lundi 22 décembre 2014

Un "embryon" obtenu par parthénogenèse est-il humain ?


Suite à la décision récente de la CJUE et à de nombreuses réactions pas toujours éclairées, voici ma contribution au débat

La parthénogenèse, du grec « naissance virginale », est un processus de reproduction asexuée par lequel un ovule donne un individu entier, sans fécondation par un spermatozoïde. Elle existe chez différentes espèces d’invertébrés, notamment chez des vers ronds, les pucerons, chez des plantes, et très rarement chez certains vertébrés. Mais elle n’a jamais permis d’obtenir un individu vivant chez les mammifères (Kharche and Birade, Advances in Bioscience and Biotechnology, 4, 170) contrairement à ce que laisse entendre de façon un peu confuse l’article anglais de Wikipedia : l’obtention de souris par parthénogenèse n’a été possible qu’après des modifications génétiques en deux endroits du génome. 

L’impossibilité d’obtenir des individus viables par parthénogenèse chez les mammifères s’explique essentiellement par la reprogrammation épigénétique qui s’opère pendant la préparation des cellules sexuelles et après la fécondation, reprogrammation qui est incomplète dans la parthénogenèse provoquée de façon artificielle chez les mammifères, par des mécanismes chimiques, mécaniques ou électriques. De plus les cellules obtenues peuvent n’être qu’haploïdes (une seule copie de chaque gène) ou diploïdes mais elles représentent alors un clone exact de l’ovule. En résumé, dans tous les cas la cellule activée artificiellement est très différente d’un zygote obtenu par fécondation, que celle-ci soit naturelle, réalisée in vitro, ou par « clonage thérapeutique » (transfert d’un noyau somatique dans un ovule).

Ces explication techniques sont nécessaires pour tenter de répondre à la question posée à la Cour de Justice de l’Union européenne, qui était de savoir si on pourrait breveter des produits issus de cette technique. La CJUE a déjà statué de façon définitive qu’on ne pourrait breveter ni des cellules ni des tissus ni rien ce qui serait dérivé d’un embryon humain. Toute la question est de savoir si la parthénogenèse produit un « embryon humain » ou pas. Il y a déjà eu de nombreuses réactions en tous sens, mais fort peu permettant de répondre à cette question. 

Cellule pluripotente ou totipotente ?
En effet l’impossibilité d’obtenir un individu ou un fœtus, ou même un « embryon » capable de se développer au delà de quelques jours, démontre que la question n’est pas si facile à trancher. On pourrait la rapprocher de la reprogrammation artificielle réalisée pour obtenir des cellules souches iPS (« induced pluripotent stem cells ») qui ne permettent pas d’obtenir un zygote, qui est une cellule totipotente, mais seulement des cellules pluripotentes. Un autre rapprochement peut être fait : les deux techniques permettent d’obtenir des individus viables lors du test dit de « complémentation d’embryon tétraploïde », preuve que ce sont des cellules pluripotentes mais non totipotentes ; elles sont notamment incapables de donner naissance aux tissus extra-embryonnaires comme le placenta. La parthénogenèse est donc une technique permettant d’obtenir de façon artificielle une cellule capable de mimer le développement embryonnaire, mais il est permis de se demander si cette cellule est un zygote au sens propre du mot, et si ce zygote donne un véritable embryon. En ce qui me concerne, je ne peux à ce jour proposer une réponse définitive mais penche pour la négative : je ne pense pas que la parthénogenèse donne naissance à un embryon humain.

Limitations techniques à l'utilisation de la parthénogenèse chez l'homme
Quoiqu’il en soit cette méthode d’obtention de cellules souches pluripotentes humaines me laisse perplexe ; par définition on ne pourra avoir que des cellules femelles (ou féminines chez l’homme), le chromosome Y étant par définition exclu d’un ovule. De plus, il est déjà difficile d’avoir des ovules pour les FIV, et encore plus de trouver des femmes acceptant de mettre leur santé en péril pour la recherche permettant de faire du clonage « thérapeutique ». Alors si vous expliquez qu’avec ces ovules, vous allez fabriquer des cellules pluripotentes de façon totalement artificielle, cela parait franchement déraisonnable. À ce compte là autant fabriquer des cellules iPS qui elles au moins seront obtenues très facilement et de façon totalement indolore et sans danger ; et qui pourront comporter un chromosome Y si les cellules adultes sont prélevées chez un homme. 

En conclusion, même si je pense que la parthénogenèse ne donne pas naissance à un embryon humain au sens propre, l’exploitation de cette technique aujourd’hui me paraît totalement hors de propos…



jeudi 18 septembre 2014

"Le Pape s'attaque au développement durable" : un éditorial de Science


Dans son éditorial de cette semaine, le prestigieux journal scientifique américain Science reconnaît le rôle du pape François dans la lutte contre la dégradation de l'environnement. Le voici en intégralité, car vous ne pourrez le lire que si vous êtes abonné. Il aurait été encore mieux de savoir que le pape François ne fait que suivre le chemin tracé par Benoît XVI, mais on ne va pas cacher sa joie devant la reconnaissance du rôle que joue l'Église catholique comme haute figure morale pouvant contribuer de façon majeure à sauver la création.

En voici une traduction personnelle.

"La guerre contre la dégradation de l'environnement a un nouveau et puissant allié: le pape François (NdT : ça commence mal car ils oublient Benoît XVI...). Lors d'un colloque organisé conjointement par l'Académie pontificale des Sciences et l'Académie pontificale des sciences sociales sur le développement durable qui a été convoqué en mai 2014, le Vatican a prononcé les déclarations les plus directes à ce jour sur l'environnement, appelant chacun de nous à prendre nos responsabilités et à réorienter notre relation avec la nature pour assurer l'habitabilité et la viabilité de notre planète. Les problèmes qui motivent le Vatican ne sont pas différents de ceux qui concernent la communauté scientifique: l'épuisement des ressources non renouvelables, la perte des "services écologiques" (NdT : pour une définition voir Wikipedia) et les risques de changement climatique. Mais ce qu'apporte le Vatican c'est la raison qui justifie l'action : il est de notre responsabilité morale de léguer une planète habitable aux générations futures.

"Lorsque j'ai reçu une invitation pour présenter une communication sur « Les risques de la montée des eaux pour les populations côtières » aux chercheurs internationaux renommés réunis par l'Académie pontificale, j'espérais fortement qu'on mettrait en relation la menace du changement climatique avec des préoccupations plus larges sur la pauvreté et de l'équité. Le dernier rapport du groupe intergouvernemental d'experts sur les changements climatiques considère "les morts ou les dégâts dus aux inondations côtières" comme le risque numéro un du réchauffement climatique, et estime que l'investissement actuel pour s'adapter à l'élévation du niveau de la mer est inférieur de plusieurs ordres de grandeur à ce qu'il faudrait faire pour résoudre ce problème critique : une population en croissance rapide de gens pauvres vivant à portée de mers dont le niveau ne cesse de monter. Cette rencontre promettait d'être beaucoup plus interdisciplinaire que les autres auxquelles j'avais participé, avec en plus l'influence du Vatican. Les travaux ont été supervisés par Son Excellence Monseigneur Marcelo Sanchez Sorondo, un évêque catholique diplômé en philosophie et en théologie et chancelier de l'Académie pontificale des Sciences et de l'Académie pontificale des sciences sociales. La présence de représentants du Vatican a enrichi les discussions sur l'éthique, les valeurs, la morale et la justice sociale pour tout ce qui touche au changement climatique et au développement durable.

"Une petite minorité de la population mondiale consomme la majorité des ressources, en particulier les ressources énergétiques, alors que le changement climatique aura un impact universel qui affectera tout le monde, y compris ceux qui auront le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre. Le groupe très diversifié invité par le Vatican a appelé à un changement systématique des convictions et des comportements qui tolèrent actuellement une attitude d'indifférence à l'égard de ce que nous laissons aux générations futures. Nous avons plaidé pour que de nouvelles mesures de la richesse plus constructives remplacent le revenu ou le produit intérieur brut, comme le capital naturel, la santé humaine et l'environnement, l'égalité sociale et le niveau de scolarité. Les sciences et l'ingénierie peuvent procurer les capacités technologiques permettant d'être de bons intendants de la planète, mais nous devons lutter contre les forces qui résistent au changement. En tant que société, nous avons besoin de toute urgence de faire le choix de réorienter notre relation avec la nature en adoptant, par exemple, les objectifs de développement durable des Nations Unies pour promouvoir un modèle durable de développement économique et d'inclusion sociale.

"Le pape François a pris le temps de rencontrer personnellement tous les membres du colloque et a même suggéré quelques-uns des thèmes discutés. Il m'a immédiatement frappé comme quelqu'un de très humble et très bon, et pourtant aussi de quelqu'un qui a le pouvoir de changer le monde. Bien que la réunion ait été organisée par l'Eglise catholique, les participants incluaient des hindous, des musulmans, des protestants, des juifs, des athées, des agnostiques, tous prêts à suivre ce chef, non pas à cause de sa importance religieuse, mais à cause de sa supériorité sur le terrain moral. Nous avons besoin de dirigeants qui prennent la parole, en se prévalant de cette supériorité morale. Bien que la trajectoire sur laquelle nous sommes actuellement est très dangereuse, ce message est aussi un message d'espoir. Un monde plus sûr, plus juste, plus prospère et durable est à portée de main.

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J'ajoute le texte original pour ceux qui voudraient vérifier cette traduction faite rapidement.

"The war on environmental degradation has a powerful new ally: Pope Francis. Prompted by a Joint Workshop of the Pontifical Academy of Sciences and the Pontifical Academy of Social Sciences on sustainability that was convened in May 2014, the Vatican has articulated some of its strongest environmental statements to date, calling for all of us to take personal responsibility and redirect our relationship with nature to ensure the future habitability and sustainability of this planet. The problems that motivate the Vatican are no different from those that concern the scientific community: depletion of nonrenewable resources, loss of ecosystem services, and risks from changing climate. But what the Vatican contributes is the rationale for taking action: because it is our moral responsibility to bequeath a habitable planet to future generations.

"When I received an invitation to present a paper on “The Risks of Rising Seas to Coastal Populations” to the group of distinguished international scholars assembled by the Pontifical Academy, my expectations were high that the threat of climate change could relate to broader concerns about poverty and equity. The latest report from the Intergovernmental Panel on Climate Change places “death or harm from coastal flooding” as the number-one risk from climate warming, and estimates that the current investment in adaptation to sea-level rise is orders of magnitude less than what is needed to address the critical problem: a rapidly expanding population of poor people living within reach of ever-rising seas. This meeting promised to be interdisciplinary in more dimensions than others I had attended, with the addition of the Vatican's influence. The proceedings were overseen by His Excellency Monseigneur Marcelo Sanchez Sorondo, a Catholic bishop with degrees in philosophy and theology and Chancellor of the Pontifical Academy of Sciences and Pontifical Academy of Social Sciences. The addition of leaders from the Vatican enriched discussions of ethics, values, morality, and social justice with regard to climate change and sustainability.

"An elite minority of the world's population consumes the majority of resources, especially energy, with climate change being one of the most universal impacts, affecting everyone, even those who may have contributed the least to greenhouse gas emissions. The diverse group convened by the Vatican called for a universal change in convictions and behaviors that currently condone an attitude of indifference with respect to what we leave for future generations. We advocated for new measures of wealth that replace income or gross domestic product with more constructive metrics such as natural capital, environmental and human health, social equality, and educational attainment. Science and engineering can deliver the technological capability to be good stewards of the planet, but we must counteract the forces that resist change. As a society, we urgently need to make the choice to redirect our relationship with nature by adopting, for example, the United Nations Sustainable Development Goals to promote a sustainable pattern of economic development and social inclusion.

Pope Francis took the time to personally meet with all of the members of the workshop and even suggested some of the session themes. He struck me immediately as a very humble and kind person—and yet someone with the power to change the world. Although the meeting was convened by the Catholic Church, the attendees included Hindus, Muslims, Protestants, Jews, atheists, and agnostics, all willing to follow this leader, not because of his religious significance, but because of his moral high ground. We need more leaders to step forward, claiming this moral high ground. Although the current trajectory we are on is dangerous, the message is also one of hope. A safer, more just, more prosperous, and sustainable world is within reach."     

Marcia McNutt Editor-in-Chief Science journals        

mercredi 10 septembre 2014

Des "gènes de l'intelligence" identifiés : un impact minime

Chacun sait que l'intelligence d'une personne dépend à la fois de l'environnement dans lequel elle a vécu (l'acquis), et des gènes dont elle a hérité lors de sa conception (l'inné). On s'accorde à dire que ces deux facteurs influencent l'intelligence de façon à peu près égale. Et si on se concentre sur la part de l'environnement, il sera assez simple de montrer que si de nombreux facteurs seront importants, bien sûr le milieu social dans lequel l'enfant sera élevé jouera un rôle majeur, même s'il y aura aussi l'école, les amis, le voisinage etc.

Identification de l'influence de trois variations génétiques sur l'intelligence
Qu'en est-il de la part de l'inné ? Quelques gènes contrôlent-ils de façon déterminante l'intelligence ou y a-t-il des milliers de facteurs qui contribuent chacun de façon très faible ? Une vaste étude internationale (60 chercheurs de 7 pays) parue il y a quelques jours dans la revue PNAS indique que la deuxième solution est la bonne, et qu'il n'y a pas de "gène(s) de l'intelligence". Je passe sur la méthode élégante et novatrice exploitée pour arriver à ce résultat qui est sans doute très fiable. Il suffit de dire que cela a impliqué des tests génétiques sur plus de 100.000 personnes et des tests de QI sur plus de 25.000 participants. Le QI est utilisé comme souvent comme une mesure de l'intelligence ; cette mesure est "le pire système de mesure de l'intelligence, à l'exception de tous les autres", pour paraphraser Churchill sur la démocratie. Le résultat démontre que des milliers de variations génétiques sont liées au score de QI, mais que la plupart ont un rôle trop faible pour être mesuré. Seuls trois variations auraient un impact mesurable, mais même là, cela reste très faible. Si l'on en croit deux auteurs de l'étude qui ont publié une tribune sur leur travail, cumuler les trois variations positives feraient progresser le QI de 1,8 points. Pas de quoi fouetter un chat quand on sait qu'un vrai test de QI est fiable à ± 3 points...

Inutilité de tests génétiques pour prédire l'intelligence

La bonne nouvelle de cette étude est qu'il sera totalement inutile de faire des tests de dépistage sur ces trois variations génétiques pour prédire l'intelligence d'un enfant, que ce soit après la naissance, en DPN ou en DPI. En effet la simple influence familiale aura un impact bien plus élevé que ces variations. Cela ne signifie pas que la part génétique est moins importante qu'on le pensait, mais simplement qu'elle est d'une grande complexité, ce à quoi on pouvait s'attendre.

dimanche 7 septembre 2014

L'évolution est-elle démontrable expérimentalement ?



Ce tweet de Pierre Barthélémy m'amène à parler de la question de savoir si l'évolution est une théorie ou un fait, et si elle est expérimentalement démontrable. Il faisait référence à cet article : http://theweek.com/article/index/265653/why-you-should-stop-believing-in-evolution. Ma réponse initiale était que 
(1er tweet) 


(2e tweet) 

Ce qui m'a valu cette réponse


Je vous accorde que mon premier tweet était sans doute malhabile, car je ne me plaçais pas à la même échelle de temps. Le fait scientifique est facile à établir expérimentalement sur un temps court, plus délicat à l'échelle de l'histoire de la vie, comme j'essaye de le montrer ci-dessous.

L'évolution a-t-elle pu exister ? La réponse est oui, bien sûr. Comme le disait l'article il suffit de voir les variétés de fraises ou les races de chiens pour constater que les individus peuvent présenter des traits sélectionnables très différents. Et comme je le précisais dans d'autres tweets, on a pu constater l'évolution en laboratoire sur des bactéries par exemples (voir ici un billet sur l'expérience de Richard Lenski).

L'évolution est-elle un fait établi scientifiquement ? Là encore la réponse est évidemment oui. En dehors des exemples cités ci-dessus, le meilleur argument est dans l'ADN : il existe des gènes similaires chez tous les être vivants, et le code génétique est presque parfaitement conservé. Il est impossible d'imaginer une autre solution, sauf à supposer que Dieu manque singulièrement d'imagination.

Le fait de l'évolution est-il démontrable expérimentalement ? La réponse est oui à une petite échelle de temps, mais non à l'échelle de l'histoire de la vie. Il est impossible aujourd'hui de démontrer par l'expérience que les grands singes et l'homme ont un ancêtre commun ; il faudrait pour cela créer cet ancêtre en laboratoire et le regarder évoluer. Mais même cela donnerait très probablement un résultat différent de ce qu'on connait aujourd'hui. Donc je pense pouvoir maintenir que "le fait de l'évolution est indémontrable expérimentalement, contrairement à la plupart des faits scientifiques". L'exemple du "bleu" pris dans l'article ne me paraît pas adapté : en effet le bleu correspond à certaines longeurs d'onde qu'on peut définir au moins à peu près car les limites seront floues, et même si un tweet signale qu'au Japon, le vert des feux de circulation est dit "bleu". Un autre exemple serait le boson de Higgs : tant qu'on ne l'avait pas trouvé, il restait une théorie, certes très vraisemblable, mais une théorie quand même. L'évolution de la vie, j'y crois de A à Z (depuis l'apparition de la vie jusqu'au monde que nous connaissons aujourd'hui ; voir les billets 1, 2, 34, 5 et 6 par exemple) mais cela reste impossible à démontrer en laboratoire, ne serait-ce que l'apparition de la vie : nous avons de nombreux scénarios pour l'expliquer, on en trouvera certainement encore d'autres, mais il sera sans doute à jamais impossible de savoir lequel est le bon. 

Voilà ce que je voulais dire par "indémontrable expérimentalement". Libre à vous de me dire que je me trompe encore :-)



vendredi 5 septembre 2014

Télépathie : est-ce vraiment une bonne idée ?

Je parie que vous avez entendu parlé de télépathie aujourd'hui. Et pourtant ce dont il a été question, c'est de tout sauf de télépathie. Le bon vieux Larousse nous définit la chose comme "Transmission de pensées ou d'impressions quelconques d'une personne à une autre en dehors de toute communication par les voies sensorielles connues." C'est mal parti car la communication de pensée par internet, ça relève plutôt de l'interprétation des ondes électromagnétiques du cerveau qui constitue le véritable exploit, que de télépathie qui consiste à lire dans les pensées sans aucun appareillage. Et cela a permis à un singe de contrôler un bras robotisé par la pensée comme il est raconté par exemple ici dans le magazine La Recherche. L'exploit c'est d'enregistrer le signal puis de le faire comprendre au receveur, la transmission elle-même est aussi triviale que le téléchargement qui vous a permis de lire ce billet. 

Et je ne suis pas sûr qu'apprendre à lire les pensées d'une personne de façon non invasive soit une bonne chose, si l'on omet les malades atteints du syndrome d'enfermement pour qui ce serait un progrès évident. Il vaudrait sans doute mieux que cette technologie, si elle devenait jamais facilement utilisable car on en est loin, reste confinée à un usage médical. Je ne tiens personnellement absolument pas à savoir ce qui passe par la tête de mon voisin, et encore moins à ce qu'il puisse savoir ce que je pense quand je lis ses pensées, et ainsi de suite. Bref, vous m'avez compris...




mercredi 3 septembre 2014

Cellules souches humaines embryonnaires : et si elles avaient une efficacité thérapeutique ?

Addendum du 15 novembre 2014 : ACT a publié un article (utiliser ce lien pour le télécharger) dans le très prestigieux journal médical The Lancet où sont rapportés des effets positifs pour ce premier essai à base de CSEh.

On peut légitimement penser que les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) démontreront tôt ou tard leur efficacité thérapeutiques. Que fera-t-on alors ?

Travailler avec des CSEh est possible depuis 1998 quand le laboratoire de James Thompson a réussi à en isoler à partir d'embryons surnuméraires. Mais pendant longtemps, peu de laboratoires ont pu les utiliser en raison soit d'interdictions, soit de conditions plus ou moins drastiques limitant considérablement leur utilisation. Ceci explique sans doute les résultats fort maigres obtenus en plus de 15 ans avec ces cellules. Par rapport aux cellules souches adultes, ou même aux cellules iPS de Shinya Yamanaka découvertes seulement en 2007, les cellules souches embryonnaires sont encore relativement peu citées. Nombreux sont ceux qui utilisent cet argument pour les disqualifier. Je crois que c'est une erreur : que dirons nous quand on aura prouvé leur efficacité thérapeutique, ce qui sera nécessairement démontré tôt ou tard ? Il est indéniable que c'est un formidable outil, reste qu'il n'en est pas moins questionnable en terme d'éthique.

Pourquoi les CSEh seront (sans doute) efficaces
Quelques exemples démontrent en effet que leur potentiel thérapeutique est bien réel. Le premier est l'essai conduit par Advanced Cell Technology, la société de Robert Lanza. Cet essai consiste à tenter de guérir des dégénérescences maculaires affectant la rétine et donc vision, qu'elle soit liée à l'âge ou héréditaire (maladie de Stagardt). Lanza lui-même a fait savoir en mai 2013 (voir ce billet du blog) qu'au moins un patient avait récupérer une très bonne vision lors de l'essai clinique de phase I. Les résultats de cet essai ne sont toujours pas publics, mais une rumeur récente fait état d'une prochaine annonce liée à cet essai. Le deuxième exemple est le traitement de crises cardiaques chez les macaques avec des cellules du muscle cardiaque dérivées de CSEh (voir ce billet pour les détails et les caveat). On pourrait encore cité le travail d'équipes françaises qui cherchent à reconstituer une peau à partir de CSEh (voir ce billet), ou la reprise récente d'un essai visant à traiter les lésions de la moelle épinière.


Que peut-on faire ?
On est encore loin de guérisons systématiques et de traitements courants, mais il faut se faire à l'idée que cela arrivera tôt ou tard. Les cellules souches adultes ne peuvent pas générer tous les types cellulaires contrairement aux cellules souches embryonnaires ou aux cellules iPS. Et ces dernières, qualifiées par certains de cellules "OGM" (très facile de les disqualifier ainsi), n'ont pas encore fait la preuve d'une utilité thérapeutique, même si elle semble évidente. Quoiqu'il en soit, il conviendrait de ne pas critiquer les CSEh en se basant sur le fait que leur utilité thérapeutique est non démontrée à ce jour, mais de se focaliser plutôt sur le respect de la vie humaine du commencement à la fin. Cela permettrait d'englober ce sujet particulier dans un contexte beaucoup plus général du respect de la vie humaine à tous les stades, de l'embryon au vieillard en passant par le handicapé et le malade en phase terminal. Car en réalité, l'efficacité ou non des CSEh n'est pas la question majeure face à la valeur que l'on donne à la vie humaine, même s'il est probable qu'à terme elles permettront à leur tour de sauver d'autres vies, mais à quel prix... Les solutions éthiques valides existent, autant se focaliser sur elles. Tout comme il est recommandé de le faire pour les vaccins dont certains sont développés en utilisant des cellules humaines fœtales issues d'un avortement thérapeutique.

jeudi 10 juillet 2014

Des dangers de la thérapie cellulaire quand elle est mal maîtrisée


Même quand il s'agit de cellules souches adultes, il faut rester prudent.

Cette histoire commence il y a huit ans au Portugal dans le cadre d'un essai thérapeutique officiel. Une femme américaine paralysée en raison d'une section de la moelle épinière reçoit une injection de cellules souches olfactives prélevées dans son nez, cellules souches adultes donc. Pendant plusieurs années, il ne se passe rien de positif. Plus grave, l'année dernière des médecins interviennent en raison d'une douleur ressentie à l'endroit de l'injection. Et là, surprise, le chirurgien découvre une tumeur de trois centimètres principalement composée de tissu... nasal. La douleur provenait d'un épais mucus sécrété par la tumeur. Même si la tumeur n'était pas cancéreuse, cela illustre les dangers de la thérapie cellulaire.

George Daley (Université de Harvard), spécialiste mondial des cellules souches, y voit un avertissement : "Cela donne à réfléchir et révèle directement à quel point nos connaissances sont pauvres sur la façon dont les cellules s'intègrent, se divisent et se multiplient". De plus il remarque que la plupart des essais cliniques ne suivent les patients que pendant quelques années, et que de nombreux cas comme celui de cette femme pourraient être ignorés.


Si cela ne doit pas être considéré comme suffisamment grave pour entrainer l'arrêt de tels essais thérapeutiques, c'est une preuve de la prudence dont il faut faire preuve dès qu'on injecte des cellules souches. Cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit non plus d'essais thérapeutiques très contrôlés, mais de soit-disantes méthodes miracles appliquées par des médecins sans scrupules.

Source : New Scientist

mardi 24 juin 2014

Ebola, un risque en France ?

Avertissement : je parle ici du risque d'épidémie globale d'Ebola en France qui nous concerne tous, pas des risques individuels qui ne concernent que les personnes susceptibles d'être en contact direct avec un malade porteur du virus.

Le virus Ebola est responsable d'une fièvre hémorragique toujours grave et souvent mortelle chez l'homme. Une épidémie sévit actuellement en Afrique et elle serait "hors de contrôle" selon Médecins sans Frontières, son ampleur étant en effet sans précédent avec plus de 60 foyers différents et 567 cas à ce jour. Quelques journaux et sites internet tirent la sonnette d'alarme : une épidémie est-elle possible en France ? La réponse est très probablement non. En effet le virus est sans doute trop virulent pour s'installer dans un pays aussi médicalement contrôlé que la France.

Quelques cas sont malheureusement possibles, avec des transmissions en France à partir de personnes infectées venant de Guinée, du Liberia ou de la Sierra Leone. Cependant le talon d'Achille de ce virus est d'être extrêmement virulent puisqu'il tue presque systématiquement et rapidement (en quelques jours) son hôte, laissant donc relativement peu de temps pour infecter d'autres personnes ; c'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle les épidémies dues à Ebola s'éteignent au lieu de se propager indéfiniment. Au contraire le virus du SIDA est beaucoup plus dangereux car il peut rester "dormant" pendant des années tout en se transmettant, et sans trithérapie il est tout aussi mortel. Par comparaison le virus du SIDA est donc infiniment plus dangereux qu'Ebola si on parle d'épidémie globale. Le risque d'un tel événement en France est proche de zéro : les autorités sanitaires déclencheraient en effet un plan draconien dès le premier cas déclaré en France.

Éléments de réponse trouvés sur le site de l'OMS :
"Le virus Ebola s’introduit dans la population humaine après un contact étroit avec du sang, des sécrétions, des organes ou des liquides biologiques d’animaux infectés. En Afrique, l’infection a été constatée après la manipulation de chimpanzés, de gorilles, de chauves-souris frugivores, de singes, d’antilopes des bois et de porcs-épics retrouvés malades ou morts dans la forêt tropicale.
Il se propage ensuite dans les communautés par transmission interhumaine, à la suite de contacts directs (peau lésée ou muqueuses) avec du sang, des sécrétions, des organes ou des liquides biologiques de personnes infectées, ou de contacts indirects par l’intermédiaire d’environnements contaminés par ce type de liquides. Les rites funéraires au cours desquels les parents et amis du défunt sont en contact direct avec la dépouille peuvent également jouer un rôle dans la transmission du virus Ebola . Le sperme peut continuer de transmettre le virus jusqu’à sept semaines après la guérison clinique.

Des agents de santé se sont souvent infectés en traitant des cas suspects ou confirmés de maladie à virus Ebola. Cela s’est produit lors de contacts étroits avec les patients, lorsque les précautions anti-infectieuses n’ont pas été strictement appliquées."

À la lecture de ce texte, il est clair qu'il n'y a pas lieu de paniquer.

jeudi 1 mai 2014

**** Quand les catholiques "tradis" parlent de création et d'évolution


Je vous recommande vivement de regarder cette remarquable vidéo sur la création et l'évolution. Vous en retirerez forcément quelque chose ! Les scientifiques pourraient être surpris de voir à quel points leurs travaux sont pris en compte, même ceux publiés il y a moins d'un mois, et les catholiques pourraient envisager la question de l'évolution d'une façon bien différente.

Le pèlerinage de Paris-Chartres de la Pentecôte, rendez-vous du monde des catholiques "tradi" depuis des dizaines d'années, a choisi comme sujet de méditation cette année "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre" (ce qui est aussi le titre d'un livre de Benoît XVI quand il était encore le cardinal Ratzinger).

La question de l'évolution se pose naturellement quand on réfléchit à celle de la création. Voici ce qu'en dit le père Jean-Baptiste, de l'abbaye de Lagrasse. Je vous préviens, vous aurez des surprises. Pour être pointilleux, je ferais une remarque sur l'utilisation du mot "darwinisme" : c'est je crois faire un mauvais procès à Darwin que de lui attribuer le militantisme athée de certains néo-darwiniens actuels. Mais le fait d'envisager, même de façon très prudente, la remise en cause du monogénisme pourrait en surprendre plus d'un...



Cette vidéo a été mise en ligne sur le site internet de Notre Dame de Chrétienté (ici) et sur le site de Gloria ().

Des cellules souches embryonnaires pour traiter des crises cardiaques chez les macaques


Bizarre comme les nouvelles se télescopent. Un article du British Medical Journal (voir le commentaire de Nature publié hier) publié hier s'est penché sur l'utilisation de cellules souches adultes pour traiter les crises cardiaques. La conclusion de cette étude est que la plupart des essais sont biaisés ou que les résultats ne sont pas significatifs. Et c'est sans compter que plusieurs études semblent tout simplement frauduleuses. Il faut cependant rappeler qu'un essai à grande échelle a été lancé récemment en Europe avec le recrutement de 3000 patients, et que les résultats de cette étude sans précédent dans son ampleur ne seront connus que dans plusieurs années.

Loin de ces résultats guère encourageant, Nature publie aujourd'hui un article montrant que des cardiomyocytes (cellules du muscle cardiaque) dérivés de cellules souches embryonnaires humaines (CSEH) peuvent réparer le cœur de macaques ayant subi une crise cardiaque. Les chercheurs ont d'abord mis au point un protocole permettant de générer des milliards de cardiomyocytes à partir d'une lignée de CSEH déjà établie. Ils ont en effet calculé qu'il faudrait injecter environ un milliard de cardiomyocytes à un singe pour espérer voir un résultat positif. Ils ont ensuite provoqué une crise cardiaque "mineure" en bloquant un vaisseau sanguin cardiaque pendant 90 minutes. Puis les cardiomyocytes ont été injectés dans la zone affectée deux semaines plus tard.

Après euthanasie, les singes ont été autopsiés. Aucun ne présentait de tumeur, l'un des principaux risques de l'utilisation de cellules souches embryonnaires - cependant la courte durée de vie des macaques après la transplantation ne permet de dire si des tumeurs auraient pu se développer plus tard. Et si seulement 10% des cellules injectées ont survécues, elles ont pu se différencier, être vascularisées, et manifester une activité électrique similaire à des cardiomyocytes endogènes.

Des problèmes pas anodins
Un problème majeur est cependant apparu dans ces expérience car tous les singes traités avec ces cellules ont manifesté des arythmies, avec notamment des tachycardies à 180 battements par minute (le rythme cardiaque moyen d'un macaque est de 100 à 130 battements par minute). D'autre part rien ne permet de conclure à une amélioration de la récupération du tissu cardiaque, en l'absence d'un groupe contrôle. Enfin les auteurs soulignent eux-mêmes que la crise cardiaque induite est "mineure".

C'est donc un résultat encourageant pour le traitement des crises cardiaques, même si on est encore très loin d'une solution thérapeutique. Et bien sûr l'origine même des cardiomyocytes transplantés pose un problème éthique majeur dont les lecteurs de ce blog sont familiers. Mais rien n'empêche d'imaginer qu'on pourrait trouver une autre source, comme les cellules iPS ou les iCM (pour "induced cardiomyocytes") obtenues par reprogrammation directe évoquées dans ce billet.

Un avertissement
Cette étude sonne comme un avertissement. La thérapie cellulaire à base de cellules souches embryonnaires se rapproche et tout laisse à penser que ça marchera, au moins pour certaines pathologies. Il est donc plus urgent que jamais de trouver et favoriser des solutions éthiques permettant d'éviter le recours aux CSEH ou aux embryons humains. Mais de le faire de façon scientifiquement valide pour éviter de se retrouver dans la situation évoquée au début de ce billet...


lundi 21 avril 2014

Le dernier coup du clonage thérapeutique : créer 77 embryons pour obtenir 2 lignées cellulaires


 Après l'équipe de Shoukhrat Mitalipov en 2013, de nouvelles expériences de clonage thérapeutique humain ont été réussies, cette fois en utilisant des adultes adultes et non des cellules de nouveau-né, un travail publié dans la revue Cell Stem Cell. Célébré comme un résultat fantastique (Le Figaro, Libération, et de nombreux autres), c'est pourtant un succès très relatif. Il a fallu quatre "donneuses" (payées plusieurs milliers de dollars chacune) pour obtenir les 77 oocytes dont le matériel nucléaire a été détruit pour être remplacé par celui des cellules de deux hommes adultes, l'un de 35 ans et l'autre de 75 ans. Le tout pour obtenir en tout et pour tout trois embryons au stade blastocyste, tous les autres étant morts avant. Au final seules deux lignées cellulaires ont été établies après destructions des trois embryons survivants. Si c'est un succès technique puisqu'il y a deux lignées et non pas zéro, on est loin d'un taux suffisant pour espérer faire quoique ce soit en matière de thérapie cellulaire avec ça : 2 lignées pour 77 tentatives, même d'un point de vue purement technique, c'est très loin d'être encourageant. Et je ne suis pas le seul à le dire, mais aussi plusieurs chercheurs comme le rapporte le Los Angeles Times qui cite notamment Robert Lanza, pourtant un des apôtres du clonage thérapeutique et signataire du travail publié par Cell Stem Cell ; même lui reconnaît que la plupart des chercheurs sont passés aux cellules iPS et ne feront pas de clonage thérapeutique.

Une dépêche de l'AFP doublement mensongère

La dépêche de l'AFP reprise par les sites évoquées plus haut est partiellement mensongère, notamment par omission, à telle point que certains s'y sont laissés prendre. Voici le texte : "Cette approche présente l’avantage de ne pas utiliser d’embryons fertilisés pour obtenir des cellules souches, une technique qui soulève d’importantes questions éthiques, car dans ce cas l’embryon est détruit." Si cela évite bien d'utiliser des embryons fécondés, chaque introduction d'un noyau adulte dans un oocyte crée un embryon par clonage, tout comme la fertilisation le crée par reproduction sexuée. Il a donc fallu créer et détruire 77 embryons pour obtenir 2 lignées cellulaires.

La dépêche continue par la phrase suivante : "Mais les détracteurs de cette technique, comme l’Eglise catholique, estiment qu’elles présentent le risque de dérapage et de mener au clonage d’êtres humains..." Je rappelle que l'Église a déjà donné sa position en 2008 et qu'elle est exactement l'inverse de ce que sous-entend l'AFP. Cela est écrit noir sur blanc ici (§30) : "Le soi-disant clonage thérapeutique est encore plus grave au plan éthique. Créer des embryons dans le but de les supprimer, est totalement incompatible avec la dignité humaine, même si l’intention est d’aider les malades, car cela fait de l’existence d’un être humain, même à son stade embryonnaire, rien de plus qu’un moyen à utiliser et à détruire. Il est gravement immoral de sacrifier une vie humaine dans un but thérapeutique." Le clonage thérapeutique est à lui tout seul un dérapage majeur, et pire que le clonage reproducteur.


samedi 8 mars 2014

Vulgarisation scientifique, twitter et autres considérations

Un peu de recul sur ce blog
Il y a quelques jours Famille Chrétienne a publié un texte de votre serviteur sur les cellules STAP, ces nouvelles cellules souches reprogrammées de façon extrêmement simple. Ce n'est pas de ces cellules que je souhaite parler ici mais de vulgarisation scientifique. Je suis très heureux de participer à cet effort, et avec ce billet dans FC ce n'est pas le première fois que je m'aventure loin de mon blog. Certains d'entre vous se souviendront peut-être que mon tout premier article, longtemps avant la naissance de ce blog, a été publié par Liberté Politique en 2004. Il concernait un remarquable travail paru dans la revue Science à propose de la baisse du SIDA en Ouganda. Et mon premier billet rapportait l'organisation d'une conférence sur l'évolution au Vatican.

Un compte twitter
Il est particulièrement difficile de faire de la vulgarisation scientifique. C'est un constant exercice d'équilibriste entre la présentation des détails scientifiques pour éviter de trop dénaturer les faits, et l'objectif d'être compris par le plus grand nombre ; je sais de quoi je parle car j'ai récemment écrit des textes sur d'autres sujets et ceux-ci m'ont pris beaucoup moins de temps à écrire que le recensement d'une découverte scientifique. Malheureusement le temps me manque souvent pour traiter en détail des informations essentielles. D'où mon compte twitter qui me permet de faire circuler des nouvelles sans que j'y mette (trop) mon grain de sel. Si vous trouver que les billets se font rares sur ce blog, n'hésitez pas à consulter la colonne de droite où sont repris mes derniers tweets. Et pour tous les voir il suffit, comme pour n'importe quel compte twitter, d'y aller directement par internet ; il n'y a pas besoin de s'inscrire pour lire les tweets de quelqu'un... 

Un exemple de tweet intéressant
Pour l'exemple je signale ici un tweet récent :
 

On y apprend que la plupart des essais de thérapie cellulaire en cours exploitent des cellules souches adultes et que pas un seul essai n'exploite actuellement les cellules souches embryonnaires (ESC en orange dans le graphe). Dans un 2e tweet j'ai donné la source et vous avez tout le loisir d'aller explorer le billet de cet autre blog plus avant (pour les anglophones). Vous y verrez par exemple que le France est particulièrement mal placée dans cette course.


Merci en tout cas aux lecteurs toujours fidèles même si les multiples occupations m'éloignent de mon blog, et n'hésitez pas à regarder de temps en temps ce que j'ai fait circuler via twitter.

vendredi 7 février 2014

Prix et controverses

La Fondation Jérôme Lejeune a décidé de publier un communiqué de presse suite à deux billets publiés ces derniers jours l'un dans Le Monde, et l'autre dans Libération. Ces billets ont en commun une attaque virulente contre Jérôme Lejeune et la Fondation du même nom ; Lejeune n'aurait pas découvert la trisomie 21 mais aurait volé ce résultat à une jeune et talentueuse biologiste, Marthe Gautier. Celle-ci, toujours vivante, a raconté à plusieurs reprises sa version des événements, notamment, et à ma connaissance pour la première fois, dans Médecine/Sciences en 2009. Lejeune, mort en 1994, n'était hélas plus là pour répondre. La polémique a ressurgi à l'occasion des 7e Assises de Génétique Humaine et Médicale qui viennent de se tenir et aux cours desquelles Marthe Gautier devait donner un séminaire sur la découverte de la trisomie 21. Vous lirez par vous-mêmes la suite des événements grâce aux trois premiers liens de ce billet. Ne connaissant aucun des protagonistes, je ne prétends pas savoir quoique ce soit sur le fond de ce sujet (et encore moins sur le retrait de Marthe Gautier peu avant son séminaire). Il faut cependant noter que d'autres ont également revendiqué la paternité de cette découverte et que plusieurs équipes étaient "sur le coup", notamment celle de Patricia Jacobs aux États-Unis qui ne fut battue par Lejeune, Gautier et Turpin que d'un cheveu.

Ce dont je veux parler, c'est de la teneur des billets du Monde et de Libération que je trouve choquants car presque entièrement à charge. Par exemple ce serait par pure misogynie que Marthe Gautier aurait été écartée de la première place de l'article, et des récompenses qui suivirent, l'accusation de machisme étant même directement portée contre une femme, Marie-Odile Réthoré, ce qui m'a laissé passablement perplexe (alors que Marthe Gautier le dit elle-même, elle avait bien un statut de "technicienne" lorsqu'elle a effectué les marquages). De plus la Fondation est coupable d'être réactionnaire, contre l'IVG, la "théorie du genre" etc, ce qui n'apporte rien sur la question de savoir si Marthe Gautier a reçu ou non sa juste part des récompenses mais ne peut pas laisser le lecteur de Libération indifférent. Turpin et Lejeune étant morts je vois mal comment établir les faits de façon dépassionnée. Il semble ne faire aucun doute que l'apport de Marthe Gautier fut déterminant, car elle seule maîtrisait la technique ; il est également très clair que Turpin et Lejeune s'intéressaient et ont continué à s'intéresser à l'origine génétique des maladies, et que les compétences réunies ont permis de franchir un pas décisif.

Il faut cependant savoir que toute grande découverte apporte son lot de controverses. Prenons l'exemple du prix Nobel de physiologie médecine remis à Jules Hoffmann en 2011. À part dans les milieux scientifiques, peu de gens savent que Bruno Lemaître, chercheur chez Hoffmann et premier signataire du papier qui conduira Hoffmann au prix Nobel a présenté sa version des faits et affirme qu'Hoffmann n'était à l'époque que peu intéressé par ses travaux et que le mérite de la découverte devrait lui revenir. Encore une fois loin de moi l'idée de trancher, mais ce témoignage de Lemaître n'a pas eu le retentissement qu'a aujourd'hui celui de Marthe Gautier. Peut-être n'ai-je pas assez cherché, mais je n'ai trouvé aucun article en français à ce sujet (ce que je serai heureux de modifier si un lecteur m'en indique un), alors que ce témoignage a été répercuté à l'étranger. Autre exemple : le Nobel de Montagnier et Barré-Sinoussi en 2008 pour la découverte du VIH dont Jean-Claude Chermann a été écarté pour des raisons présentées de façon très claire dans différents media (comme ici par exemple ; JCC a lui-même écrit un livre sur ce sujet : "Tout le monde doit connaître cette histoire”, éditions Stock, octobre 2009).

Que conclure de ces trois histoires parallèles ? D'abord une évidence, à savoir que les recherches se font en équipe et qu'il est rare de pouvoir récompenser tout le monde ; en général les patrons reçoivent les prix et les expérimentateurs restent dans l'ombre. Cependant ceux qui reçoivent les honneurs ne doivent évidemment pas oublier leurs équipes. Mais je retiens surtout que le traitement réservé à ces trois "affaires" est bien différent, et que le cas de Jérôme Lejeune fait l'objet d'une attention particulière et fort peu objective. Je veux ici témoigner des bienfaits de la Fondation Jérôme Lejeune, que ce soit en direction des porteurs de trisomie 21 par les consultations spécialisées, ou grâce aux financements distribués aux laboratoires pour faire des recherches que personne d'autre ne finance. Je pensais naïvement que l'héritage de Lejeune méritait un peu plus d'objectivité, ou au minimum la prise en compte et le rappel des éléments "à décharge". Je me trompais...

Ce billet a été écrit en écoutant le concerto pour violon en ré majeur de Tchaikovsky. 

NB : ce texte ne fait l'objet d'aucun conflit d'intérêt. Je n'ai jamais reçu de financement de la Fondation Lejeune (et pour cause, je ne travaille pas sur des maladies de l'intelligence) ni n'ai eu l'occasion de profiter des consultations spécialisées,  et ce billet n'est commandité par personne. Je pense que cela va sans le dire, mais encore mieux en le disant :-)

mercredi 29 janvier 2014

**** La reprogrammation cellulaire révolutionnée par les cellules STAP

Addendum d'octobre 2014 : il semble de plus en plus clair que les cellules STAP n'existent pas. 

Addendum du 3 juillet 2014 : ces articles ont été rétractés car ils contenaient trop d'erreurs. Nul ne sait à ce jour si les cellules STAP existent ou non !

Nature a mis en ligne deux articles (résumés ici et  ; le reste est payant) et un commentaire en fin d'après-midi. Des chercheurs japonais et américains ont découvert une nouvelle méthode radicalement plus simple pour reprogrammer des cellules chez la souris : ils ont prélevé les cellules juste après la naissance et les ont cultivées dans un milieu légèrement acide pendant 30 minutes pour induire une reprogrammation encore plus complète que pour les cellules iPS ou les cellules souches embryonnaires ; le tout sans aucune des manipulations génétiques requises pour générer des cellules iPS  ! De plus il semblerait que ces cellules, nommées STAP (stimulus-triggered acquisition of pluripotency), retournent à un état quasiment vierge, proche de la totipotence. Elles sont en tout cas capables de produire à la fois les tissus embryonnaires et extraembryonnaires, ce que ni les cellules iPS ni les cellules souches embryonnaires ne peuvent normalement faire. Des souris chimériques générées en partie à partir de ces cellules ont déjà deux ans et semblent parfaitement normales et fertiles.
C'est presqu'incroyable tellement c'est simple, mais il a fallu près de cinq années de travail et plusieurs rejets des articles soumis pour convaincre les évaluateurs. Si cette technique peut être transposée à l'homme, ce sera une révolution rendant probablement les cellules iPS et l'utilisation d'embryons pour la recherche inutiles.
Les spécialistes interrogés par les media britanniques, manifestement mis au courant par Nature avant tous les autres, sont unanimes. À lire ici (en anglais) :
Le Guardian
Le Telegraph
Une vidéo sur le site du Guardian

Un caveat majeur doit être souligné : le risque d'exploiter cette technique pour le clonage comme le souligne le New Scientist.

Merci à Sibellius et son Finlandia, écouté en boucle (!) pendant la préparation de ce billet.