderthalensis). L'espèce est définie par la capacité de générer des individus féconds après croisement entre un mâle et une femelle - c'est pour ça par exemple que les chevaux et les ânes sont des espèces distinctes, la mûle étant stérile. L'analyse du génome de Néandertal permettra de savoir s'il y a eu des croisements féconds entre Néandertal et l'homme moderne arrivé en Europe bien après lui.

Clonage de Néandertal ?
Certains vont certainement poser la question de savoir si on pourrait cloner un homme de Néandertal à partir de la séquence de son ADN. Pas de danger pour le moment. L'âge de ce spécimen, 38.000 ans, fait que l'ADN est découpé en petits fragments de 50 à 60 paires de bases, donc assez dégradé ce qui implique de nombreuses erreurs dans la séquence de son génome. Quand on sait qu'il suffit d'une seule mutation sur trois milliards de paires de bases pour induire une maladie génétique mortelle, on est loin de pouvoir cloner Néandertal. Sans compter qu'il est plus que probable que des contaminations par du génome d'homme moderne soient venues "polluer" une partie de la séquence effectuée. Cependant cette séquence sera suffisante pour effectuer des comparaison avec le génome de l'homme moderne.

Source : Nature news

vendredi 6 février 2009

La reprogrammation avec un seul facteur

La revue Cell datée d'aujourd'hui contient la description d'une avancée supplémentaire sur la reprogrammation : y est décrite une méthode pour obtenir des cellules iPS (induced pluripotent stem cells) avec un seul facteur de transcription, Oct4, donc sans les oncogènes c-Myc et Klf4. La recette ne cesse de s'améliorer, car l'année dernière, la même équipe était descendue à 2 facteurs (Kim et al, Nature, 454, 646-650). Cependant cette équipe allemande (Institut Max Planck de Biomédecine Moléculaire à Münster) utilise encore la méthode du retrovirus ce qui induit des insertions dans le génome, une technique qui peut poser des problèmes. Pour réaliser cet exploit, ces chercheurs partent toutefois non pas de cellules différenciées mais de cellules souches adultes, en l'occurrence de souris et d'origine neuronale.
Ces cellules reprogrammées sont très semblables à des cellules souches embryonnaires : capacité à générer des cellules des trois tissus embryonnaires (cellules germinales, cardiaques et nerveuses). Elles peuvent bien sûr induire des tératomes dans des souris dépourvues de système immunitaire, ou participer au développement d'un embryon devenu chimérique par l'introduction de ces cellules dans un embryon au stade blastocyste.
Source : Kim et al, Cell, 136, 411-419.

À quand la reprogrammation des cellules de sang de cordon ombilical ?
De jour en jour, la technique de reprogrammation s'améliore, et j'attends avec impatience l'annonce de l'utilisation de cette méthode sur des cellules de sang de cordon ombilical. Elles seront sans doute plus facile à reprogrammer car déjà multipotentes. Au vu des résultats publiés récemment on peut s'attendre à une reprogrammation avec peu de facteurs et sans retrovirus, le tout sur des cellules faciles à obtenir.

jeudi 5 février 2009

Ce qui sera discuté pendant les états généraux : Les tests génétiques

Lors des états généraux de la bioéthique, l’utilisation, l’accès aux tests génétiques et la conservation des données qui en sont issues devront être mis en débat. Il est illusoire de croire que l’on arrêtera l’essor des tests génétiques, qu’on en limitera l’accès par Internet. En revanche, l’information du public est une exigence absolue sur les possibilités réelles des tests, les risques d’erreur et le degré de validité.

Recommandation
Il conviendrait de
- renforcer l’information du public sur les modalités légales d’accès aux tests génétiques en France,
- informer sur les risques d’erreurs, voire de piratages des données lors de l’achat de tests par Internet,
- questionner les citoyens sur l’accès aux tests génétiques lors des états généraux.

Source : Tome I p66-67

Ce qui sera discuté pendant les états généraux : L'embryon

Les états généraux de la bioéthique sont ouverts. Pour savoir ce qui sera discuté, voici les conclusions du rapport parlementaire sur la partie concernant "La recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires et fœtales humaines" (Tome I, page 219) :

Recommandation
Il conviendrait de
- maintenir l’interdiction du clonage reproductif humain, et que la France poursuive ses efforts en faveur de cette interdiction,
- ratifier la convention d’Oviedo au plus vite et le protocole additionnel de janvier 1998,
- encourager la poursuite de la recherche fondamentale, sans privilégier telle ou telle approche. Toutes les voies de recherche doivent être explorées. Les travaux prometteurs sur les IPS ont pu être réalisés grâce aux recherches menées sur les cellules souches embryonnaires,
- autoriser, sous réserve de la disponibilité des ovocytes humains, la transposition nucléaire [comprendre clonage thérapeutique] avec un dispositif rigoureux de contrôle par l'Agence de la biomédecine et une interdiction d’implantation,
- débattre de l’autorisation de la transposition nucléaire inter espèces sous réserve d’interdire l’utilisation d’ovocytes humains et l’implantation du cybride, et de limiter le développement du cybride à 14 jours,
- considérer les recherches sur les cellules souches humaines comme prioritaires et d’agir dans le cadre de l’ANR.
Les rapporteurs estiment utile et nécessaire de continuer leurs travaux d’évaluation sur les cellules souches, comme la loi leur en fait l’obligation. Cette partie du rapport ne constitue qu’une étape dans leur évaluation, des évolutions scientifiques et législatives étant à l’oeuvre en Allemagne, et désormais aux États-Unis.

mercredi 4 février 2009

La France et les hybrides

J'ai écrit le 15 janvier que les embryons hybrides humain-non humain étaient "KO". Je ne savais pas encore que le coup de grâce serait donné si rapidement, et par nul autre que Robert Lanza, d'Advanced Cell Technology, une société américaine travaillant sur les cellules souches humaines embryonnaires ou adultes (et accessoirement proche de la faillite en juillet 2008 mais qui a survécu pour le moment). Ils s'entrainent à générer des embryons hybrides entre différentes espèces depuis bientôt 10 ans. Pourtant toutes leurs tentatives pour faire des hybrides avec des cellules humaines ont échoué, que ce soit homme-lapin, homme-souris ou homme-vache, les embryons ne dépassant pas le stade 16 cellules et n'exprimant pas les gènes indiquant une pluripotence (comme Oct4 et Sox2 que les lecteurs connaissent désormais bien !). Pourtant le contrôle réalisé en utilisant la même technique mais en introduisant un noyau humain dans un oocyte humain a fonctionné normalement - je passe sur la nature éthique de ce contrôle. Quant aux hybrides homme-souris, ils n'ont pas dépassé le stade 2 cellules. Source : Chung et al, Cloning and Stem Cells. Ahead of print.

Je voudrais maintenant tirer deux leçons de cette histoire.

Pourra-t-on cloner des espèces disparues ?
Cet article rend tous les espoirs de résurrection d'espèces disparues encore plus ténus qu'auparavant. En effet, il semble qu'on ne pourra produire des embryons hybrides qu'entre espèces très proches. Peut-être qu'on pourra faire un hybride mammouth-éléphant, mais pour les dinosaures... D'ailleurs un exemple récent peut illustrer ce propos. Des scientifiques espagnols ont récemment tenter de cloner le bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica) dont la dernière représentante est morte en 2000. Ils ont réussi à obtenir une femelle en faisant des hybrides entre Capra pyrenaica et les chèvres domestiques, mais celle-ci est morte peu de temps après sa naissance. Cela pourrait être dû au processus de clonage lui-même, ou bien à l'incompatibilité des deux espèces rendant impossible la création d'un hybride viable par clonage.

En France, va-t-on autoriser les hybrides ?
Les embryons hybrides, ou cybrides comme les appelle les britanniques (pour cytoplasmic hybrid), pourraient être autorisés en France dans le cadre de la révision des lois de bioéthique. Le débat qui a eu lieu sur ce sujet récemment au Parlement est très clair si on consulte les conclusions du rapport parlementaire (tome I, page 219) :
"Il conviendrait de (...) débattre de l’autorisation de la transposition nucléaire inter espèces sous réserve d’interdire l’utilisation d’ovocytes humains et l’implantation du cybride, et de
limiter le développement du cybride à 14 jours".

Autrement dit, on envisage d'autoriser une technique qui est déjà obsolète... Je mets au défi quiconque de me démontrer que les embryons hybrides homme-animaux pourront apporter quoique ce soit d'utile dans les prochaines années. La preuve : la technique existerait depuis 2003 pour un hybride homme-lapin (Chen et al, Cell Res. 13, 251–263) mais à ce jour personne n'a été capable de reproduire ce résultat. À comparer avec les progrès fantastiques accomplis dans la reprogrammation depuis 2006. Et je ne parle pas de résultats thérapeutiques, mais de recherche fondamentale.

lundi 2 février 2009

Le monde fascinant de l'ARN : de nouveaux venus dans une famille déjà très grande

Le 4 décembre, je vous parlais pour la première fois de l'ARN, ou acide ribonucléique, en vous promettant d'y revenir avant longtemps. Je l'ai fait une première fois à propos d'un ARN capable de se reproduire et de muter. Je le fais une deuxième fois aujourd'hui pour présenter un article mis en ligne par Nature le 1er février.
Dans la famille des molécule d'ARN, on connaît les ARNm (messagers), les ARNt (transfert), les ARNr (ribosomiaux), ARNsi (petit ARN interférent),, miARN (microARN) etc. Cette liste n'est pas exhaustive. Mais il faut aujourd'hui lui ajouter les "lincRNA", ou ARN de grande taille - non traduits en protéines - long intervening non coding RNA en anglais. Ces "lincRNA" pourraient intervenir dans toute une série de processus, depuis la pluripotence des cellules souches embryonnaires à la prolifération cellulaire en passant par le développement musculaire ou nerveux, même s'ils ne sont pas traduits en protéines. Et ils sont conservés dans différentes espèces de mammifères. On en comptait une dizaine avant cette étude, mais c'est environ 1600 lincRNA qui ont été découverts d'un coup. Et parmi ces nouveaux ARN, certains au moins sont contrôlés par les facteurs de transcription Sox2 et Oct4, qui ne sont autres que 2 des 4 facteurs utilisés pour reprogrammer ces cellules adultes différenciées en cellules iPS (voir ici par exemple).
La question qu'il va falloir maintenant poser est celle de la fonction de ces lincRNA. Les auteurs de l'article font observer que beaucoup de ces ARN sont situés à proximité de facteurs de transcription. Ils proposent un rôle de régulation de l'expression de ces facteurs par un contrôle du remodellage de la chromatine. À suivre...

Cellules souches et sclérose en plaque : de nouveaux espoirs

La revue médicale Lancet Neurology a publié le 30 janvier un article qui a eu un impact suffisamment important pour que Nature lui consacre un commentaire. La sclérose en plaque est une maladie autoimmune chronique due au système immunitaire qui se retourne contre les cellules nerveuses du patient, ou plus précisément contre la gaine de myéline qui entoure les neurones du système nerveux central.
Le plus souvent cette maladie est traitée avec des médicaments qui réduit l’activation du système immunitaire. Lorsque cela ne suffit pas, les médecins ont recours à une combinaisons de toxines et de radiations pour détruire la moelle osseuse – qui fabrique les cellules du système immunitaire – puis la remplacer par une transplantation de cellules saines. Mais cette stratégie n’est pas sans risque.
Cette nouvelle étude, qui présente les résultat préliminaires d’un essai thérapeutique en cours, propose d’utiliser des drogues moins toxiques pour l’organisme en visant essentiellement les lymphocytes T plutôt que tous les globules blancs. Il est également proposé de transplanter les cellules souches bien plus tôt que dans les traitements précédents, ce qui donnerait de meilleurs résultats. Et pour la première fois, sur une durée de 2 à 4 ans, l'état de la plupart des patients non seulement ne s'est pas aggravé, mais s'est même amélioré pour certains.