vendredi 13 mai 2011

*** Cellules iHep, nouvelles CiD

Au début de l'année, j'avais choisi de nommer les cellules induites différenciées (CiD) découverte de l'année 2010. Cette nouvelle méthode fait l'économie du passage par l'étape cellule souche. Contrairement aux cellules iPS qui sont des cellules différenciées transformées en cellules souches, les CiD sont des cellules différenciées directement transformées en un autre type de cellules différenciées. La technique a été mise au point pour obtenir des neurones (cellules iN) puis des cellules sanguines (iBlood) et des cellules cardiaques (iCM) en 2010. Nature publie aujourd'hui la découverte des iHep, cellules du foie obtenues directement à partir de cellules adultes différenciées. Ce travail a été effectué chez la souris à partir de fibroblastes de la queue. Une fois transformées en cellules hépatiques, les iHep ont pu sauver des souris atteintes d'une maladie du foie, démontrant les qualités régénératrices et curatives de ces cellules.

Une percée de la Chine 
On sait que les cellules souches embryonnaires ou les cellules iPS risquent d'induire des cancers une fois transplantées. Afin de démontrer l'absence d'un tel risque avec les cellules iHep les chercheurs ont injecté ces cellules dans des souris sans système immunitaire sans que cela induise l'apparition de tumeur cancéreuse. Ce travail a été effectué par des chercheurs de l'université de Shanghai.
Blog de cedcontrelasla : Cédric contre la Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA), CELLULE iHep, NOUVELLE CiD
À gauche un foie de souris malade ; à droite le foie d'une souris traitée avec des cellules iHep (source : Nature)
Aujourd'hui également le journal Science Translational Medicine (un petit frère de Science) publie le travail d'une équipe américaine montrant l'obtention de cellules du foie à partir de cellules iPS chez l'homme et le traitement de souris atteintes de cirrhose en utilisant ces cellules.
Pendant ce temps, en France, certains s'entêtent à vouloir à tout prix travailler sur les cellules souches embryonnaires...

mercredi 13 avril 2011

** Étudier la schizophrénie grâce aux cellules iPS

L'actualité est décidemment malicieuse. À peine un certain scientifique français a-t-il expliqué que la recherche avec les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) était absolument indispensable, qu'aussitôt une rafale de nouvelles viennent le démentir (voir aussi le billet d'hier). Nature a publié ce soir un article (et le commentaire associé) sur l'étude de la schizophrénie grâce à des cellules de patients reprogrammées, autrement dit des cellules iPS. C'est la première fois qu'une maladie mentale peut ainsi être "modélisée". On sait que la composante génétique est très importante dans cette maladie qui est transmise dans 80 à 85% des cas mais les mécanismes moléculaires affectés par cette maladie sont inconnus. Après reprogrammation les cellules iPS ont été redifférenciées en neurones et les chercheurs ont observé que ces neurones faisaient moins de connexions, un défaut corrigé après l'ajout de loxapine, un médicament utilisé pour traiter la schizophrénie. Même si on peut rester sceptique sur la possibilité de comprendre la nature de cette maladie mentale à partir de neurones en culture, cette étude est la première à montrer que les cellules iPS pourraient être un modèle unique pour comprendre l'origine de ce qu'il vaudrait mieux qualifier de syndrome, tant est grande la diversité des symptômes de la schizophrénie. Toujours est-il qu'encore une fois ce sont les cellules iPS qui offrent un espoir et non les CSEh.

lundi 11 avril 2011

Les cellules souches à la fête

Les annonces tombent les unes après les autres ces jours-ci. Je ne ferai que résumer car tout détailler serait trop long. Tout d'abord il y a des rétines de souris fabriquées à partir de cellules souches embryonnaires (CSE) de souris (source). La méthode pourrait sans doute être adaptée à l'homme même si les CSE ne sont pas indispensables, voire pas idéales, pour générer des rétines qu'on envisagerait d'implanter à un patient. Puis il y aurait ces mini-reins obtenus par des chercheurs écossais à partir de cellules du liquide amniotique (source). Et une nouvelle méthode plus simple et économique de générer des cellules cardiaques à partir de cellules sanguines sans les transformer génétiquement (source). Et pour terminer, encore une nouvelle méthode pour générer des cellules iPS de façon plus robuste et efficace (source). Et je gardais le meilleur pour la fin : après des cœurs de rat en 2008, des chercheurs américains ont réussi l'exploit de former des cœurs humains à partir de cellules souches adultes ; ils ne sont pas encore fonctionnels mais c'est déjà un exploit en soi (source). Sauf dans le premier cas où il s'agit bien de cellules souches embryonnaires (de souris), toutes les autres annonces ne concernent que des cellules souches non embryonnaires.

mercredi 23 mars 2011

L'avis de l'avocat général et le communiqué de presse de la CJEU

L'intégralité de l'avis de l'avocat général est visible ici. Un communiqué de presse a été publié le 10 mars sur le site de la CJEU. Vous pouvez le télécharger .
En voici quelques extraits :
"Selon l’avocat général, M. Yves Bot, les cellules totipotentes qui portent en elles la capacité d’évoluer en un être humain complet doivent être qualifiées juridiquement d’embryons humains et doivent, de ce fait, être exclues de la brevetabilité.
Un procédé utilisant des cellules souches embryonnaires différentes, dites cellules pluripotentes, ne peut non plus être breveté lorsqu’il requiert, au préalable, la destruction ou l’altération de l’embryon.
(...)
Ainsi, ces cellules dans la mesure où elles constituent le stade premier du corps humain qu’elles vont devenir doivent être juridiquement qualifiées d’embryons dont la brevetabilité devra être exclue.
 (...)
les cellules souches embryonnaires pluripotentes, prises isolément, ne relèvent pas de la notion d’embryon car elles ne sont individuellement plus aptes à se développer pour devenir un être complet.
(...)
les inventions portant sur les cellules souches pluripotentes ne peuvent être brevetables que si leur obtention ne se fait pas au détriment d’un embryon, qu’il s’agisse de sa destruction ou de son altération.
(...)

Merci Greenpeace
C'est grâce à Greenpeace qu'on en est là car ce sont eux qui ont porté plainte les premiers en Allemagne contre la demande de brevet déposé par un chercheur allemand. Le dossier s'appelle "Oliver Brüstle contre Greenpeace eV".

mardi 22 mars 2011

***Coup de tonnerre à la Cour de justice de l'Union européenne

À moins que Nature ne se trompe complètement on assistera peut-être bientôt à un tournant historique dans la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires (CSE) humaines en Europe. Il y a une dizaine de jours la Cour de justice de l'Union européenne a rendu public un avis de son procureur Yves Bot. Au premier abord cet avis est très technique et se contente de dire qu'on ne peut pas déposer un brevet sur l'utilisation des CSE en Europe. Mais la raison invoquée fait l'effet d'une bombe. Je cite ce qu'écrit Nature dans sa section d'actualités : "Judge Yves Bot, (...) concluded on 10 March that even if they do not involve the direct destruction of embryos, techniques involving human embryonic-stem-cell lines are not patentable because they are tantamount to making industrial use of human embryos, which "would be contrary to ethics and public policy" [Le juge (il est en réalité procureur) a conclu le 10 mars que même si cela n'implique pas la destruction directe d'embryon, les techniques qui exploitent les lignées de CSE ne peuvent pas faire l'objet d'un brevet parce que cela se rapproche d'une utilisation industrielle des embryons humains et serait contraire à l'éthique et l'ordre public].
Nature raconte ensuite longuement les circonstances ayant conduit à cet avis du procureur Yves Bot. Je rapporterai ces détails dès que possible. En attendant, et puisque la nouvelle est passée complètement inaperçue en France en plein débat sur la bioéthique, il fallait que cela soit rapporté car ce pourrait être tout simplement le début de la fin pour la recherche sur les CSE en Europe... Les treize juges de la CEJ rendront leur avis dans les deux mois et selon le commentaire d'un lecteur de Nature, cet avis aura force de loi.

jeudi 3 février 2011

Le silence d'Albert

Vous l'aurez remarqué, ce blog n'est pas très actif ces derniers temps. Des circonstances professionnelles et familiales font que l'auteur est très occupé par ailleurs. Je vous invite donc à vous tourner vers les nouvelles qui paraissent sur Gènéthique et les chroniques de bioéthique de Liberté Politique pour vous tenir au courant des nouvelles qui auraient pu être relatées.
La principale raison d'être de ce blog est de rapporter des découvertes scientifiques susceptibles de changer la donne en matière de bioéthique, en particulier sur la question des cellules souches. Je ferai donc mon possible pour ne pas rater une découverte exceptionnelle. En attendant le rythme de parution des billets sera très ralenti dans les semaines qui viennent.

jeudi 13 janvier 2011

Des défauts dans les cellules souches

Les cellules souches embryonnaires (CSE) et les cellules iPS (CiPS) sont atteintes des mêmes défauts que toutes les cellules en culture : elles accumulent des défauts chromosomiques avec l'âge. C'est un article de Cell Stem Cell qui vient de le démontrer. Un compte-rendu assez complet (à lire en fin de billet) a été fourni par APM International. À vrai dire cette nouvelle n'est pas franchement une surprise car toutes les cellules en culture sont victimes des mêmes défauts qui apparaissent peu à peu. Plus le temps de culture est long, plus les défauts sont nombreux.
Cela remet-il en cause les perspectives de thérapie cellulaire à partir des cellules souches ? Non pour deux raisons. La première est qu'on peut sélectionner des cellules non affectées, ou repartir d'un stock congelé rapidement après l'isolation des cellules souches ou leur reprogrammation. La deuxième raison est qu'on peut aussi décider d'utiliser des cellules souches aussi "fraîches" que possible. Et c'est là que cette étude devient intéressante.
Il est difficile d'imaginer que la recherche va pouvoir disposer d'un nombre illimité d'embryons à sacrifier pour la thérapie cellulaire ; et même si on pouvait en créer directement pour des fins de recherche, peu de femmes sont disposées à donner leurs ovules pour cela. Non, les seules cellules souches pluripotentes disponibles à volonté seront les CiPS et non les CSE... Ou encore mieux, on utilisera les CiD qui permettent de s'affranchir de l'étape cellule souche.




Le compte-rendu d'APM Internationa

Vendredi 7 janvier 2011 - 18:49
 
Des anomalies génétiques détectées dans les cellules souches pluripotentes
 
WASHINGTON, 7 janvier 2011 (AOPM) - Des anomalies génétiques ont été détectées dans les cellules souches pluripotentes, qu'elles soient d'origine embryonnaire ou obtenues par reprogrammation (les cellules iPS), avec en particulier dans les iPS des anomalies impliquant des gènes associés à la cancérogénèse, montrent des chercheurs de plusieurs pays dans la revue Cell Stem Cell.
Les cellules souches pluripotentes constituent un grand espoir pour la thérapie cellulaire de nombreuses maladies, grâce à la possibilité de faire différencier ces cellules en de nombreux types de cellules. Mais il est "prioritaire" de s'assurer que ces cellules n'ont pas de potentiel tumorigène.
Les aberrations génétiques étant fortement associées au risque de cancer, "il est important que les préparations cellulaires destinées à une utilisation clinique ne présentent pas d'altérations génomiques associées au cancer", commentent Louise Laurent de l'université de San Diego (Californie) et ses collègues.
D'autres équipes ont déjà montré que dans les cellules souches d'origine embryonnaire, des anomalies chromosomiques ont été détectées par caryotypage. Mais cette technique ne permet pas de détecter les petites anomalies génétiques; et pour les iPS, on manquait de données. C'est pourquoi ces chercheurs ont conduit une grande étude en utilisant la technique des SNP (Single Nucleotide Polymorphisms) qui permet de détecter des mutations ponctuelles.
Ils ont étudié 186 échantillons de cellules pluripotentes (130 de cellules souches embryonnaires et 56 de cellules iPS), qu'ils ont comparés à 119 échantillons de cellules non pluripotentes.
Les chercheurs ont mis en évidence un grand nombre d'anomalies, dans les deux types de cellules souches, par rapport aux cellules non pluripotentes.
Les anomalies étaient différentes dans les deux types de cellules. Elles étaient plus nombreuses dans les iPS.
Et surtout, dans les iPS (cellules obtenues en induisant une dédifférenciation en cellules souches de cellules qui initialement sont différenciées), les chercheurs ont constaté que ce processus de reprogrammation était associé à des délétions de gènes suppresseurs de tumeurs. Puis les multiples passages en culture étaient associés à des duplications d'oncogènes.
Enfin, quand ces cellules étaient induites à différenciation, les chercheurs ont encore observé des duplications de gènes.
"Nous ne savons pas encore quels effets -s'il y en a- auront ces anomalies génétiques sur l'avenir des recherches et des applications cliniques [de ce type de cellules], mais nous devons le trouver", commente Jeanne Loring du Scripps Research Institute à La Jolla (Californie), qui a dirigé l'étude.
Les chercheurs ne considèrent pas, à ce stade, que cela remet en question l'intérêt des cellules souches pluripotentes, notamment les iPS. Mais ils concluent sur la nécessité de surveiller régulièrement au cours des multiples passages en culture l'intégrité du génome de ces cellules, et de tenter de trouver des méthodes de création de ces cellules et de culture qui préservent la stabilité génomique.
fb/ab/APM

mercredi 5 janvier 2011

Cellules CiD découverte de l'année 2010

Il est plus que temps de faire le bilan de l'année 2010. Et en ce qui concerne la thérapie cellulaire, le choix de la découverte de l'année est simple : il ne peut s'agir que des cellules induites différenciées (CiD), ces cellules différenciées directement transformées en autres cellules différenciées sans passer par la phase cellule souche. On ne fabrique donc plus nécessairement des cellules iPS (découverte de Yamanaka) qui ressemblent à des cellules souches embryonnaires (CSE) et ont donc le défaut majeur de risquer d'induire des tumeurs. Pour les CiD peu de risque de tumeur car ce ne sont pas des cellules souches.
Les premières CiD ont été découvertes en janvier 2010 : transformation de fibroblastes en neurones (Vierbuchen T et al. Nature. 2010. 463:1035-41, et compte-rendu ici sur le blog).
Puis en août 2010 : transformation de fibroblastes en cellules du muscle cardiaque (Ieda M et al. Cell. 2010. 142:375-86, compte-rendu ici).
Enfin en novembre 2010 : transformation de fibroblastes en cellules du sang (globules blancs, globules rouges ou plaquettes) avec essai clinique prévu dès 2012 (Szabo E et al. Nature. 2010. 468:521-526, avec le compte-rendu ).
Il s'agit donc d'un changement de paradigme majeur car il n’y a plus besoin de reprogrammer puis de redifférencier : on peut « transdifférencier » directement. Et comme un bon schéma vaut mieux qu'on long billet, en voici un (cliquer dessus pour l'avoir en grand format).

Maintenant essayez de trouver des articles en français sur ces découvertes (heureusement il y a PO Arduin à lire ici)... Et pourtant Nature comme Science les ont citées dans leurs rétrospectives 2010. Dire que pendant ce temps là en France on va autoriser la destruction d'embryons à des fins de recherche alors que le reste du monde a compris qu'il vaudrait mieux passer à autre chose !