jeudi 23 avril 2009

Le plan Bush contre le SIDA aurait-il permis de sauver 1,2 million de vie ?

Ce texte m'a été envoyé par un mystérieux "Professeur Bergamotte" qui s'intéresse davantage que moi aux revues médicales puisqu'il est médecin. Il a déniché un article qui méritait un commentaire et m'en a fort obligeamment communiqué un que je me fais une joie de publier. Qu'il n'hésite pas à intervenir dans le futur ! Et si d'autres chercheurs ou médecins ont le clavier qui les démange sur des sujets proches de ce que je publie moi-même, n'hésitez à me communiquer votre texte.

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En 2003, l'ancien président des États-Unis lançait un très ambitieux programme de lutte contre le SIDA nommé PEPFAR (President's Emergency Plan For AIDS Relief). Après quatre années et plus de 10 milliards de dollars dépensés, il était temps de faire le point. C'est ce qu'on fait deux universitaires de l'Université de Stanford (Californie), Eran Bendavid et Jayanta Bhattacharya. Le résultat a été publié le 6 avril dans la revue Annals of Internal Medicine. Précisons que la revue a un facteur d'impact élevé (autour de 15), donc cette étude est à priori sérieuse ; d'autre part les auteurs ne semblent pas être des adhérents du Grand Old Party. Curieusement cette étude n'a pas fait la une des journaux, bien qu'elle soit fort intéressante.
Pour les paresseux, allons directement aux conclusions de l'étude : le PEPFAR aurait permis de sauver 1,2 million de vie en diminuant la mortalité due au SIDA. En revanche il n'aurait eu aucun impact sur la prévalence de l'infection par le VIH.

Qu'est-ce que le PEPFAR ?
Pour ceux qui sont encore intéressés, passons maintenant aux détails. Tout d'abord, qu'est-ce que le PEPFAR ? Suite à une conférence onusienne de 2001, Bush décida d'apporter pas moins de 15 milliards de dollars à 15 pays dont 12 africains, en visant à la fois la prévention, les traitements et les soins médicaux. Ces pays furent sélectionnés sur leur engagement à lutter contre le SIDA, mais aussi sur la base de leur volonté à collaborer avec les États-Unis. Près de la moitié de cet argent est allé aux traitements antiviraux et aux infrastructures, et environ 20% à la prévention. Sur ces 20%, un tiers (ce qui représente environ 15 millions de dollars par pays et par an, à comparer aux 100 millions consacrés aux traitements) allait à des programmes exclusivement basés sur la promotion de l'abstinence. Le but original était de procurer des médicaments antiviraux à 2 millions de malades, et d'empêcher 7 millions de contaminations par le VIH sur cinq ans. En juillet 2008, le congrès a prolongé le plan de cinq ans en votant un budget de 48 milliards de dollars. Même si le dollar n'est plus ce qu'il était, cela représente des sommes impressionnantes.

La méthodologie
Les deux auteurs ont comparé des pays d'Afrique sub-saharienne, mettant dans un premier groupe ceux qui avaient bénéficié du PEPFAR, et dans un deuxième groupe les autres. N'ont été pris en compte que ceux pour lesquels des données épidémiologiques fiables étaient connues, et où l'épidémie était "généralisée", à savoir une prévalence supérieure à 1% dans les maternités et un mode de transmission essentiellement hétérosexuel. Les chiffres sur l'infection par le VIH et la mortalité due au SIDA proviennent de l'ONUSIDA (UNAIDS). La période 1997-2002 fut choisie comme référence "avant PEPFAR", puis la période 2004-2007 comme étant celle où le PEPFAR était en place. Trois critères furent retenus ; prévalence du VIH chez les adultes, mortalité due au SIDA, et le nombre total de personnes séropositives ou ayant le SIDA.

Les résultats
Tout d'abord, quel est l'effet du PEPFAR sur la mortalité due au SIDA ? En comparant les deux groupes de pays, on obtient une baisse de 10,5% dans le premier groupe, celui recevant le PEPFAR, comparé au groupe contrôle. Il semble donc que l'argent investi dans les programmes thérapeutiques et les infrastructures ont eu un impact très positif, d'autant plus que la différence a tendance à s'accentuer avec le temps.
En revanche, les autres indicateurs sont neutres. Le nombre total de personnes séropositives ou ayant le SIDA ne montre aucune différence statistiquement significative sur la période 2004-2007 entre les deux groupes de pays. On pourrait cependant argumenter qu'il doit y avoir un impact, car la baisse de la mortalité évoquée ci-dessus dans les pays recevant l'aide du PEPFAR pourrait masquer une baisse du nombre de nouveaux séropositifs. Mais il n'en est rien si on en juge par la prévalence du VIH (le troisième indicateur) qui ne montre pas non plus de différence, avec un déclin similaire dans les deux groupes. Cependant les auteurs indiquent qu'un effet sur la prévalence pourrait demander plus de quatre années de PEPFAR, et donc constituer un indicateur à surveiller de près pour les prochaines évaluations.

Conclusion
Comme je le disais au début (je me demande combien de lecteurs iront jusqu'ici), le principal succès du PEPFAR est à mettre sur le compte des thérapies antivirales et de l'amélioration des infrastructures qui auraient permis de sauver 1,2 million de vies. En revanche, aucun impact, ni négatif ni positif, ne peut être attribué pour le moment aux programmes de prévention, qu'ils soient basés sur l'abstinence uniquement, ou sur la formule ABC (abstinence, fidélité, préservatif). On peut donc en conclure que ces programmes ne sont en tout cas pas plus mauvais que ceux consistant essentiellement à distribuer des préservatifs.

PS : merci à AB d'accueillir ce texte sur son site.

lundi 20 avril 2009

Le point sur la recherche sur l'embryon aux États-Unis : des surprises...

Les "National Institutes of Health" ont publié en fin de semaine dernière une première version des textes qui vont régir la recherche sur l'embryon avec des fonds fédéraux suite aux décisions du président Obama. C'est une surprise : ni le clonage, ni la création d'embryons à des fins de recherche ne seraient autorisés, pas plus que les cybrides, ces embryons créés à partir de sperme humain pour féconder des oocytes non humains, ou les parthénotes, oocytes stimulés de façon à mimer une fécondation . Ne seraient concernés "que" les embryons produits par fécondation in vitro (FIV) et ne faisant plus l'objet d'un projet parental (selon l'expression consacrée). Restriction supplémentaire, aucune publicité ne pourra être faite, ce sera un don gratuit, et seuls les embryons que les parents donneront d'eux-mêmes pourront être utilisés : "Parents would have to voluntarily donate the embryos, without inducements and without researcher influence" précise le compte-rendu de Nature. L'objectif avoué est de gagner l'adhésion d'une large part de l'opinion publique en restant très en-dessous des espoirs de certains qui pensaient ne plus avoir aucune limite éthique dans leurs recherches.
Ceci n'est pas du goût de tout le monde, en particulier des avocats du clonage, ou de la FIV faite seulement dans des perspectives de recherche. Autre conséquence inattendue : certaines lignées de cellules souches embryonnaires autorisées par Bush seront désormais exclues, car les embryons dont elles proviennent n'auront pas été obtenus selon les nouvelles règles (Source : Washington Post).
S'ouvre maintenant une période de consultation de 30 jours, à la fin de laquelle ces textes seront revus et modifiés pour tenir compte de la consultation. Tout cela ne règle bien sûr en rien le problème éthique crucial de faire de la recherche sur un embryon humain, mais on peut dire que vu ce qui aurait pu être autorisé, on a peut-être évité le pire.

Et en France ?
Comme les lecteurs de ce blog (et d'autre sources !) le savent, nous débattons en ce moment même en France de tous ces sujets. Si les États-Unis d'Obama jugent inutiles le clonage et la création d'embryons pour la recherche, on voit mal pourquoi la France, et d'autres pays, pourraient autoriser ces procédures...

jeudi 16 avril 2009

Qu'est-ce que l'embryon ?

La réponse sur le blog de l'Église catholique, par Henri Bléhaut, directeur de recherche à la Fondation Lejeune, spécialiste de la trisomie 21, auteur notamment de "Trisomie 21 , Guide à l'usage des familles et de leur entourage".
Si je puis me permettre une légère critique, l'auteur ne parle pas du rôle de l'épigénétique, ce qui est un peu dommage. On pourra voir ici un résumé du point de vue de Mgr Suaudeau sur la même question.

mardi 14 avril 2009

Stanley Jaki, RIP

Stanley Jaki est mort mardi dernier, le 7 avril 2009. C'était un moine bénédictin étonnant, membre honoraire de l'Académie Pontificale des Sciences, docteur en théologie et en physique - doctorat en physique obtenu neuf ans après avoir été ordonné prêtre -, spécialiste reconnu des relations entre la religion et la science - il a reçu le prix de la Fondation Templeton en 1987 -, grand historien des sciences, et auteur de plus de quarante livres.
C'était par exemple le re-découvreur de Pierre Duhem, grand physicien français, également historien des sciences et notamment auteur d'une monumentale histoire de la physique en dix volumes chez Hermann. Il existe une traduction française de la biographie de Duhem par S. Jaki (Beauchesne, 1997).
Il avait été récemment invité lors de l'assemblée plénière de l'Académie Pontificale des Sciences (voir ici) qui se réunissait sur le thème suivant : « Scientific Insight into the Evolution of the Universe and of Life ».
Les anglophones peuvent aller voir sur le site du New York Times.

vendredi 10 avril 2009

Bientôt de nouveaux remèdes contre le palu ?

Le paludisme, ou malaria, est provoqué par un parasite appelé Plasmodium falciparum qui se reproduit dans les hématies (globules rouges). Il est transmis par des piqûres d'insectes, en l'occurrence l'Anophèle femelle. Cette infection parasitaire est la plus fréquente au monde et cause la mort de un à trois millions de personnes chaque année, principalement en Afrique et surtout des enfants de moins de 5 ans. De plus toute personne affectée subit des crises de palu tout au long de sa vie lorsque la première infection n'a pas été traitée.
La lutte contre le paludisme se fait soit en essayant d'éradiquer le moustique porteur du parasite, soit en traitant les malades. Malheureusement, certaines souches de Plasmodium sont devenues résistantes à de nombreux traitements qui incluent la chloroquine et la quinine.

Comment marchent ces traitements ?
En se logeant dans les hématies, Plasmodium dégrade l'hémoglobine dont il se sert comme source de nourriture. Mais le fer piégé dans le noyau "hème" de cette protéine est toxique pour lui et il doit donc le convertir en une forme non toxique et fait cela dans sa vacuole digestive qui est acide. Les drogues classiques neutralisent le pH acide de la vacuole digestive et empêchent ainsi cette détoxification du fer par le parasite qui finit par mourir. Mais celui-ci peut développer des mécanismes de résistances en empêchant ces drogues d'atteindre leur vacuole digestive.

Le T3.5, une molécule à double action
C'est en recherchant des molécules qui supprimeraient cette résistance aux drogues classiques que des chercheurs américains de l'Université de Portland (Kelly et al, Nature) sont tombés sur une molécule de la famille des acridones et appelée T3.5 [3-chloro-6-(2-diethylamino-ethoxy)-10-(2-diethylamino-ethyl)- acridone pour être plus précis]. Cerise sur le gâteau, ils se sont aperçus que le T3.5 est également capable d'agir directement contre Plasmodium en le tuant. Des études préliminaires menées sur des souris parasitées par différentes espèces de Plasmodium et traitées à la T3.5 ont montré une absence de toxicité de cette molécule pour les souris, tout en réduisant considérablement voire éliminant totalement les parasites présents.

Le FR235222, un peptide produit par des champignons filamenteux
Une équipe française (Bougdour et al, JEM) a quant à elle utilisé une approche très différente, et identifié une molécule qui pourrait cibler non seulement Plasmodium, mais aussi Toxoplasma, qui sont tous les deux des Protozoaires, c'est-à-dire des organismes unicellulaires. Une des façons de les cibler simultanément est de viser le profil d'expression de leurs gènes. Pour cela, on s'intéresse notamment aux modifications épigénétiques de l'ADN par des protéines appelées HDAC, et à leur contrôle, grâce à des molécules qui vont modifier l'activité des HDAC. Parmi celles-ci, les chercheurs se sont intéressés à un petit peptide appelé FR235222, issu d'un champignon du genre Acremonium. L'ajout de ce peptide dans une culture de parasites permet de limiter leur prolifération, voire de les éliminer. Contrairement au T3.5, le FR235222 n'a pas encore été testé in vivo dans des souris infestées par Plasmodium ou Toxoplasma.

LRIM1 et APL1C, deux protéines de l'Anophèle contre Plasmodium
Pour finir, nous nous tournerons vers une étude plus fondamentale mais qui concerne toujours le paludisme. Plasmodium étant transmis par le moustique Anophèle, une équipe britannique (Povelones et al, Science) s'est penchée sur les possibles mécanismes de lutte anti-Plasmodium chez l'Anophèle. Ils ont identifié deux protéines, LRIM1 et APL1C qui peuvent se lier à une troisième protéine appelée TEP1 et l'activer, la rendant capable de cibler Plasmodium et d'induire sa destruction. TEP1 ressemble elle-même beaucoup à un élément du système du complément qui est impliqué dans l'immunité chez les Mammifères et chez l'homme. C'est donc une cascade d'activation du système immunitaire inné que ces chercheurs ont découverte chez l'Anophèle.

Sources
Articles
Kelly et al, Nature, AOP, doi:10.1038/nature07937
Bougdour et al, JEM, AOP, doi:10.1084/jem.20082826
Povelones et al, Science, 324, 258 - 261

Commentaires
Science
Nature

En 1991, Montagnier disait la même chose qu'Edward C. Green aujourd'hui

Dans un entretien accordé au journal Le Monde et paru le 1er décembre 1991, le prix Nobel de physiologie-Médecine 2008 déclarait :
"Il s'agit là de problèmes de comportement de société. Le pouvoir politique est mal à l'aise dans cette affaire. Je pense notamment que les télévisions pourraient, devraient, faire beaucoup plus en matière préventive. J'estime aussi que l'on a trop exclusivement mis l'accent sur le rôle du préservatif masculin. Je souhaiterais des campagnes basées sur le thème : " Vous êtes responsable ! Ne faites pas l'amour avec un partenaire inconnu ", " Si vous aviez chacun moins de cinq partenaires sexuels dans votre vie, l'épidémie de sida s'éteindrait... "

Certes Montagnier, resté remarquablement silencieux pendant la tempête qui s'est déchaînée contre le Pape, ne dit pas que le préservatif aggrave le problème du SIDA. Mais dès 1991, il considérait qu'on mettait trop le préservatif en avant et pas assez les changements de comportement. Exactement la même position qu'Edward C. Green aujourd'hui. Quand donc commencera-t-on à les écouter, ces prix Nobel et ces spécialistes reconnus de l'épidémiologie du SIDA à Harvard ?

Une tribune libre du Monde à lire absolument
Une tribune libre intitulée "Le discours de Benoît XVI sur le préservatif est tout simplement réaliste"a été publiée hier dans Le Monde. Elle est signée par :
Tony Anatrella, psychanalyste, spécialiste en psychiatrie sociale et consulteur du conseil pontifical pour la santé ;
Michele Barbato, gynéco-obstétricien de Milan, président de l'Institut européen d'éducation familiale ;
Jokin de Irala, médecin épidémiologiste, docteur de l'université du Massachusetts, coauteur du livre "Avoiding Risk, Affirming Life", à paraître aux Etats-Unis, directeur adjoint du département de médecine préventive et de santé publique à l'université de Navarre, Espagne ;
René Ecochard, professeur de médecine, épidémiologiste, chef de service de biostatistique du CHU de Lyon ;
Dany Sauvage, présidente de la Fédération africaine d'action familiale.

lundi 6 avril 2009

Quelques mises au point

Je voudrais clarifier un certain nombre de choses lues ça et là, notamment sur des blogs catholiques.

La porosité des préservatifs
Non, les préservatifs ne sont pas poreux. Même l'eau, qui est pourtant une molécule autrement plus petite que le VIH, ne passe pas à travers. C'est une expérience assez simple à faire pour ceux qui voudraient vérifier. La fiabilité du préservatif est de 98% en conditions idéales, plutôt de l'ordre de 85% en temps normal, le tout sur un an. Cela s'explique par une mauvaise utilisation, des accidents "techniques" ou des oublis, tout simplement.

La "stérilité" induite par le maïs transgénique MON810-NK603
En novembre de l'année dernière j'avais fait le point sur une étude rapportant un effet de ce maïs sur la fécondité des souris en condition de stress. Gènéthique rapporte que l'AFSSA confirme ce que je soupçonnais, à savoir que ce travail présente de grandes faiblesses, pour ne pas dire qu'il ne vaut pas grand-chose "l'étude autrichienne présente d'importantes faiblesses, tant au niveau de la démarche expérimentale utilisée, qu'au niveau des interprétations des résultats, basés, pour certains, sur des calculs erronés." Soit dit en passant cette fameuse étude n'est toujours pas publiée dans une revue scientifique avec comité de lecture. Cela ne signifie pas que ce maïs, qui n'est pas le MON810 mais un maïs doublement modifié, soit sans danger pour la santé, mais jusqu'à preuve du contraire...

Les malformations et la fécondation in vitro
On nous a annoncé il y a quelques jours que les naissances suite à une fécondation in vitro (FIV) comportaient une augmentation de 30% des malformations affectant les nouveaux-nés (source). Ce chiffre a été publié en Angleterre après une étude tout à fait sérieuse de la Human Fertilisation and Embryology Authority. Ce qu'ont oublié de signaler beaucoup de sites rapportant cette nouvelle, c'est que cela fait passer ces malformations affectant des nouveaux-nés de 2% à 2,6%. Tout de suite, cette augmentation paraît moins spectaculaire bien sûr.
Il faudrait pourtant se souvenir que les couples qui ont recours à la FIV sont stériles. Il y a donc de grandes chances qu'ils soient porteurs de mutations qui induisent soit une stérilité complète soit une grande difficulté à concevoir naturellement. Cette augmentation est donc sans doute davantage due au patrimoine génétique des parents ou à leur âge (plus élevé en moyenne que pour des conceptions naturelles) plutôt qu'à la technique de la FIV elle-même
Qu'on me comprenne bien : je ne remets nullement en cause le jugement de l'Église sur la FIV. Mais il vaut mieux éviter d'utiliser ce genre d'arguments pour condamner une technique : que dira-t-on le jour où elle sera plus fiable que la conception naturelle ? Il vaudrait mieux se focaliser sur des arguments moraux tels que le lien entre fécondité et sexualité, ou bien le devenir des embryons surnuméraires.

vendredi 3 avril 2009

Parce qu'un schéma vaut mieux qu'un long discours














Les cellules souches embryonnaires sont obtenues à partir de blastocystes qui sont de jeunes embryons. Les cellules iPS sont des cellules différenciées qui ont été reprogrammées à l'aide de facteurs tels que OCT4, SOX2, NANOG, LIN28, c-Myc et KLF4 qui sont des protéines ; ces facteurs sont introduits sous forme d'ADN dans les cellules à reprogrammer.

jeudi 2 avril 2009

Yamanaka fait le point sur les cellules iPS

Le dernier numéro de la revue Cell, paru ce jour, contient un long essai de Shinya Yamanaka, le découvreur de la reprogrammation des cellules différenciées en cellules iPS (induced pluripotent stem cells). Je vous livre juste la conclusion :
"Over the next few years, I believe we will see many advances in the realization of in vitro applications of iPS cell technology. But we cannot be too careful when it comes to applying iPS cell technology to regenerative medicine. Any iPS cells generated by any method from any cell source will have to go through vigorous examination to confirm their safety prior to clinical application. The general view is that the fewer reprogramming factors used, the safer will be the resulting iPS cells. But is it that simple? It may be difficult to achieve complete reprogramming with a smaller number of factors. Indeed, aberrant reprogramming may render iPS cells refractory to differentiation and thereby increase the risk of immature teratoma formation after directed differentiation and transplantation into patients. Even if only a small portion of cells within each iPS cell clone shows impaired differentiation, then those cells might be sufficient to produce immature teratomas. We must establish ways to precisely evaluate each iPS cell clone and to select appropriate subclones prior to clinical application.
Despite these challenges, the potential of these new pluripotent stem cells remains enormous. The biggest challenge, direct reprogramming by defined factors, has been resolved. The remaining challenges are basically technical issues, which I believe will be resolved in the near future. I sincerely hope that iPS cell technology will lead to a better understanding of nuclear reprogramming and that it will provide great benefits to many patients."

[Dans les prochaines années, je pense qu'on verra de nombreuses avancées dans la réalisation d'applications in vitro à partir de la technologie des cellules iPS. Mais on ne sera jamais trop prudent en ce qui concerne l'application de cette technologie à la médecine régénérative. Toutes les cellules iPS quelle que soient la méthode d'obtention et leur origine cellulaire devront passer des examens rigoureux afin de déterminer leur sécurité avant une utilisation clinique. Le consensus est que le plus sûr est d'utiliser le moins de facteurs de reprogrammation possible. Mais est-ce aussi simple ? Il pourrait être difficile d'obtenir une reprogrammation complète à partir d'un petit nombre de facteurs. Naturellement, une reprogrammation aberrante pourrait empêcher la redifférenciation des cellules iPS et leur transplantation chez des patients. Mais si seulement une petite proportion des cellules dans un clone de cellules iPS n'est pas correctement reprogrammée, ces cellules pourraient être suffisantes pour induire la production de tératomes immatures. Nous devons établir des moyens d'évaluer précisément chaque clone de cellules iPS et de sélectionner les sous-clones appropriés avant une application clinique.
En dépit de ces défis, le potentiel de ces nouvelles cellules pluripotentes reste énorme. Le plus grand défi, reprogrammation directe par des facteurs précis, a été résolu. Les défis restant sont essentiellement des problèmes techniques, et je pense qu'ils seront résolus dans un futur proche. J'espère sincèrement que la technologie des cellules iPS conduira à une meilleure compréhension de la reprogrammation nucléaire et que beaucoup de patients en bénéficieront." (traduction AB)].

mercredi 1 avril 2009

Merveilles de la nature

On a récemment réussi à photographier un Rhinograde (photo de gauche). Ces animaux que l'on croyait disparus jusqu'à cette photo sont connus principalement grâce à une monographie de Harald Stumpke parue chez Masson en 1962, ouvrage préfacé par le célèbre naturaliste français Pierre-Paul Grassé. Il aurait sûrement salué avec enthousiasme cette découverte d'un Dolichonase vivant. On peut se procurer ce livre ici.
Afin d'en savoir plus sur ces étranges bestioles dont le nez est particulièrement développé, je vous invite à consulter ce site. Un japonais s'est passionné pour ces animaux et a imaginé ce à quoi pouvait ressembler les différentes espèces, à voir .

Edward C. Green récidive

Le 29 mars, Edward Green a publié une colonne dans le Washington Post intitulée : "Le Pape pourrait avoir raison".
"(...) Yet, in truth, current empirical evidence supports him.
We liberals who work in the fields of global HIV/AIDS and family planning take terrible professional risks if we side with the pope on a divisive topic such as this. The condom has become a symbol of freedom and -- along with contraception -- female emancipation, so those who question condom orthodoxy are accused of being against these causes. My comments are only about the question of condoms working to stem the spread of AIDS in Africa's generalized epidemics -- nowhere else"
[Cependant, en réalité, les évidences empiriques actuelles vont dans son sens. Nous autres libéraux travaillant dans le domaine du VIH/SIDA et du planning familial prenons un risque professionnel terrible si nous choisissons le camp du Pape sur un sujet aussi controversé que celui là. Le préservatif est devenu un symbole de liberté et - comme la contraception - d'émancipation de la femme, donc ceux qui questionnent l'orthodoxie du préservatif sont accusés d'être contre ces causes. Mes commentaires ne concernent que la question de savoir si les préservatifs marchent pour stopper la propagation du SIDA dans le contexte d'épidémie généralisée en Afrique, et rien d'autre."

Il rappelle ensuite que plusieurs études parues dans Science, The Lancet, et le British Medical Journal depuis 2003 "have confirmed that condoms have not worked as a primary intervention in the population-wide epidemics of Africa." [ont confirmé que les préservatifs ne marchent pas comme principal moyen d'intervention dans les épidémies touchant des populations entières en Afrique]. Il admet volontiers que cela a marché en Thaïlande et au Cambodge, dans des pays où le VIH était disséminé essentiellement par la prostitution. Donc en théorie cela devrait marcher partout. Mais ce n'est pas le cas en Afrique.

La première explication est le phénomène de compensation du risque (voir ici). La seconde vient de ce que l'épidémie touche tout le monde, pas seulement les populations à risque comme les homosexuels, les prostituées ou les drogués : or trop de personnes ont des relations avec plus d'un partenaire dans l'espace d'une année, comme c'est le cas pour 43% des hommes au Botswana où le taux de prévalence du VIH était de 23,9 % en 2007 ("in significant proportions of African populations, people have two or more regular sex partners who overlap in time. In Botswana, which has one of the world's highest HIV rates, 43 percent of men and 17 percent of women surveyed had two or more regular sex partners in the previous year"). Ceci crée des réseaux d'interconnection entre personnes qui couvrent toute la population, comme le démontre aussi Helen Epstein (ici).

"So what has worked in Africa? Strategies that break up these multiple and concurrent sexual networks -- or, in plain language, faithful mutual monogamy or at least reduction in numbers of partners, especially concurrent ones."
["Donc qu'est-ce qui a marché en Afrique ? Les stratégies visant à casser ces réseaux sexuels multiples et interconnectés - ou en langage plus simple, la monogamie mutuellement fidèle, ou au moins une réduction du nombre de partenaires, surtouts s'ils sont simultanés."]
Green rappelle ensuite les résultats obtenus en Ouganda, et les campagnes similaires récemment lancées au Botswana et au Swaziland (26.1% d'infection par le VIH en 2007).

Puis Green affirme qu'il n'est pas anti-préservatifs, que ceux-ci devraient toujours être disponibles et utilisés comme une stratégie de secours pour ceux qui ne peuvent pas être mutuellement fidèles ("Don't misunderstand me; I am not anti-condom. All people should have full access to condoms, and condoms should always be a backup strategy for those who will not or cannot remain in a mutually faithful relationship"). Mais la première priorité devrait être la fidélité ("the first priority should be to promote mutual fidelity").

Et de conclure : "Surely it's time to start providing more evidence-based AIDS prevention in Africa." [Sûrement, il est temps de commencer à baser la prévention du SIDA en Afrique sur des faits plus avérés].