mardi 1 décembre 2015

Modifications du génome humain : la conférence de tous les dangers ?


Du 1er au 3 décembre va se dérouler une conférence historique pour l'avenir de l'espèce humaine. Et non, je ne vous parle pas de la COP21. Pendant que tous les yeux sont braqués sur Paris et le réchauffement climatique, un danger tout aussi grave, et peut-être même plus, grandit lentement. Il y a pourtant une solution facile à ce risque, mais on peut craindre le pire. Je veux parler de ce qui va se passer à Washington et de la modification du génome humain. À l'initiative des académies américaines des sciences et de médecine, des généticiens de toute la planète vont discuter pendant trois jours des modifications du génome humain. Participeront aussi en tant qu'organisateurs la Royal Society britannique et l'académie des sciences chinoise. Aucun corps constitué français, allemand, espagnol, italien, indien ou brésilien à l'horizon, ni bien sûr d'académie pontificale des sciences. On note cependant un effort louable d'ouverture dans la liste des intervenants (disponible ici) qui comprend un nigérian, un indien, un africain du sud, et même trois français dont Emmanuelle Charpentier, co-découvreuse du CRISPR/Cas9, technique qui a rendu facile la modification du génome (je précise que cela fait longtemps que Charpentier ne travaille plus en France). Le programme fait la part belle aux américains et aux chercheurs sur les cellules souches humaines.

Le but de cette conférence : "Le sommet réunira des experts du monde entier pour discuter des implications scientifiques, éthiques et politiques associées à la recherche sur la modification du génome humain." [the summit will convene experts from around the world to discuss the scientific, ethical, and governance issues associated with human gene-editing research]. Le site internet est très complet, et pour suivre les débats sur twitter, c'est là : 

Un moratoire, mais pour combien de temps ?
On verra bien quelle sera l'issue de cette réunion mais il y a un précédent. un semblable sommet a regroupé des chercheurs dans les années 70 à Asilomar ; on s'inquiétait alors des modifications du génome des bactéries. Résultat de la conférence : un moratoire qui tint en tout et pour tout... moins de douze mois. Je ne voudrais pas être trop pessimiste, mais je pense qu'il en sera de même cette fois-ci vu que la mesure la plus prudente envisagée est celle d'un... moratoire. Et encore la principale raison invoquée est que sans moratoire et sans prudence on court à la catastrophe, ce qui serait très dommageable pour les chercheurs sérieux qui risqueraient de ne plus pouvoir modifier "prudemment" le génome. On nous dira que c'est pour guérir des maladies incurables —ce qui est vrai et souhaitable si on guérit sans que les modifications génétiques soient transmissibles. Mais on prendra ensuite le risque d'un glissement lent vers les modifications transmissibles, et un jour vers l'amélioration du génome, puis vers l'eugénisme.  Mais nous n'en sommes pas encore là. La solution vraiment prudente est simple : interdire toute modification transmissible à la descendance. En revanche on pourrait "mettre le paquet" sur l'exploitation de cette technique pour guérir les patients atteints de malades génétiques.

NB : pour les détails sur le CRISPR, vous pouvez vous reporter aux billet précédents ici pour la technique et  pour les applications à l'homme.