mercredi 5 juin 2013

Le clonage humain va-t-il faire long feu ?

 
Alors que l'article de Cell annonçant la réussite du clonage humain n'a toujours pas été corrigé, il semble que cette technique, au moins aux États-Unis, ne sera pas utilisée en routine avant longtemps. La source ? Nature...

Le congrès américain reconduit chaque année l'amendement Dickey–Wicker qui interdit l'utilisation de fonds fédéraux pour la recherche sur l'embryon : seules les recherches à partir de certaines lignées de cellules souches embryonnaires sont autorisées. Les NIH (qui gère une partie très importante de la recherche en biologie) interdisent quant à eux la recherche sur les lignées cellulaires issues d'embryons créés seulement pour la recherche. Or les lignées cellulaires issues des embryons clonés tombent bien sûr dans cette catégorie. Les équipes de recherche recevant de l'argent des NIH ne peuvent donc ni confirmer ces résultats ni utiliser ces lignées cellulaires. Pour pouvoir le faire il faut un financement entièrement indépendant des NIH, ce qui inclut les murs, le personnel et tous les appareils. Autrement dit très peu de laboratoires publics. Le seul état où cela pourrait se faire est la Californie grâce à son fameux fond de trois milliards de dollars qui n'est pas fédéral. Mais le California Institute of Regenerative Medicine (CIRM) qui gère cet argent a pour règle de ne pas autoriser les lignées cellulaires issues d'ovules obtenus après paiement des donneuses (1) ; or elles ont reçu entre 3000 et 7000$, donc même les laboratoires californiens indépendants des NIH ne peuvent pas non plus utiliser ces lignées.

Bref seules quelques rares équipes de recherche vont être capables de tenter de reproduire cette technique de clonage (2) ou d'examiner ces nouvelles lignées. Conclusion de George Daley, un des plus grands spécialistes de la recherche sur les cellules souches : "La plupart des laboratoires vont choisir la voie la plus simple et continuer des travailler avec les cellules iPS, à moins que quelqu'un apporte une raison claire et convaincante de changer" (3). Quant à Alexander Meissner qui travaille au Harvard Stem Cell Institute (dont je parle souvent dans ce blog car ils sont parmi les tous meilleurs du monde quand il s'agit de ces questions), il pense que le clonage humain ne répond pas à la question fondamentale de la reprogrammation cellulaire. En effet les lignées issues des embryons clonés sont déjà elles-mêmes des produits dérivés de la reprogrammation du matériel génétique inséré dans l'oocyte. Pour étudier la reprogrammation il faut des oocytes or les donneuses sont rares donc pour faire ce travail il faudra se tourner vers la souris...

(1) cette règle a pour but d'éviter de voir se reproduire ce qui était arrivé dans l'équipe de Woo Suk Hwang où des étudiantes et postdoctorantes avaient été forcées de donner des oocytes contre rétribution financière.
(2) Ce serait possible en Californie avec l'argent du CIRM mais il faudra trouver des donneuses qui acceptent de ne pas être payées
(3) "Most labs will take the path of least resistance and continue working with iPS cells unless someone shows that there is a clear and compelling reason to change course."

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