lundi 22 décembre 2008

Des nouvelles des cellules iPS : démonstration de leur potentiel pour découvrir de nouveaux traitements

Les cellules iPS sont à la mode et les résultats tombent à une cadence impressionnante. La revue Nature vient de mettre en ligne un nouvel article qui multiplie les prouesses : reprogrammation de cellules d'un enfant atteint d'une maladie génétique, culture puis redifférenciation en un type cellulaire bien précis, et enfin démonstration de l'effet de certains médicaments utilisés pour traiter cette maladie.

Les auteurs ont réussi à reprogrammer des cellules prélevées chez un patient atteint d'amyotrophie spinale, une maladie qui provoque une dégénérescence des neurones moteurs de la moelle épinière. L'enfant en question est porteur d'une mutation affectant le gène SMN1. Afin d'étudier ces neurones moteurs atteints de la même mutation dans une boîte de petri, il a d'abord fallu reprogrammer des cellules différenciées, dans ce cas des fibroblastes (cellules du tissu conjonctif), avec un vecteur lentiviral contenant les gènes OCT4, SOX2, NANOG et LIN28 selon la technique mise au point en 2007 dans l'équipe de James Thomson (Yu et al, Science, 318, 1917-1920).
Le but étant d'étudier les neurones moteurs issus de ces cellules iPS, les auteurs ont ensuite induit la redifférenciation de ces cellules iPS en neurones moteurs. Ils ont d'abord essayé d'en obtenir par des méthodes classiques. N'y arrivant pas, ils ont mis au point une nouvelle technique que je ne détaillerai pas ici, et qui a permis d'obtenir un nombre important de neurones moteurs ; ils ont alors pu comparer les cellules obtenues à partir du patient avec celles obtenues de la même façon à partir de sa mère (non atteinte par la maladie). Les neurones moteurs issus des fibroblastes du patient reprogrammés puis redifférenciés ont montré des caractéristiques correspondant à des neurones malades, démontrant l'utilité de cette technique pour analyser une maladie au niveau cellulaire.
Enfin, il fallait démontrer qu'on pouvait étudier l'effet de médicaments sur ces cellules. Ce qui fut fait en ajoutant dans le milieu de culture de l'acide valproïque ou de la tobramycine, deux molécules qui pourraient avoir un effet bénéfique pour les patients. Dans les deux cas, les cellules malades ont montré une réponse positive. Ceci démontre que ces neurones moteurs peuvent être utilisés pour tester des molécules dans une boîte de petri, sans recourir à un modèle animal. On peut donc désormais cribler de façon systématique des centaines, voire des milliers de molécules sur ces cellules, avant d'envisager de passer à un traitement du patient lui-même.

Cet article démontre donc l'utilité des cellules iPS pour découvrir de nouveaux traitements en utilisant des cellules qui sont atteintes de la même déficience que celles d'un patient.

samedi 20 décembre 2008

L'autorité de la blouse blanche

Dans une très célèbre expérience réalisée en 1961 Stanley Milgram, qui était alors un professeur assistant à l'Université de Yale, montra que des personnes choisies au hasard étaient prêtes à administrer des chocs électriques à des cobayes humains pourvu qu'un homme en blouse blanche leur donne l'ordre de le faire. Bien sûr, les acteurs jouant le rôle de cobayes ne recevaient aucun choc, mais leurs cris et supplications ne changeaient la plupart du temps rien : 2/3 des personnes testées avaient accepté d'administrer des chocs électriques atteignant 450 volts ! Cette expérience a été répétée dans de nombreux pays et par différentes personnes, et le résultat est toujours similaire.
On pourrait penser que le temps passant, ce genre de comportement de soumission à l'autorité serait moindre. Il n'en est rien : l'expérience vient d'être à nouveau reproduite, avec toujours le même résultat (source).

Les psychologues ont débattu à l'infini sur cette expérience et sur sa validité pour démontrer le degré de "soumission à l'autorité". Pour ma part, je pense davantage à la responsabilité de celui qui détient l'autorité, en particulier lorsqu'il est médecin ou chercheur. Le pouvoir de faire administrer des chocs électriques de 450V à des innocents par les 2/3 de la population devrait faire réfléchir sur les responsabilités prises en d'autres circonstances...

Mise au point sur le diagnostic prénatal à l'usage des parents

Le diagnostic prénatal (DPN) pose des problèmes particuliers en matière d'éthique. Un correspondant de l'Académie Pontificale pour la Vie, le Professeur Carlo Bellieni, directeur de l'unité de soins intensifs néonataux à Sienne en Italie, a fait une mise au point sur le bien-fondé du DPN rapporte l'agence Zenit sur son site en anglais. Elle sera utile non seulement aux médecins mais aussi aux parents.

Bellieni commence par faire une distinction entre diagnostics génétique et non-génétique, les tests génétiques étant souvent purement prédictifs sans objectifs curatifs, alors que les tests non-génétiques permettent des interventions avant ou tout de suite après la naissance.
Bellieni insiste sur le but du DPN qui doit avoir une "intention positive" pour la santé de la mère et de l'enfant. Cette intention positive est trop souvent manquante, comme lors du diagnostic de la trisomie 21. Le DPN est gravement immoral si l'intention est d'avorter en cas de résultat positif. D'autre part l'amniocentèse en elle-même est à évaluer soigneusement car elle fait courir un risque de fausse-couche dans 0,5 à 1% des cas.
D'autre part le DPN peut favoriser la sérénité psychologique des parents. Mais cela ne doit pas devenir une technique utilisée systématiquement afin d'éviter l'apparition d'une mentalité visant à "vérifier la normalité" de l'enfant.
Un autre principe essentiel est que les médecins doivent informer les parents de façon très détaillée sur les risques et avantages des différentes méthodes de DPN. Et si une maladie est détectée, les parents doivent être dirigés vers les spécialistes de cette maladie afin d'être informés des traitements possibles. Il peut également être utile de contacter les associations de patients atteints de cette maladie.

vendredi 19 décembre 2008

Science : la reprogrammation est la découverte de l'année 2008


À la fin de chaque année, la prestigieuse revue américaine Science nous parle des "Breakthrough of the Year". En 2008, Science a choisi... la reprogrammation des cellules différenciées en cellules souches, ou cellules iPS, dont j'ai beaucoup parlé depuis le début de ce blog. Une vidéo présente cette technique révolutionnaire. L'accès à cette section de la revue est gratuit après inscription.
L'éditorialiste de Science, qui n'est autre que Bruce Alberts, notamment auteur d'un célèbre manuel de biologie cellulaire qui en est à sa cinquième édition en 25 ans, souligne :
"The breakthroughs also illustrate that in science, the unknowns are unending. It seems that there will always be mysteries to challenge scientists, because each new finding raises a new set of unanswered questions about the universe. For example, some investigators have recently been able to reprogram adult human cells in culture to produce cells that carry the alterations known to cause a variety of diseases. Others have been able to transform one type of adult cell to another in a living animal. But the conversion frequencies are very low (usually only 1 cell in 10,000 can be reprogrammed). Thus, embedded in the reprogramming breakthrough are critical new questions: What are the factors that currently limit cell reprogramming, and how can they be overcome so that large numbers of cells can be induced to reprogram, rather than a tiny minority?"
Traduction de la dernière phrase : "Donc, incluses dans la découverte de la reprogrammation, se trouvent de nouvelles questions : quels sont les facteurs qui limitent la reprogrammation celluaire, et comment les supprimer afin de pouvoir reprogrammer un grand nombre de cellules, plutôt qu'une petite minorité ?"

Dans un autre article, Science souligne les récentes avancées comme la reprogrammation sans intégration des gènes reprogrammateurs dans le génome, et la possibilité de créer des lignées cellulaires à partir de patients. Ceci permet d'étudier ces maladies à l'échelle subcellulaire en ayant les mêmes cellules que le patient, ce qu'il était impossible de faire auparavant. Il faut également évoquer la transdifférenciation in vivo, et tout ce qu'il faudra encore réussir avant d'avoir des thérapies.

La reprogrammation avait été classée deuxième l'année dernière par Science ; elle est première cette année. Un succès indéniable donc, et qui se confirme d'année en année.

jeudi 18 décembre 2008

Critique du créationnisme

La Revue américaine Homiletic and Pastoral Review vient de mettre en ligne un article sur la lecture du premier livre de la Genèse à la lumière de l'enseignement de Benoît XVI. Bien qu'en anglais, je ne peux que vous suggérer de le lire.
Une citation :
"Cardinal Ratzinger concludes that Genesis does not and cannot provide a scientific explanation of how the world arose. Rather, it is a book that seeks to describe things in such a way that the reader is able to grasp profound religious realities."

Cet article est suivi d'une re-publication d'un texte de Stanley Jaki, docteur en physique et en théologie, un des plus grands historien des sciences vivants à l'heure actuelle, membre de l'Académie Pontificale des Sciences, récipiendaire du prix de la fondation Templeton en 1987, et encore récemment invité à parler à l'occasion de la dernière conférence sur l'évolution qui s'est tenue à Rome début novembre. Son texte est une réponse aux "concordistes" de tous poils.
J'en cite juste la fin :
"It [Genesis] should not be defended under any circumstances as a cosmogenesis, with any reference, indirect as it may be, to science. Its genuinely biblical meaning can, however, be fully defended by that reason whereby, as Genesis I tells us, man is created in the image of Almighty God."

PS : Merci au blog The Deeps of Time d'avoir attiré mon attention sur le premier texte.

Devrais-je lire le Figaro plus souvent ?

Une fois n'est pas coutume, un article intéressant dans ce journal. Il s'agit d'un entretien avec Mgr d'Ornellas, archevêque de Rennes et responsable de la bioéthique au sein de la conférence des évêques, et Alain Grimfeld, professeur de médecine, président du Comité consultatif national d'éthique.

Quelques extraits :

Vous êtes, professeur, un scientifique engagé. Comment avez-vous reçu ce texte d'Église ?
Pr Alain Grimfeld. Je me réjouis de l'accompagnement et de l'attitude de l'Église en ce domaine. La réflexion sur ces problèmes ne doit pas être conventionnelle. Elle ne doit pas non plus être «séquestrée», oserais-je dire, à l'intérieur des familles de pensée, quelles qu'elles soient. Ce texte est un apport important.Même si, en France, il nous reste à ouvrir encore ce débat sur la bioéthique à sa dimension citoyenne, car c'est la société entière qui est concernée.
(...)
Vous n'êtes pas choqué par la série de refus contenue dans cette instruction ?
A. G. Le débat éthique est un débat contradictoire. Je n'ai pas à être choqué et je ne suis pas choqué par les «oui» ou par les «non». J'ai à apprécier la participation de familles de pensée et de familles religieuses à ce débat. C'est essentiel pour un tel débat.
(...)
L'éthique, en dehors de toute considération religieuse, doit-elle aussi savoir poser des «non» ?
A. G. C'est essentiel aujourd'hui, car tout devient possible techniquement,mais pour autant tout n'est pas autorisé ! Et au nom du respect et de la dignité de l'homme, tout ne devra pas être autorisé.
(...)
Vous savez bien que, dans une société, les interdits sont la chose la plus normale du monde. On a interdit l'esclavage, l'exclusion des personnes handicapées et quel est l'éducateur qui ne dit pas non ? Quand des désirs individuels blessent la dignité d'autrui, ne faut-il pas oser dire non ? Ce non n'est pas un interdit mais une profession de l'inaltérable dignité humaine. La recherche, faite avec humanité, ne peut se satisfaire de «oui» qui blessent cette dignité !

Mais cet avis éthique de l'Église catholique a t-il un intérêt particulier ?
A. G. Personnellement, je suis juif et mon épouse est catholique. J'apprécie énormément l'ouverture de l'Église catholique sur la question de la personne humaine. Au-delà d'un agglomérat de cellules organisées en une multitude de fonctions constituant un être humain, il y a une personne. (...)

mardi 16 décembre 2008

La référence qui manquait

J'ai ajouté à mon post du 15 décembre deux références démontrant qu'on peut générer des cellules souches embryonnaires sans détruire un embryon. Je rappelle bien sûr que cela ne change rien à la conclusion de Dignitas personae sur ce point particulier (le numéro 32), mais il est bien dommage que personne n'ait songé à vérifier cela.

Une cellule iPS est-elle totipotente ?

La reprogrammation de cellules différenciées en cellules souches dites cellules iPS n'est pas évoquée dans la récente instruction Dignitas personae comme je l'ai souligné le jour de sa parution. Cette technique pose une problème inédit : on pourrait se retrouver devant une cellule susceptible de donner naissance à un être vivant normal si le processus de reprogrammation est parfaitement réussi. Mais comment savoir si on a atteint cette perfection dans ce processus ? Cela n'est sans doute pas le cas aujourd'hui, mais demain ?
La réponse est simple et cela peut être testée chez les animaux, par exemple une souris. Il suffira en effet d'implanter des cellules de souris qui auront été reprogrammées dans une souris femelle et observer la gestation. La limite aura été franchie le jour où on saura obtenir une descendance chez les animaux à partir de cellules adultes si bien reprogrammées qu'on se trouvera devant des cellules totipotentes, autrement dit des zygotes.
Pour le moment, on sait obtenir des cellules pluripotentes, correspondant à des cellules souches embryonnaires ; cette solution ne pose pas de problèmes éthiques. Mais il est probable que d'ici quelques années on saura obtenir des cellules totipotentes, et Dignitas personae rappelle la condamnation déjà émise dans l'encyclique Evangelium vitae : "l'enjeu est si important que, du point de vue de l'obligation morale, la seule probabilité de se trouver en face d'une personne suffirait à justifier la plus nette interdiction de toute intervention conduisant à supprimer l'embryon humain."

vendredi 12 décembre 2008

Ce qui est inattendu dans Dignitas personae

Pour ceux qui n'auront pas le courage de lire le message précédent dans sa totalité, voici ce qui m'a surpris ou intéressé.

Embryons congelés : aucune des solutions n'est recevable, pas même celle louable de l'adoption prénatale. "Il faut constater que les milliers d’embryons en état d’abandon traduisent une situation d’injustice qui est, de fait, irréparable (...) l’on n’aperçoit aucune issue moralement licite pour le destin humain des milliers et des milliers d’embryons ‘congelés’, qui sont et restent toujours les détenteurs des droits essentiels, et qu’il faut donc sauvegarder juridiquement comme des personnes humaines."

L'utilisation de matériel biologique obtenu de façon illicite. Il s'agit par exemple de lignées cellulaires dérivées de fœtus avortés. Ce problème est trop complexe pour être résumé ici mais je veux souligner un passage concernant les parents : "Par exemple, face au danger pour la santé des enfants, les parents peuvent autoriser l’utilisation d’un vaccin pour la préparation duquel on s’est servi de lignées cellulaires d’origine illicite, restant sauf le devoir de tous d’exprimer leur propre désaccord à ce sujet et de demander que les systèmes de santé mettent à leur disposition d’autres types de vaccins."

Les cellules iPS : ce sont les grandes absentes. Ce passage les concernent-elles ?
"Les objections éthiques soulevées par plusieurs personnes contre le clonage thérapeutique et contre l’utilisation d’embryons humains produits in vitro, ont amené des scientifiques à rechercher de nouvelles techniques, qui sont présentées comme capables de produire des cellules souches de type embryonnaire, sans que cela présuppose cependant la destruction de véritables embryons humains. Ces propositions ont suscité beaucoup d’interrogations au niveau scientifique et éthique, notamment en ce qui concerne le statut ontologique du « produit » ainsi obtenu. Tant que ces doutes ne sont pas clarifiés, on doit tenir compte de ce qu’a déjà affirmé l’Encyclique Evangelium vitae: « l'enjeu est si important que, du point de vue de l'obligation morale, la seule probabilité de se trouver en face d'une personne suffirait à justifier la plus nette interdiction de toute intervention conduisant à supprimer l'embryon humain »".
Mais une note précise : "Les nouvelles techniques de ce genre sont, par exemple : la parthénogenèse appliquée à l’homme, le transfert d’un noyau altéré (Altered Nuclear Transfer : ANT) et les techniques de reprogrammation de l’ovocyte ( l’OAR -Oocyte Assisted Reprogramming)."
Il n'y a donc pas là de condamnation explicite de la reprogrammation de cellules différenciées en cellules iPS. Mais je ne peux que penser que le doute subsiste car on prend le risque de se retrouver devant ce qui pourrait être un embryon.

Dommage pour l'inexactitude scientifique : "Au contraire, le prélèvement de cellules souches d’un embryon humain vivant cause inévitablement sa destruction et il est de ce fait gravement illicite." On sait aujourd'hui prélever une seule cellule d'un embryon de quelques jours sans affecter son développement (encore faut-il que je trouve la référence ad hoc). Cela ne remet nullement en cause la condamnation, mais la critique viendra certainement...

Addendum du 16/12 : cette référence manquante est : Klimanskaya et al, 2006, Nature, 444, 481-485. Dans cet article, les chercheurs ont généré des cellules souches embryonnaires à partir d'un seul blastomère prélevé sur un embryon humain. Cette technique est dérivée de ce qui est utilisé pour le diagnostic pré-implantatoire et de ce qui avait été fait quelques mois plus tôt chez la souris (Chung et al, 2006, Nature, 439, 216-219).

Dignitas Personae

Vous le savez déjà bien sûr, mais la nouvelle instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi Dignitas Personae a été publiée aujourd'hui. Vous pouvez trouver le texte sur le site de La Croix (ici). Un long résumé très détaillé est présenté par Zenit (ici, en anglais).
Il n'y a pas vraiment de surprises dans ce texte qui réaffirme la dignité humaine de la conception à la mort naturelle, principe qui doit fonder toute reflexion éthique. Les techniques ou recherches scientifiques portant atteinte à cette dignité sont donc disqualifiées.
Il est bien inutile que je fasse mon propre résumé, car il faut bien sûr lire ce texte directement. Je me contenterai de quelques remarques.
- L'embryon est-il une personne ? Cette question n'avait pas été tranchée par Donum vitae et ne l'est toujours qu'indirectement : "L’embryon humain a donc, dès le commencement, la dignité propre à la personne."
- Science et Église : "En jugeant de la portée éthique des résultats récents des recherches médicales concernant l’homme et ses origines, l’Eglise n’intervient pas dans le domaine propre de la science médicale en tant que telle, mais elle rappelle à toutes les parties prenantes, la responsabilité éthique et sociale de leurs actes. Elle montre que la valeur éthique de la science biomédicale se mesure par sa référence tant au respect inconditionnel dû à tout être humain, à chaque instant de son existence, qu’à la sauvegarde de la spécificité des actes personnels qui transmettent la vie. L’intervention du Magistère rentre dans sa mission de promouvoir la formation des consciences, en enseignant de manière authentique la vérité qu’est le Christ, et au même moment, en déclarant et en confirmant avec autorité les principes de l’ordre moral découlant de la nature humaine elle-même." Et les dernières lignes de l'instruction " Tous les hommes de bonne volonté, en particulier les médecins et les chercheurs ouverts au dialogue et désireux de parvenir à la vérité, sauront eux aussi comprendre et accueillir ces principes et ces jugements dont la finalité est de protéger la condition fragile de l’être humain dans les premiers stades de sa vie et de promouvoir une civilisation plus humaine."
- Fécondation artificielle homologue : "Concernant l’insémination artificielle homologue, elle [Donum vitae] affirme: « l’insémination artificielle homologue à l’intérieur du mariage ne peut être admise, sauf dans le cas où le moyen technique ne se substitue pas à l’acte conjugal, mais apparaît comme une facilité et une aide afin que celui-ci rejoigne sa fin naturelle »". Toutes les méthodes de fécondation artificielle sont passées au crible de l'association directe entre procréation et acte conjugal.
- Embryons congelés : aucune des solutions n'est recevable, pas même celle louable de l'adoption prénatale. "Il faut constater que les milliers d’embryons en état d’abandon traduisent une situation d’injustice qui est, de fait, irréparable (...) l’on n’aperçoit aucune issue moralement licite pour le destin humain des milliers et des milliers d’embryons ‘congelés’, qui sont et restent toujours les détenteurs des droits essentiels, et qu’il faut donc sauvegarder juridiquement comme des personnes humaines."
- La thérapie génique : "Les interventions sur les cellules somatiques avec des finalités strictement thérapeutiques sont, en principe, moralement licites (...) Il n’est pas moralement admissible, dans l’état actuel de la recherche, d’agir en courant le risque que les dommages potentiels liés à l’intervention génique puissent se transmettre à la progéniture" [thérapie génique germinale]. Est également condamnée l'intervention sur le génome visant à améliorer la dotation génétique sans aucune raison thérapeutique, ce qui relève de l'eugénisme et : "il convient de relever que, dans la tentative de créer un nouveau type d’homme, se manifeste une dimension idéologique selon laquelle l’homme prétend se substituer au Créateur."
- Le clonage : le clonage dit thérapeutique est encore plus grave que le clonage reproductif car "Créer des embryons dans le but de les supprimer, est totalement incompatible avec la dignité humaine, même si l’intention est d’aider les malades, car cela fait de l’existence d’un être humain, même à son stade embryonnaire, rien de plus qu’un moyen à utiliser et à détruire. Il est gravement immoral de sacrifier une vie humaine dans un but thérapeutique."
Il faut ajouter ce passage que je cite en entier : "Les objections éthiques soulevées par plusieurs personnes contre le clonage thérapeutique et contre l’utilisation d’embryons humains produits in vitro, ont amené des scientifiques à rechercher de nouvelles techniques, qui sont présentées comme capables de produire des cellules souches de type embryonnaire, sans que cela présuppose cependant la destruction de véritables embryons humains. Ces propositions ont suscité beaucoup d’interrogations au niveau scientifique et éthique, notamment en ce qui concerne le statut ontologique du « produit » ainsi obtenu. Tant que ces doutes ne sont pas clarifiés, on doit tenir compte de ce qu’a déjà affirmé l’Encyclique Evangelium vitae: « l'enjeu est si important que, du point de vue de l'obligation morale, la seule probabilité de se trouver en face d'une personne suffirait à justifier la plus nette interdiction de toute intervention conduisant à supprimer l'embryon humain »". Une note précise : "Les nouvelles techniques de ce genre sont, par exemple : la parthénogenèse appliquée à l’homme, le transfert d’un noyau altéré (Altered Nuclear Transfer : ANT) et les techniques de reprogrammation de l’ovocyte ( l’OAR -Oocyte Assisted Reprogramming)." Il n'y a donc pas là de condamnation de la reprogrammation de cellules différenciées en cellules iPS.
- Les cellules souches : "En ce qui concerne le jugement éthique, il faut considérer tant les méthodes de prélèvement des cellules souches que les risques résultant de leur utilisation clinique ou expérimentale."
- Les embryons hybrides : "De tels procédés sont, du point de vue éthique, une offense à la dignité de l’être humain, en raison du mélange des éléments génétiques humains et animaux susceptibles de nuire à l’identité spécifique de l’homme."
- Vient enfin le passage que tous les chercheurs catholiques attendaient sur l'utilisation de matériel biologique obtenu de façon illicite. Il s'agit par exemple de lignées cellulaires dérivées de fœtus avortés. Ce problème est trop complexe pour être résumé ici et c'est de loin le point le plus détaillé, sur plus de deux pages. Un passage concerne les parents : "Par exemple, face au danger pour la santé des enfants, les parents peuvent autoriser l’utilisation d’un vaccin pour la préparation duquel on s’est servi de lignées cellulaires d’origine illicite, restant sauf le devoir de tous d’exprimer leur propre désaccord à ce sujet et de demander que les systèmes de santé mettent à leur disposition d’autres types de vaccins."

Le chercheur et le bioéthicien trouveront dans ce texte la réponse à (presque) toutes les questions qui se posent aujourd'hui. Je dis presque car la technique de la reprogrammation en cellules iPS n'est pas explicitement citée. Faut-il se baser sur ce qui est dit du clonage ? Nul doute pourtant que cette technique aurait été citée expressément si elle devait être condamnée. Mais je ne peux que penser que le doute subsiste car on prend le risque de se retrouver devant ce qui pourrait se développer en embryon. Je reviendrai la dessus.
Un autre petit regret : une inexactitude du point de vue scientifique s'est glissée dans la phrase suivante : "Au contraire, le prélèvement de cellules souches d’un embryon humain vivant cause inévitablement sa destruction et il est de ce fait gravement illicite." On sait aujourd'hui prélever une seule cellule d'un embryon de quelques jours sans affecter son développement (encore faut-il que je trouve la référence ad hoc). Cela ne remet nullement en cause la condamnation, mais la critique viendra certainement...

jeudi 11 décembre 2008

Thomson, Jaenisch, Evans, Wilmut : florilège de citations

Ces citations proviennent de la retranscription d’un débat à la Chambre des Lords britannique.

Thomson :
« By any means we test them, they are the same as embryonic stem cells »
« A decade from now this [embryonic stem cell research] will be seen as a funny historical footnote »

Jaenisch : « This demonstrates that iPS cells have the same potential for therapy as embryonic stem cells, without the ethical and practical issues raised in creating embryonic stem cells »

Evans : « This will be the long-term solution »

Wilmut : « Cloning is still too wasteful of precious human eggs, which are in great demand for fertility treatments, to consider for creating embryonic stem cells ».

Thomson ? Le premier à isoler des cellules souches embryonnaires humaines en 1998.
Jaenisch ? Un spécialiste du clonage thérapeutique.
Evans ? Prix Nobel de Physiologie-Médecine 2007 pour son travail sur les cellules souches embryonnaires.
Wilmut ? Le père de Dolly et donc du clonage chez les Mammifères.
Parmi eux, certains sont encore pour les recherche sur les CSE humaines, pourtant...

Pourquoi la recherche sur les cellules souches embryonnaires ?

La question revient sans cesse dans le petit monde des journalistes, blogueurs et spécialistes de bioéthique du monde chrétien : pourquoi certains scientifiques s’entêtent-ils à vouloir travailler sur les cellules souches embryonnaires (CSE) ?
Afin de répondre à cette question, je vais m’appuyer sur une correspondance parue dans la revue Cell Stem Cell le 1er octobre 2007. Elle est signée par des noms prestigieux de la recherche sur les cellules iPS ou les CSE : Hyun, Hochedlinger, Jaenisch et Yamanaka (oui, LE Yamanaka, « proche du Vatican » comme le présente le Salon Beige). Et le titre de cet article ? « New advances in iPS cell research do not obviate the need for human embryonic stem cells ». Pour les curieux, le texte original est en ligne ici.

Les auteurs commencent par résumer les avancées sur les cellules iPS (rappel : l’article date de fin 2007). Mais ils préviennent rapidement : ce serait une grave d’erreur de conclure que les CSE humaines sont devenues inutiles. Ils voient à cela quatre raisons.

1) Les cellules iPS sont trop récentes pour qu’on mise tout sur elles. De plus leur capacité à induire des tumeurs est élevée du fait de l’utilisation de l’oncogène c-Myc lors de leur reprogrammation. Par ailleurs l’utilisation de retrovirus pour introduire les gènes nécessaires à la reprogrammation induit des mutations car l’ADN s’intègre au génome. Il faudra sans doute des années avant de contrôler tout ça alors que les CSE sont disponibles.
Tout ça ne tient plus aujourd’hui : on peut faire de la reprogrammation sans c-Myc, et sans retrovirus, donc sans intégration dans le génome.
2) Les études sur les cellules iPS sont pour le moment restreintes aux souris. Et certains transferts de résultats entre le souris et l’homme ont pris plus de 15 ans, donc la prudence indique qu’il faut continuer la recherche sur les CSE.
À nouveau ils se sont trompés : le transfert a pris moins de deux ans.
3) Si par extraordinaire des cellules iPS humaines étaient finalement obtenues, il faudrait toujours une référence, les CSE étant le seul contrôle disponible pour démontrer que les cellules iPS sont effectivement identiques aux CSE.
On peut leur accorder demi-point. Il est vrai que rien ne remplacera les CSE comme contrôle. Cependant, la simple démonstration que les cellules iPS peuvent se différencier en n’importe quel tissu devrait suffire à établir leur multipotence.
4) Pour observer le début du développement embryonnaire humain, les CSE seront toujours meilleures que les cellules iPS.
Dans l’absolu c’est vrai. D’ailleurs, une cellule iPS qui serait totipotente pourrait donner un être humain tout comme celles issues de fécondation in vitro ou de clonage thérapeutique. Mais pour ce qui est de l'étude du développement précoce, la fécondation in vitro répond à la question (quoiqu'on en pense par ailleurs). Quant aux processus de différenciation, les cellules iPS sont sans doute aussi bien placées.
Leur conclusion : « Donc nous maintenons que la recherche sur les cellules souches humaines est nécessaire dans toutes les directions ». Et l’un des auteurs, qui n’est autre que Yamanaka, s’inspira d’un travail réalisé sur les CSE pour imaginer la reprogrammation de cellules différenciées.
Il est difficile de contredire Yamanaka sur ce point, mais ces travaux auraient tout aussi bien pu trouver leur source dans des recherches sur les CSE de souris.

Pour conclure, sur les quatre points qui étaient légitimes il y a un an (je parle du strict point de vue scientifique, pas éthique), il en reste un demi. Entre temps nombreux sont ceux qui ont décidé d’abandonner la recherche sur les CSE humaines. Citons bien sûr Ian Wilmut, le père de Dolly, mais aussi Martin Evans, prix Nobel britannique 2007 et pionnier de la recherche sur les cellules souches, qui déclare à propos des cellules iPS : « This is the long term solution » (Source). Pendant ce temps, le clonage thérapeutique marche très mal chez les Primates : il a fallu 304 oocytes de 14 singes pour produire deux lignées de cellules souches embryonnaires, dont une avait des anomalies chromosomiques. Et aucune implantation dans une femelle n’a permis d’obtenir un bébé singe malgré 77 tentatives (source).

J’attends la prochaine correspondance sur la nécessité de la recherche sur les CSE humaines. Au rythme où vont les choses, il va bientôt être très compliqué de trouver des arguments sérieux. Il restera toujours cependant le « on ne peut pas fermer une voie prometteuse ». Toute la question est de savoir si elle est toujours prometteuse…

Un bon résumé sur les cellules souches

Le magazine Newsweek a fait un excellent article sur les cellules souches. Pour ceux qui ne peuvent pas lire le texte en anglais, en voici un résumé.

De nombreuses maladies induisent la disparition de cellules que les cellules souches pourraient remplacer. Cependant de nombreux obstacles ont ralenti les résultats ces 10 dernières années. Pourtant en deux ans des progrès spectaculaires ont été réalisés, qui pourraient supprimer le recours aux cellules souches embryonnaires (CSE).
Les CSE ont deux particularités : elles sont pluripotentes, et elles peuvent se diviser presque à l’infini, ce qui est indispensable si on veut régénérer des organes par exemple. Le principal problème des CSE est qu’elles sont difficilement exploitables : pour qu’elles soient - presque - génétiquement identiques, il faut faire du clonage. L’autre source, la fécondation in vitro, produit des CSE qui ne sont pas génétiquement identiques. De plus se pose la question de la destruction d’un embryon.
Les scientifiques utilisent aussi des cellules souches adultes (CSA) comme celles de la moelle osseuse. Cependant, les CSA ne sont pas pluripotentes car elles sont partiellement différenciées, et elles ne peuvent pas naturellement réparer les pertes dues aux maladies.
Une autre solution existe grâce aux travaux de Yamanaka et à la reprogrammation en cellules iPS, d’abord chez la souris en 2006, puis chez l’homme en 2007 (confirmé en même temps par l’américain Thomson). L’avantage est une parfaite identité génétique (même le génome mitochondrial est conservé) et une source intarissable de cellules.
Cela dit, tout n’est pas fini. Malgré quelques exemples chez des rats pour traiter la maladie de Parkinson ou la drépanocytose, les cellules iPS doivent faire leur preuve chez l’homme. D’autre part se pose la question de savoir comment envoyer des cellules souches au bon endroit. Cela sera compliqué pour le cœur par exemple.
Les cellules iPS seront aussi très utiles pour créer des lignées cellulaires porteuses de déficiences génétiques et mieux comprendre ce qui se passe dans ces maladies.
Une autre possibilité est la transdifférenciation d’un type cellulaire différencié en un autre type différencié sans passer par une étape de différenciation. Un exploit de ce type a été réalisé récemment dans des souris diabétiques : des cellules ont été transdifférenciées en cellules produisant de l’insuline.
Le dernier paragraphe fait sourire, je ne peux résister au plaisir de vous le livrer tel quel :
« If there is any lesson to be learned from the breathtaking events of the past two years it is that discoveries are unpredictable. Transforming stem-cell science into stem-cell medicine is the kind of enterprise that requires creativity and patience, and partnerships between universities, government and industry. It is the kind of innovative work at which America excels. Indeed, stem-cell medicine may be one way that American enterprise makes its mark on the future of medical care. »

Il manque les cellules souches du sang de cordon, et quelques autres points mineurs, mais l'essentiel est dit. Et cela confirme le sentiment général : la mode - car elle existe dans la recherche - est aux cellules iPS. Comme d'habitude, la France a une guerre de retard, elle qui envisage d'autoriser le clonage thérapeutique au moment même où cette idée est passée de mode.

dimanche 7 décembre 2008

Suis-je en train de rêver ?

Au détour d'une dépêche de l'excellente agence Zenit, j'ai lu ceci :
"Dans une déclaration diffusée sur Radio Vatican à l'occasion du congrès, Mgr Ravasi a décrit Galilée comme étant le « patron idéal pour un dialogue entre science et foi » ."

Avec tout le respect que je dois à Mgr Ravasi, ne pourrait-on choisir quelqu'un d'autre ? Je propose par exemple (le chanoine) Copernic, ou (le père abbé bénédictin) Gregor Mendel, ou encore (l'abbé) Lemaître (un des pères de la théorie du Big Bang).

Des médecins et des dictatures

Le dernier livre de Xavier Martin, Régénérer l'espèce humaine (DMM, 2008), s'intéresse au rôle des médecins dans l'idéologie des Lumières. Certains ont très bien su utiliser à la fois leurs opinions philosophiques et leurs compétences médicales pour "refaire l'homme". Dans le climat pré révolutionnaire, puis révolutionnaire et post-révolutionnaire, l'homme doit être remodellé pour l'adapteur aux nouveaux principes. Ainsi Martin démontre-t-il la collaboration de certains médecins, et non des moindres, aux pires excès :
"La régénération ne ressortit pas à la médecine douce. Sous la Révolution, c'est ontologiquement qu'elle est "guillotinière". L'adjectif est forgé par le médecin Baudot, zélé conventionnel, qui se disait enclin à faire guillotiner le quart de la population alsacienne (un quart seulement) et qui de surcroît peu affectionné relativement aux juifs, s'était interrogé sur l'opportunité d'"une régénation guillotinière à leur égard". (p102-103).

Je vous invite à comparer ceci avec un article de Richard Evans, historien britannique dans le Daily Telegraph du 2 décembre. En voici quelques extraits :
"As I discovered when researching a history of the Nazis at war, much of what scientists did under the Third Reich was regarded as "normal science", subject to standard protocols of peer review in conferences and journals. The infamous Dr Josef Mengele regarded himself as a normal scientist, held seminars to discuss his experiments, got research funds from the Kaiser Wilhelm Institute in Berlin, and reported regularly to his teacher, the eminent scientist Otmar von Verschuer, on his progress. (...)
"How can we explain such obvious violations of basic medical ethics? How, indeed, did the doctors justify such work? The answer springs from the fact that medicine was both dominant in the world of science under the Third Reich, and closely allied to the Nazi project. By 1939, almost half of all students at German universities were studying medicine; the others were spread across the whole range of other subjects. The Nazis poured resources into medicine, increasing doctors' pay, setting up new health care facilities for "Aryan" citizens, creating large numbers of new jobs in the rapidly expanding armed forces and opening new institutes for "racial hygiene" at many universities. By 1939, around two thirds of all German doctors had some connection or other with the Nazi Party.(...)
What underpinned this behaviour was a widespread belief that some people were less than human, relegated to a lower plane of existence by their inherited degeneracy – or their race. (...).

jeudi 4 décembre 2008

Catéchèse du Pape

La catéchèse de Benoît XVI mise en ligne hier par Zenit évoque la question du péché originel et en particulier le problème que pose la théorie de l'évolution dans ce contexte. Il n'est guère besoin de commentaire. Je soulignerai juste que Benoît XVI a vraiment décidé de s'intéresser de très près à l'évolution, et notamment à tous les problèmes que peuvent poser cette théorie scientifique pour ceux qui décident de la reconnaître comme valide. Après la question de la présence immanente de Dieu dans la création, il a abordé celle du péché originel. Je cite juste la fin :

"(...) Comment cela a-t-il été possible, comment cela s'est-il produit ? Les choses demeurent obscures. Le mal n'est pas logique. Seul Dieu et le bien sont logiques, sont lumière. Le mal demeure mystérieux. On l'a représenté avec de grandes images, comme dans le chapitre 3 de la Genèse, avec cette vision des deux arbres, du serpent, de l'homme pécheur. Une grande image qui nous fait deviner, mais ne peut pas expliquer parce qu'elle est en elle-même illogique. Nous pouvons deviner, pas expliquer ; nous ne pouvons pas même le raconter comme un fait à côté d'un autre, parce que c'est une réalité plus profonde. Cela demeure un mystère d'obscurité, de nuit. Mais un mystère de lumière vient immédiatement s'y ajouter. Le mal vient d'une source subordonnée. Dieu avec sa lumière est plus fort. Et c'est pourquoi le mal peut être surmonté. C'est pourquoi la créature, l'homme peut être guéri. Les visions dualistes, même le monisme de l'évolutionnisme, ne peuvent pas dire que l'homme peut être guéri ; mais si le mal ne vient que d'une source subordonnée, il reste vrai que l'homme peut être guéri (...)".

Le monde fascinant de l’ARN

Après les cellules souches et l’évolution, voici venu le temps d’introduire dans ce blog l’ARN. On en parle moins, mais c’est une révolution tranquille qui se déroule dans les laboratoires avec des découvertes qui ont bouleversé notre vision de cette molécule.
Tout le monde connaît l’ADN (acide désoxyribonucléique), la mémoire de la cellule. Avant de donner une protéine, l’ADN est transcrit en ARN (acide ribonucléique) messager. Cela est connu depuis longtemps. Ce qui a été montré ces dernières années, c’est que l’ARN, c’est beaucoup plus que ça.

L’interférence par l’ARN
Découvert progressivement chez les plantes à partir de 1990, puis confirmé chez le vers C. elegans en 1998, ainsi que la Drosophile et les cellules de Mammifères, l’interférence par l’ARN consiste à éteindre un gène en introduisant dans la cellule une séquence d’ARN double-brin complémentaire du gène en question ; ceci induit la dégradation de l’ARN messager correspondant. On peut donc cibler spécifiquement un gène afin de réduire son expression. C’est une révolution car on peut désormais étudier la fonction des gènes par extinction quasiment dans tous les organismes, et dans tous les types cellulaires. L'ARN par l'interférence a aussi une utilisation thérapeutique potentielle pour réduire l’expression d’un gène mutant par exemple, ou d’un gène surexprimé dans les cellules cancéreuses.

Les microARN
D’autres découvertes, toujours dans les années 90, ont montré l’existence de microARN. Il s’agit de mini-gènes de quelques dizaines de nucléotides qui codent donc des ARN très courts (un gène normal fait plusieurs milliers, voire millions, de nucléotides). Ceux-ci vont également agir sur l’expression des gènes mais cette fois-ci en bloquant leur traduction en protéines.

Les nouvelles fonctions de l’ARN
Ces nouvelles formes de l’ARN ont sans doute leur source dans une défense immunitaire contre les virus produisant à un moment ou à un autre de l’ARN double-brin. Chez les animaux, ils semblent cependant surtout utilisés au cours du développement ; c’est d’ailleurs ainsi qu’ils ont été découverts.
À cela s’ajoute un rôle de plus en plus évident dans le cancer. C’est même devenu très à la mode… De 7 articles en 2002, on est passé à 16 en 2003, 34 en 2004, 97 en 2005, 242 en 2006, 505 en 2007 et déjà 661 en 2008. Il est désormais clair que certains microARN sont des oncogènes, et d’autres des suppresseurs de tumeurs. Et cela en régulant l'expression d'autres gènes.

Bref, vous l’aurez compris, ces petits ARN seront de retour sur ce blog avant longtemps. Bien sûr, leur fonction est déjà étudiée dans les cellules souches...

mercredi 3 décembre 2008

Bilan de cette matinée du colloque de bioéthique

Je ne peux tirer de conclusions que sur la matinée. Elle fut très instructive, et nombres d'interventions furent très pointues scientifiquement, ce qui fut pour moi d'un grand intérêt. À mon sens, la leçon essentielle est que je ne ferai pas confiance au droit car on a bien vu qu'il était contourné dès que possible. Et c'est sans compter les révisions de la loi de bioéthique qui interviennent tous les 5 ans.
Il reste donc deux options. La première est scientifique et basée sur le principe de précaution : ce qu'on se refuse à faire sur des plantes, pourquoi le faire chez l'homme ? Et si on ne peut pas scientifiquement définir une personne humaine dès la fécondation, au minimum doit-on le bénéfice du doute à cet embryon humain.
La deuxième option est philosophique et théologique : comment peut-on vraiment penser qu'un embryon est non humain puis soudain humain ? Le vrai regard évoqué par Mgr d'Ornellas est certainement celui qui voit la personne humaine là où la science prétend qu'elle ne peut rien voir.

mardi 2 décembre 2008

Philippe Anthonioz ; Professeur au CHU de Tours

Le Pr Anthonioz commença par présenter le développement embryonnaire. Il rappela quelques concepts de base tels que la différence entre la fécondation, qui prend 2h [en comptant large] et la conception qui se termine selon lui à la première division zygotique, donc après 24-36h. La diversité génétique provient de la gamétogenèse, au cours de laquelle les chromosomes s'échangent des portions d'ADN, assurant un brassage génétique par "crossing-over". Le temps de la conception (24-36h) est celui du zygote, et Anthonioz insiste sur le statut filial de ce zygote car descendant d'un père et d'une mère. Il évoqua ensuite un "moteur inconnu" qui permet au zygote de commencer à vivre de façon autonome alors que son génome est encore inactif [voir un commentaire à ce sujet plus loin]. Le génome ne devient actif qu'au stade 8 cellules.
Anthonioz passa à la suite du développement embryonnaire en insistant sur sa continuité : toute frontière introduite dans ce développement est artificielle. Par exemple la transition embryon-fœtus est supposée se faire à la fin de la 8ème semaine, mais c'est loin d'être précis.
Il acheva son intervention par des réflexions sur la personne de l'embryon, sa nature et ses fonctions : "la nature est fondamentale mais les fonctions varient". Il présenta ensuite ce qu'il appelle son modèle cellulaire favori qu'il enseigne à ses étudiants et qui se présente comme suit :
Noyau = reproduction = structure = soi = identité embryonnaire = identité de la personne
Cytoplasme = nutrition = fonction = moi = développement embryonnaire = potentialité
Membrane = relation = sens = je = avenir embryonnaire = reconnaissance de la personne.
En guise de conclusion, il cita Tertullien : "Il est déjà un homme celui qui le sera".

Commentaire
Je n'ai pas du tout compris son allusion à un "moteur inconnu" pendant le temps du zygote. Il n'y a aucun mystère là dedans et la réponse se trouve dans le cytoplasme de l'oocyte qui devient celui du zygote (le spermatozoïde n'apporte guère que de l'ADN). C'est donc celui d'une cellule pleinement fonctionnelle et il n'est pas besoin de faire appel à un moteur inconnu. Cela est d'ailleurs fort bien démontré par sa théorie cellulaire. Je vous invite à relire la ligne concernant le cytoplasme car elle répond à la question du moteur ; il suffit de considérer que ce moteur a été mis en place lors de la formation de l'oocyte.
Cette critique mise à part, ce fut une excellente mise au point sur le développement embryonnaire. Et sa théorie cellulaire est tout à fait séduisante comme mode de compréhension du fonctionnement d'une cellule.

Nicolas Mathey ; enseignant à l'Université d'Évry

Mathey présenta son intervention ainsi : "En bon juriste, il y aura un réquisitoire contre les cellules souches embryonnaires, puis une plaidoirie en faveur des autres techniques".
Son réquisitoire fut effectivement surtout axé sur le droit. Les recherches sur les cellules souches embryonnaires sont contraires à la loi naturelle, mais aussi à la loi civile comme il le démontre ensuite. En effet, ces recherches ont été autorisées à titres dérogatoires et exceptionnels en 2006 en vertu de promesses thérapeutiques qui n'ont pas été tenues. Il ne devrait donc plus y avoir d'autorisations pour ce type de recherche en France à l'heure actuelle.
La plaidoirie fut faite en faveur des cellules du sang de cordon ombilical, des cellules souches adultes et des cellules reprogrammées (iPS). [Ce sujet étant souvent traité sur ce blog, je ne reprendrai pas tous les arguments qui sont connus, ou qui peuvent être trouvés en parcourant ce blog ou d'autres]. Il rappela en particulier que les cellules du sang de cordon ont aujourd'hui plus de 80 indications thérapeutiques.

Commentaire
Le "en bon juriste" du début a un peu découragé le scientifique que je suis, d'où un compte-rendu succinct. J'espère que le lecteur, et surtout M Mathey, me pardonneront...

Pierre-Olivier Arduin ; directeur de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon

Dans la première partie de son exposé, Pierre-Olivier Arduin a rappelé que dans Donum vitae, l’Église a commencé par définir ce qu’est un embryon humain avant de préciser ce qu’il était licite ou non de faire. À contrario, les lois de bioéthique se sont lancé dans l’encadrement de pratiques sans jamais se poser la question fondamentale de savoir ce que c’est que l’embryon. Il fut poser comme principe que ni la religion ni la morale ne permettait de réunir tout le monde ; il y aurait donc un aspect pratique dans cet encadrement, sous-entendu les règles seraient relatives, et aucun principe absolu ne serait posé.
Arduin s’est ensuite intéressé à ce que Jean-Paul II avait dit sur le génome : « Le génome apparaît comme l’élément structurant et constructif du corps en ses caractéristiques tant individuelles qu’héréditaires : il marque et conditionne l’appartenance à l’espèce humaine, le lien héréditaire et les notes biologiques et somatiques de l’individualité. Son influence dans la structure de l’être corporel est déterminante dès le premier instant de la conception jusqu’à la mort naturelle. C’est sur la base de cette vérité intérieure du génome, déjà présente au moment de la procréation où les patrimoines génétiques du père et de la mère s’unissent, que l’Eglise s’est donnée pour tâche de défendre la dignité humaine de tout individu dès le premier instant où il surgit » (Jean-Paul II, Message pour la 4ème Assemblée générale de l’Académie Pontificale pour la Vie, 24 février 1998). Mgr Sgreccia, alors président de cette Académie, s’était inspiré de ces réflexions pour condamner la création d’embryons hybrides au nom du respect du génome humain.
Le message suivant fut que « l’Église fait confiance à la science ». En effet, l’Église s’appuie sur la vraie science afin de disqualifier les falsifications. Un exemple est la réaction de l’Église face aux cellules souches embryonnaires ; dès 1998 elle appela à chercher des moyens de faire ces recherches sans avoir recours aux cellules souches embryonnaires. Or cela est aujourd’hui possible avec les cellules souches adultes, celles du cordon ombilical ou encore avec la reprogrammation.
Enfin il posa la question de l’embryon humain, personne ou non ? Je le cite « La science n’épuise pas la raison humaine, et n’est pas le tout de la raison humaine ». En effet se pose le problème de la reconnaissance de l’âme spirituelle qui ne peut être testée scientifiquement. Ensuite vient le problème du moment de l’animation : quand l’âme est-elle créée par Dieu ? Cette question n’étant pas tranchée, il recommande fort justement l’application du fameux « principe de précaution ».

Mgr Suaudeau ; Académie Pontificale pour la Vie

Dans une très brillante intervention, Mgr Suaudeau a voulu montrer que le développement embryonnaire est essentiellement dû à des phénomènes épigénétiques, bien plus qu’au déroulement d’un programme génétique préétabli. Sa conclusion : « Le développement embryonnaire est épigénétique ».
Par épigénétique, on entend des modifications de la structure de l’ADN et de la chromatine qui permettent de réguler l’expression des gènes. Le rôle essentiel de l’épigénétique est démontré par le clonage de Dolly, et tous ceux qui ont suivi. En effet le simple fait de placer le noyau d’une cellule différenciée dans un environnement dédifférencié, à savoir le cytoplasme d’un oocyte, suffit à reprogrammer ce noyau pour lui redonner sa totipotence. Il n’y a aucune modification du génome au sens de mutations, mais plusieurs dé-modifications de la structure de l’ADN (dé-méthylation des ilôts CpG, dé-acétylation des histones, etc). Je cite « Le clonage nous a ouvert les yeux sur le processus de reprogrammation ». Cependant, le clonage marche mal car la reprogrammation est imparfaite ; en effet, le noyau d’une cellule différencié n’est pas du tout préparé à être reprogrammé par l’oocyte où il va être placé.
Dans la deuxième partie de son exposé, Mgr Suaudeau s’est attaché à montrer qu’il fallait quitter la vision du tout-génome où se déroule un plan pré-établi strictement déterminé par les gènes dont on hérite, pour une vision épigénétique du développement embryonnaire. Il a fait appel à un principe « fort et souple » qui permet d’organiser le groupe de cellules qu’est un embryon précoce. On passe de l’ADN roi à la notion d’organisme : « Tout se passe comme si ce principe directeur existait réellement ». Ce principe directeur, qu’il voit dans l’épigénétique, permettrait également d’expliquer l’évolution.

Commentaire
De cette brillante intervention, il ne faudrait pas conclure que la notion de programme génétique est morte. Une preuve souvent dramatique se trouve dans les maladies génétiques. Nulle épigénétique ne permettra d’empêcher la développement de la maladie de Huntington si vous êtes porteur des répétitions de tri-nucléotides affectant le gène impliqué dans cette maladie.
D’autre part, Mgr Suaudeau est resté un peu évasif à mon sens sur sa notion de principe directeur. Ce principe est-il purement biologique ? Il n’y aurait dans ce cas aucun mystère dans l’épigénétique. Ou bien est-ce une forme de vitalisme bergsonien ? Ou encore, doit-on y voir la présence de Dieu dans sa création comme le rappelait Benoît XVI récemment dans son message à l’assemblée générale de l’Académie Pontificale des Sciences consacrée à la question de l’évolution ?

Le colloque de bioéthique à Rennes le 25 novembre 2008

J'ai pu assister à la première partie de ce colloque. Je vous rapporte ce que j'ai pu noter. Il est bon de savoir que certaines de ces interventions sont en ligne. Je ne les ai pas ré-écoutées donc un auditeur attentif trouvera sûrement plus de matière en écoutant lui-même ces interventions.

Mgr d'Ornellas ; Archevêque de Rennes ; Responsable du groupe de travail "bioéthique" de la Conférence des Évêques de France

Mgr d’Ornellas a ouvert le colloque en nous invitant à voir et à regarder « celui dont les jours ne sont pas encore comptés ». Il a commencé en s’appuyant sur une lettre de Jean-Paul II aux évêques de mai 1991 pour le centième anniversaire de Rerum novarum.Dans cette lettre le pape expliquait que de même que Rerum novarum avait attiré l’attention sur la classe ouvrière que personne ne « regardait », aujourd’hui il fallait savoir regarder ceux qui sont opprimés. Et parmi ceux-ci, Mgr d’Ornellas place bien sûr les embryons humains.
Que doit être ce regard ? Jean-Paul II évoquait le regard contemplatif qui naît de la foi en Dieu. Dans Deus caritas est, Benoît XVI dit aussi que le regard véritable naît de l’amour. Et Mgr d’Ornellas continue : « La toute puissance de Dieu réside dans son regard capable de voir le tout petit ». Il faut apprendre à « scruter », à voir ce que l’autre ne voit pas. Et pour cela il faut se mettre à la hauteur de l’autre.
Puis Mgr d’Ornellas s’est appuyé sur le psaume 139 qui évoque directement la vie de l’embryon : « Tu m’as tissé dans le ventre de ma mère (…) tes yeux voyaient mon embryon (…) Aucun de mes jours n’était encore compté ». Ceci permet d’illustrer le regard de Dieu qui voit ce qu’on ne peut voir.
Pour conclure, il a insisté sur l’étude de l’Écriture sainte et l’utilisation de toutes les ressources de la raison humaine afin de rentrer dans le regard de Dieu. En un appel aux scientifiques, il a affirmé leur rôle essentiel afin d’aider l’Église à « entrer dans le regard qui permet de voir celui dont les jours ne sont pas encore comptés ».

L’évolution dans un tube à essai

Le laboratoire « Experimental Evolution » de Richard Lenski à la Michigan State University a lancé en 1988 une expérience originale. Il s’agit en effet de cultiver des bactéries pendant des milliers de générations afin de voir ce qui se passe en terme de variations. Ils ont dépassé cette année les 45.000 générations. Cela a consisté à prendre douze populations identiques au départ, puis à les cultiver en les repiquant chaque jour. Tous les 75 jours, c’est-à-dire toutes les 500 générations environ, des échantillons sont congelés afin de pouvoir étudier les différences apparues entre temps.
Une particularité de ces cultures est que les bactéries sont incapables d’utiliser le citrate comme source de carbone dans les conditions utilisées. Cette équipe a ensuite cherché l’apparition d’une souche capable d’utiliser le citrate. Le résultat a été publié dans la revue PNAS il y a quelques mois : il a fallu attendre plus de 31.500 générations pour obtenir une telle variation naturelle. Et cette souche a pu être obtenue grâce à au moins deux mutations (sans doute plus en réalité) qui se sont additionnées au cours du temps ; la première mutation facilitant cette adaptation à l’usage du citrate a pu être localisée entre la 15.000ème et 20.000ème génération.

La figure montre le très clair avantage adaptatif induit par cette capacité nouvelle à utiliser le citrate : en rouge on a la croissance de la souche pouvant utiliser le citrate et en bleu une souche qui ne peut pas le faire. De façon intéressante, la population bleue ne disparaît pas dans cette nouvelle souche. En effet la population rouge peut utiliser le citrate mais est moins efficace dans le métabolisme du glucose que la population bleue. D’où un fascinant exemple d’évolution dans un tube à essai d’une souche de bactéries en deux populations, l’une pouvant se nourrir de citrate et l’autre pas. Il reste maintenant à ces chercheurs à identifier les variations génétiques ayant permis cette adaptation.