samedi 28 novembre 2009

L'ancien ministre victime d'hallucinations

Ça va nous changer de Nature, Cell et Science. La référence sera cette fois un passionnant entretien de la Nouvelle République avec l'ancien ministre Guy Lengagne (et ancien député, conseiller général et maire de Boulogne-sur-Mer, il a été secrétaire d'État à la Mer et membre du conseil de l'Europe pendant 10 ans).
Notre bon ex-ministre a rédigé un rapport sur « Les dangers du créationnisme dans l'enseignement » (2), adopté en commission de la culture puis retoqué en séance plénière. Les responsables de cet échec : « Je n'ai su que plus tard que j'avais dû mes déboires à une intervention directe du Vatican ». Et d'ajouter : « Dans l'enseignement catholique, Benoît XVI a durci les consignes pour l'enseignement du créationnisme dont se réclame d'ailleurs ouvertement l'évêque de Vienne »
Et pour finir : « En tout cas, j'ai trouvé intolérable que le Conseil de l'Europe, tourné vers les droits de l'homme, empêche un jeune d'apprendre la théorie de l'évolution, c'est une atteinte à ses droits et une incroyable entrave à la liberté ». Notre ancien ministre ne semble pas avoir pris la peine d'ouvrir les livres du primaire, du collège et du lycée qui parle uniquement d'évolution et jamais de créationnisme. Oui, dès le primaire on parle des ancêtres de l'homme... Il faut avoir du culot pour dire que le Conseil de l'Europe empêche un jeune d'apprendre la théorie de l'évolution !
Quant à ses accusations fumeuses contre le Vatican et Benoît XVI, j'invite notre ancien ministre à lire les documents qui se trouvent dans la colonne de droite de ce blog depuis son premier jour. À savoir l'encyclique Humani generis (1950), un texte de la commission théologique internationale (en particulier les articles 63 et 64, 1994), la lettre de Jean-Paul II (1996), le message de Benoît XVI (2008). Et il faudrait encore qu'il lise "Création et Évolution", le compte-rendu d'une retraite de plusieurs jours au cours de laquelle Benoît XVI a invité des experts et d'anciens étudiants à parler d'évolution à Castel-Gandolfo. Ou qu'il soit au courant de la conférence sur l'évolution organisée par le Vatican du 3 au 7 mars 2009 : mon premier billet ! Il est utile de préciser que les tenants du créationnisme et de l'Intelligent Design en ont été écartés : voyez ici, monsieur le ministre (attention, vous serez sur un site qui défend l'Intelligent Design).

vendredi 27 novembre 2009

Histoire d'en rire














Copyright 1998 John Trever, Albuquerque Journal.

La maltraitance a des effets biologiques à long terme

En mars, je vous parlais d'une étude démontrant qu'il y a un lien entre la maltraitance des enfants et des modifications épigénétiques de certains gènes. Il y a quelques jours, une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Neuroscience a montré que même un stress relativement léger chez des souris, sous la forme d'une séparation d'avec la mère pendant trois heures par jour sur les dix premiers jours, avait des conséquences tout au long de la vie des souris en question. Elles étaient plus sensibles à de nouvelles situations de stress et avaient une moins bonne mémoire.
Les chercheurs de l'Institut Max Planck de Psychiatrie de Munich ont pu démontrer que cela est dû à des modifications épigénétiques lors du premier stress qui altèrent de façon permanente l'expression de la vasopressine, une hormone du stress. Une hypométhylation d'une zone régulatrice importante contrôlant l'expression de ce gène induit une surexpression de la vasopressine, générant une hypersensibilité au stress. L'administration d'une molécule bloquant l'action de la vasopressine permet de supprimer cette réponse excessive. Il y a donc un lien direct entre un stress précoce, même bénin, et la capacité de ces souris à résister à des situations sortant de l'ordinaire.
Il est tout à fait possible qu'un mécanisme similaire soit découvert chez l'homme. En tout état de cause, cela renforce l'idée que la maltraitance subie par un enfant peut l'influencer de façon durable, et on connaît aujourd'hui au moins un mécanisme biologique responsable de ce processus au travers de modifications épigénétiques.

Les basiques de la thérapie cellulaire - 3) Qu'est-ce qu'une cellule souche ?



Par opposition à une cellule différenciée, une cellule souche a la capacité de se diviser en générant une cellule identique à elle-même, et une autre qui va se spécialiser. Les cellules souches sont donc en théorie capables de se diviser indéfiniment lorsqu'elles sont mises en culture.
On distingue quatre types de cellules souches :
- Cellules totipotentes : il n'y en a qu'une par individu, c'est le zygote. Il va en effet former à lui tout seul la totalité de l'individu. Ce n'est pas à proprement parler une cellule souche car elle n'est pas capable de générer une autre cellule totipotente en se divisant.
- Cellules pluripotentes : ce sont les cellules souches embryonnaires dont on parle tant, ainsi que les cellules iPS (induced pluripotent stem cells). Elles sont capables de générer tous les types cellulaires mais ne sont plus totipotentes car elles ne peuvent donner naissance à un individu entier.
- Cellules multipotentes : on y retrouvent de très nombreux types cellulaires chez l'enfant et l'adulte. Ce sont par exemple les cellules souches du sang de cordon, celles du liquide amiotique, celles de la moelle osseuse. Ces cellules sont capable de générer des cellules très différentes ; ainsi les cellules de la moelle osseuse donnent naissance à toutes les cellules sanguines : globules rouges, plaquettes, et les différents types de globules blancs.
- Cellules unipotentes : ces cellules sont aussi très nombreuses et ne peuvent générer qu'un seul type cellulaire. Ce sont par exemple les cellules souches de la peau ou de l'intestin.

jeudi 26 novembre 2009

Les basiques de la thérapie cellulaire - 2) Qu'est-ce qu'une cellule différenciée ?

Une cellule est l'unité de base du vivant. Elle peut plus ou moins se suffire à elle-même pourvu qu'on la mette dans un milieu adéquat. La plupart de nos cellules sont dites "différenciées", c'est-à-dire qu'elles sont une fonction bien précise : un neurone transmet des informations, une cellule musculaire peut se contracter, un globule rouge transporte de l'oxygène, un globule blanc joue un rôle dans l'immunité, etc. Pourtant toutes ces cellules ont le même patrimoine génétique (sauf les globules rouges qui n'ont plus de noyau) puisqu'elles descendent toutes d'une seule cellule, le zygote issu de la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde. Ce patrimoine génétique reste intact dans une cellule différenciée, mais cette dernière ne se sert que d'une petite partie du répertoire génétique dont elle a hérité. Au contraire, le répertoire est totalement ouvert chez le zygote. Au fur et à mesure du développement de l'embryon, les cellules vont se spécialiser dans une partie de ce répertoire, partie différente selon les futures fonctions des cellules.
Au terme du processus de différenciation, une cellule ne réalise plus qu'une seule fonction, et en général elle a perdu sa capacité à se diviser.

mercredi 25 novembre 2009

Obtention de peau à partir de cellules souches embryonnaires humaines

Commentaire sur l'article récemment publié par Guenou et al, The Lancet, 374, 1745 dont M. Peschanski est un co-auteur.
Pour traiter les grands brûlés, on a recours à la culture de cellules de la peau prélevées dans des zones non affectées par la brûlure. C’est une excellente méthode dans la mesure où la greffe est totalement compatible puisqu’il s’agit d’une autogreffre. Le principal souci vient du délai nécessaire pour obtenir une surface de peau suffisante pour couvrir une brûlure importante, délai qui est d’environ trois semaines. Pendant ce laps de temps, la brûlure est généralement couverte avec de la peau issue de cadavres humains, ou de tissus semi artificiels. Mais il y a toujours des risques non négligeables de rejet rapide et la peau issue de cadavres n’est pas disponible en quantités suffisantes. Les cellules souches embryonnaires (CSE) humaines pourraient être une ressource alternative si on parvient à induire leur différenciation en cellules de la peau avec un protocole fiable, car on pourrait alors produire des quantités de peau en théorie illimitées.
Je passe sur les détails du protocole mis au point qui prend environ 40 jours pour aller d’une lignée de CSE à des kératinocytes qui peuvent être cultivées ou congelés. En résumé, les lignées de CSE humaines H9 et SA01 ont été utilisées et ont permis de générer un tissu qui avait toutes les caractéristiques de la peau en épithélium pluristratifié. De plus, des greffes sur cinq souris immunodéprimées (souris nude) ont montré que cette peau pouvait être stable pendant au moins 12 semaines. Pour générer de la peau de cette façon, il est possible de répéter la totalité du protocole en partant de lignées de CSE, ou bien démarrer directement avec les kératinocytes congelés que l’on remettrait en culture. Cette dernière solution permettrait de gagner beaucoup de temps. Un avantage certain de cette technique vient de la faible expression de marqueurs de l’immunité comme le MHC dans ces cellules de la peau obtenues ainsi, ce qui réduirait le risque de rejet par un patient.

Ce qu’il y a de nouveau
Pour la première fois, on est capable de générer un épithélium pluristratifié, autrement dit de la peau, à partir cellules souches embryonnaires humaines. C’est la transposition à l’homme d’un travail effectué chez la souris en 2003 (Coraux et al, Curr Biol, 13, 849). Ce pourrait donc être une solution pour traiter de façon temporaire de grands brûlés ou d’autres maladies de la peau comme l’épidermolyse bulleuse.

Problèmes potentiels
- Un centre de traitement devra avoir en permanence des kératinocytes à différents stades de culture pour utilisation à tout moment. Ce qui a pu être fait dans un laboratoire très bien équipé pourra-t-il être reproduit à l’échelle quasi industrielle ?
- Les essais ont été faits sur des souris immunodéprimées. Les greffes, même temporaires et n’exprimant que peu d’antigènes, tiendront-elles chez des patients non immunodéprimés ?
- L’analyse des résultats chez les souris a été fait après 12 semaines. Est-ce assez pour s’assurer de l’innocuité des cellules utilisées ? Il pourrait suffire de quelques CSE non différenciées pour risquer d’induire un cancer. Une étude chez la souris n’a pas mis en évidence de pouvoir cancérigène de kératinocytes de souris obtenus à partir de CSE de souris (Coraux et al, Curr Biol, 13, 849). Mais cela devra être suivi de façon très précise lors des essais thérapeutiques. La présence de microcystes dans les souris testés par Geron avant son essai chez l’homme est à l’origine de l’arrêt temporaire de cet essai.
- Il reste à démontrer la validité du processus de greffe temporaire chez l’homme. Ce qui a marché avec des cellules humaines chez des souris ne devrait pas poser de problème chez l’homme, mais encore faut-il le démontrer. Ce sera le rôle des essais cliniques.
- Le premier essai thérapeutique testant un produit issu de CSE humaines, initié par Geron, est beaucoup cité bien qu’aujourd’hui arrêté, sans doute pour encore un an.
- « K-hESC allografts might also benefit from banks containing cell lines with appropriately selected haplotypes from rare donors that are triple homozygous for HLA-A, HLA-B, and HLA-DR ». C’est une très bonne suggestion. Le problème est qu’il n’existe sans doute pas de lignées de CSE répondant à ces critères aujourd’hui. Donc soit on décide de créer des embryons à seule fin de recherche, ce qui est interdit aujourd’hui en France et le restera sans doute, soit on est obligé de passer par la reprogrammation de cellules différenciées en cellules iPS. La solution la plus éthique est certainement la deuxième.

Autres solutions possibles
- La même chose pourrait sans doute être mis au point avec des cellules souches adultes de la peau, avec les mêmes restrictions (avoir en permanence différentes étapes du protocole de culture en route simultanément). Un avantage est qu’on pourrait sélectionner des donneurs du génotype cité plus haut sans avoir à passer par des CSE, ni des cellules iPS. Une démonstration partielle de cette possibilité se trouve dans un article publié en 2006 dans la revue Stem Cell par une autre équipe française (Larderet et al, Stem Cell, 24, 965).
- En théorie des cellules iPS pourraient aussi être utilisées. Il ne servirait à rien de reprogrammer des cellules du patient (cela prendrait bien plus de temps que de cultiver les cellules de sa propre peau) mais on pourrait partir de cellules iPS tout comme cette étude est partie de CSE.

En guise de conclusion
C’est une indéniable avancée technique, transposant un travail fait chez la souris en 2003. Aspect éthique mis à part, c’est certainement une piste prometteuse. Mais il y a sans doute d’autres solutions plus acceptables éthiquement, ne passant pas par des CSE humaines. Soit en utilisant des cellules iPS (mais il y aurait tout à faire), soit en isolant des cellules souches de la peau chez des personnes exprimant un système HLA aussi neutre que possible et pouvant être utilisées chez de nombreux patients.
En tout état de cause, cela ne constitue pas la première démonstration d’une application thérapeutique des CSE. Il faudra en effet d’abord faire des essais cliniques chez l’homme. Et rien ne prouve que cette méthode ne soit pas remplacée par une autre qui serait plus performante avant son exploitation éventuelle.

mardi 24 novembre 2009

Les basiques de la thérapie cellulaire - 1) Le principe

La thérapie cellulaire consiste à remplacer des cellules perdues ou abîmées dans un tissu. Par opposition la thérapie génique consiste à remplacer un gène défectueux à l'intérieur d'une cellule, sans changer celle-ci. La greffe de peau est une thérapie cellulaire : on va prendre de la peau quelque part sur le corps du patient brûlé, faire en sorte que les cellules se multiplient et forment une nouvelle couche de peau, et la poser sur la brûlure. Une autre thérapie cellulaire est tout simplement la transfusion sanguine où un patient va recevoir le sang d'une autre personne. Ou bien la greffe de moelle osseuse qui va permettre de reconstituer le patrimoine de cellules dites "hématopoïétiques" qui génèrent toutes les cellules du sang, globules rouges, globules blancs et plaquettes.
On distingue à travers ces exemples les greffes autologues (greffe de peau qui vient du patient brûlé ou auto-transfusion sanguine pour une opération) des greffes allogènes où les cellules transplantées viennent d'une autre personne.
Les progrès des dix dernières années sont très importants. On sait isoler des cellules, les trier rapidement, sélectionner celles qui nous intéressent, les multiplier en culture cellulaire, etc. On apprend par ailleurs à identifier les cellules souches adultes : il semble que tous les tissus ou presque en aient. Il suffirait donc en théorie d'en prélever quelques-unes pour reconstituer un type cellulaire. On a appris à utiliser les cellules du sang de cordon. Et en se rapprochant de la cellule totipotente qu'est la première cellule issue de la fécondation, on sait maintenant isoler des lignées de cellules souches embryonnaires. On pourrait donc en théorie reconstituer n'importe quel tissu à partir de ces cellules multipotentes.

Les problèmes

En théorie, on peut aujourd'hui tout envisager. En pratique on en est encore loin bien sûr. Tout d'abord il y a le problème de la compatibilité entre les cellules de différentes personnes. Pour le résoudre, il y a les perspectives ouvertes par la reprogrammation des cellules adultes en cellules souches induites (cellules iPS) qui permettraient de ne faire que des greffes autologues. Mais si on veut guérir une maladie génétique de cette façon, il faut associer la thérapie cellulaire à la thérapie génique ; c'est ce qui a été fait pour guérir les "enfants bulles" qui ont un système immunitaire totalement déficient.
Obtenir les bonnes cellules : c'est le principal problème à l'heure actuelle. On sait reprogrammer des cellules différenciées en cellules souches, mais on sait moins bien induire leur différenciation en un type cellulaire donné. Et c'est beaucoup plus difficile. En effet dans un cas une poignée de gènes actifs sont suffisant pour reprogrammer des cellules très différentes. Mais pour re-différencier, il faut allumer ou éteindre des gènes différents pour chaque type cellulaire à produire. Moins la cellule d'origine est différenciée, plus il est difficile de la guider vers une voie alors que ces centaines d'autres sont possibles. Au contraire plus elle est spécialisée plus ce sera facile car le nombre d'options sera plus restreint ; par exemple avec des cellules souches de la peau on ne fera que de la peau. Il n’est donc pas sûr que les cellules souches embryonnaires ou les cellules iPS soient les meilleures cellules pour la thérapie cellulaire. Apprendre à reconnaître et prélever quelques cellules souches adultes d’un tissu pour le reconstituer est une autre possibilité.

Les basiques de la thérapie cellulaire

Au cours des prochains jours, je vais m'efforcer d'expliquer la thérapie cellulaire et les cellules souches à ceux qui ne connaissent rien à la biologie. Ce devrait donc être beaucoup moins technique que mes billets habituels et je ne mettrai pas de référence. Mais je ne peux pas non plus tomber dans l'approximation trop vague, donc le lecteur devra tout de même faire un minimum d'efforts pour comprendre !
Autre avertissement important : je ne signalerai pas toujours les problèmes éthiques associés à telle ou telle méthode. Ils sont souvent évidents et j'y reviendrai à la fin de ces "basiques".

samedi 21 novembre 2009

Ouch! Bad choice!

Une campagne d'affichage chez nos amis britanniques a été organisée par quelques athées (dont des scientifiques, ce qui justifie que j'en parle dans le cadre de ce blog) après avoir récolté des fonds grâce à des articles dans The Guardian. Le résultat ? Cette affiche, qui demande que les enfants ne soient plus élevés religieusement par leurs parents car ils n'auront qu'à choisir plus tard. À voir ces enfants si heureux, on se dit que c'est forcément dû à leur éducation libre de toute "endoctrinement" religieux.
Des évangélistes sur la photo
Hélas, hélas, les deux enfants choisis pour figurer sur l'affiche sont des évangélistes (oups, j'ai fait ce que cette affiche veut nous interdire...). Charlotte et Ollie sont les enfants d'une célébrité dans les milieux évangélistes : leur père est batteur dans le groupe de musique chrétienne de Noel Richards. 
No comment! 
Source : The Times

Les sceptiques du réchauffement climatique ont-ils marquer un point ?

Je ne vous ai encore jamais parlé de changement climatique car je suis bien incapable de juger en scientifique les données. Et mon opinion non éclairée sur ce sujet ne regarde donc que moi.
Mais une histoire relatée par la presse anglo-saxonne va faire du bruit : des serveurs de l'université d'East Anglia ont été piratés et plusieurs milliers de documents et emails rendus publics et plusieurs ont éré validés, autrement ce n'est pas un faux grossier. Certains emails révèlent des pratiques un peu limite, comme le lissage de données pour ne pas trop insister sur le refroidissement des 10 dernières années, ou masquer le réchauffement qui a eu lieu au Moyen-Âge. D'autres emails ont été tout simplement effaçés (mais on ne sait pas ce qu'ils contenaient...) ; il ne reste plus que les emails demandant leur suppression. D'autres enfin discutent d'arrêter de soumettre des articles à "Climate Research" qui publie trop d'articles de sceptiques du réchauffement à leur goût.

Cela dit, en ce qui concerne le lissage des données, nous faisons tous ce genre de choses dans les laboratoires, afin de montrer des résultats plus claires ou plus lisibles. Donc savoir s'il y a tricherie dans ce cas précis est presque impossible. Et les sceptiques du changement climatique ne se gênent pas de leur coté pour oublier des données essentielles dès que ça les arrange.

Quelques articles : Washington Post, New York Times, Guardian, Daily Telegraph.

mercredi 18 novembre 2009

Une thérapie possible pour la trisomie 21 ?

En utilisant une souris modèle pour la trisomie 21, une équipe américaine de l’université de Stanford aurait démontré qu’un neurotransmetteur, la norépinephrine, aussi appelée noradrénaline, pourrait être utilisé pour alléger le déficit mental lié à cette maladie génétique. J’utilise le conditionnel car à l’heure où j’écris, l’article n’est pas encore été mis en ligne par la revue Science Translational Medicine et je me base sur une poignée de dépêches anglo-saxonnes.
Les patients atteints de trisomie 21 ont des difficultés dans la mémorisation de certaines informations, notamment spatiales, qui sont traitées dans l’hippocampe. Ils ont en revanche moins de problèmes pour mémoriser des informations associées à des couleurs ou à des sons car l’intégration de ces données se fait dans une autre zone du cerveau. L’hippocampe reçoit normalement des informations en provenance d’une région du cerveau, le locus coeruleus, qui dégénère rapidement chez les patients. Ces messages en provenance du locus coeruleus sont véhiculés par la noradrénaline.
Les chercheurs ont donc eu l’idée de donner directement la noradrénaline aux souris modélisant la trisomie 21. Placée dans une nouvelle cage, une souris normale commencera à faire un nid, alors que les souris modèles de trisomie 21 en seront incapables. Mais dans les heures qui suivent l’ajout de noradrénaline (injection de l-DOPS qui peut traverser la barrière du cerveau et être convertie en noradrénaline), ces souris redeviennent capables de faire des nids dans un nouvel environnement et de résoudre d’autres problèmes du même type. Il semble donc que le simple fait de fournir ce neurotransmetteur pourrait améliorer de façon significative la mémorisation et le traitement d’informations spatiales notamment.
Combiné à d’autres traitements comme ceux consistant à fournir un autre neurotransmetteur, l’acétylcholine, on peut espérer améliorer certains aspects du déficit mental induit par la trisomie 21. Il faut savoir que certains médicaments sont aujourd’hui utilisés pour augmenter le taux de noradrénaline chez l’homme pour traiter d’autres maladies. Il pourrait être donc relativement simple de tester leur efficacité dans le cas de la trisomie 21.

Remarque : les souris modélisant la trisomie 21 portent une troisième copie de 104 gènes du chromosome 16 qui est chez la souris homologue au chromosome 21 humain.

Sources : The Scientist, ScienceDaily

dimanche 15 novembre 2009

Pourquoi les femmes devraient s’intéresser aux biotechnologies

NB : ce texte est une traduction d'un billet du blog Mary Meets Dolly tenu par Rebecca Taylor, qui est biologiste moléculaire, et catholique.

La plupart des femmes ne savent pas combien elles sont précieuses. Je ne parle pas de la cuisine, du ménage, ou d’élever les enfants tout en rapportant un salaire à la maison. Je parle de leur biologie.
Le Dr Hwang Woo-suk, chercheur déshonoré qui affirmait avoir cloné des embryons humains et extrait des cellules souches, a été reconnu coupable de détournement de fonds récemment et a reçu une peine de deux ans avec sursis. À mon avis, le principal crime du Dr Hwang n'est pas son article frauduleux, ou le détournement de fonds. C’est plutôt l’exploitation des chercheuses de son laboratoire pour leurs ovules. Le clonage nécessite des ovules, beaucoup d’ovules. Donner des ovules n'est pas facile et peut entrainer une stérilité et même à la mort. Que ces chercheuses de son laboratoire aient été incitées à vendre leurs ovules ou non, ce fut une grave violation éthique.
Le retour du Dr Hwang sous les feux de la rampe m'a rappelé que les biotechnologies de pointe, surtout dans le domaine de reproduction, sont un problème pour les femmes. La recherche sur les cellules souches embryonnaires ou le clonage ne peut se poursuivre sans les précieux ovules qui se trouvent dans nos ovaires. Dans le futur, ni le clonage reproductif ni le génie génétique sur les enfants ne pourra être fait sans nos ventres pour porter les dernières créations des scientifiques. Tout cela induit des risques importants pour les femmes dont la biologie est unique.
Certains diront que l'indemnisation est suffisante pour s’assurer que les femmes ne sont pas exploitées par la biotechnologie. Je ne suis pas d’accord. J'appelle les indemnisations pour les mères porteuses ou les dons d'ovules de la prostitution de haute technologie qui s’appuie sur les femmes à faible revenu. De trop nombreux scientifiques considèrent les femmes comme des banques de matériel biologique dont on ne peut malheureusement disposer sans payer. Récemment, le Dr Sam Wood de la société Stemagen Corp a dit qu'il voulait payer les femmes pour obtenir leurs ovules. Il prétend qu'il ne peut pas en avoir autrement. Oublions les risques pour la santé des jeunes femmes, le Dr Wood veut ces ovules pour continuer le clonage thérapeutique. « Donnez-nous les ovules. Si nous ne réussissons pas, vous pourrez critiquer », a déclaré Wood. « Vous devez donner aux gens les outils nécessaires pour savoir si une expérience va marcher ». Une fois de plus la fin justifie les moyens. Le seul problème, c'est qu'il parle de jeunes femmes qui mettent leur fécondité et leur santé en danger pour lui fournir les matériaux de base pour ses expériences de clonage.
Je pense que certains hommes ne comprennent pas que le don d'ovules n'est pas comme un don de sperme. Je vais aller plus loin et dire que si pour obtenir des spermatozoïdes, il fallait aller les chercher directement dans les testicules avec une aiguille après injection d’hormones, la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le clonage serait encore de la science-fiction. C’est garanti.

Une de mes citations préférées sur le clonage vient du Dr Gregory Pence, spécialiste de bioéthique de l'Université de l'Alabama, qui parle tranquillement de ce qu'il faudrait faire pour que le clonage reproductif devienne une réalité : « Si l'objection morale primaire au clonage reproductif, c'est qu’il se traduira vraisemblablement par des erreurs génétiques lors de la reprogrammation, alors bien sûr nous voulons faire des recherches pour prévenir ce genre de problème. Mais comment faire cela ? Le meilleur moyen est de voir comment des embryons clonés se développent et d’étudier leur gestation chez des chimpanzés, dans des utérus artificiels, ou avec des volontaires humains, puis les faire avorter pour voir quels embryons sont normaux et lesquels ne le sont pas, puis faire des expériences pour ne plus créer que des embryons ou fœtus qui se développeront normalement ». Dr Pence, ces « volontaires humains » sont de vraies femmes qui mettraient leur propre fécondité et leur santé mentale et physique en danger, non seulement en portant un fœtus cloné, mais aussi en devant avorter volontairement au nom de la science.

Même les « pro-vie » peuvent considérer les femmes comme « une matière biologique exploitable ». Souvenez-vous du Dr William Hurlbut de Stanford qui a proposé le transfert nucléaire altéré associé à la reprogrammation assistée par oocyte (Altered Nuclear Transfer with Oocyte Assisted Reprogramming ; ANT-OAR) comme une alternative au clonage pour générer des cellules souches embryonnaires spécifique pour des patients. Trente-cinq poids lourd universitaires « pro-vie », dont le père Thomas Berg et le père Tad Pacholczyk ont signé une déclaration approuvant l’ANT-OAR. Le problème ? La partie oocytes. Les oocytes sont des ovules et l’ANT-OAR nécessite des ovules humains, tout comme le clonage. L’ANT-OAR aurait eu besoin du même nombre, sinon plus, de femmes donnant des ovules pour satisfaire les besoins en ovules de cette technique.
C'est justement pour ces problèmes d'ovules et d’embryons que certains chercheurs ont abandonné la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le clonage et travaillent avec des cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) à la place. Les cellules iPS ne nécessitent ni embryons ni ovules et se comportent comme des cellules souches embryonnaires. Ces cellules iPS peuvent même être génétiquement identiques à un patient, ce qui rend le clonage inutile.

Faites une faveur à vos filles

C'est pour ça que les femmes doivent se soucier des biotechnologies. Parce que c'est leur corps qui sera exploité pour permettre à quelques visions de scientifiques de se concrétiser. Si nous ne fournissons pas les matériaux de base, la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le clonage ne peut pas continuer et des alternatives comme les cellules iPS devront être trouvées. Les femmes doivent de se manifester et dire « Trouvez une autre solution ». Certaines l’ont déjà fait : « Hand Off Our Ovaries » [qu’on pourrait traduire par : Laissez nos ovaires tranquilles], dont je suis membre, est un groupe de femmes et d’hommes pro-choix ou pro-vie qui réalisent que les progrès des biotechnologies vont exploiter les femmes vulnérables.
Faites une faveur à vos filles. Apprenez-leur les biotechnologies, ce qu’il y a de bon et ce qu’il y a de mauvais. Assurez-vous qu'elles comprennent à quel point leur corps est précieux. Apprenez-leur ce que sont les dons d'ovules et les mères porteuses et les risques encourus. Assurez-vous qu'elles apprennent à ne pas devenir des victimes exploitées dans le Meilleur des mondes.

mardi 10 novembre 2009

Le limogeage de David Nutt est suivi de cinq démissions !

Le Professeur David Nutt a été limogé fin octobre par le ministre de l'intérieur britannique pour ses déclarations controversées sur les drogues comme l'ecstasy. Deux experts, Marion Walker et le Dr Les King avaient démissioné dans la foulée. Ce sont maintenant trois experts qui partent à leur tour du "Advisory Council on the misuse of drugs" pour protester contre l'attitude du gouvernement britannique envers les scientifiques ; il s'agit des Dr John Marsden, Ian Ragan et Simon Campbell. Le tout après une réunion avec le ministre de l'intérieur qui n'a servi à rien. Bref, le torchon brûle...














Caricature : The Times

lundi 9 novembre 2009

Cellules iPS : toutes les cellules peuvent être reprogrammées

Encore un billet sur les derniers progrès de la recherche sur la reprogrammation des cellules adultes ou plus ou moins différenciées en cellules iPS. Fort peu de sujets sont aussi "chauds" depuis leur découverte récente, à part peut-être les microARN. Mais je digresse...

La nouvelle du jour vient de Nature et d'un article sortant du laboratoire de Rudolph Jaenisch au MIT. Le but était de discriminer quatre hypothèses : 1) toutes les cellules sont reprogrammables, ou bien 2) seules certaines cellules sont susceptibles d'être reprogrammées, comme par exemple les quelques cellules souches d'un tissu qu'on prendra lors d'un prélèvement ; par ailleurs la reprogrammation nécessitera un nombre fixe (3) ou variable (4) de divisions cellulaires.
Ce nouveau travail démontre que presque toutes les cellules peuvent être reprogrammées (1) mais que cela prendra un nombre de divisions cellulaire indéterminé (4). La reprogrammation, induite avec les protéines Oct4, Sox2, Klf4 et c-Myc peut prendre entre deux et dix-huit semaines, date à laquelle plus de 90% des populations cellulaires auront donné des cellules iPS ; chaque population est issue d'une seule cellule, démontrant que presque toutes les cellules d'un tissu peuvent être reprogrammées. Ceci a pu être démontré en utilisant des populations de cellules immunitaires (lymphocytes B) ayant toutes intégré les constructions permettant l'expression de quatre facteurs de la reprogrammation et étant donc soumises de façon égale au processus.

Rôles de Lin28, p53 et Nanog
En plus des quatre facteurs découverts à l'origine par Yamanaka, plusieurs autres protéines peuvent accélérer le processus de reprogrammation. Les chercheurs ont voulu savoir quel pouvait être leur rôle. L'obtention de cellules iPS a pu être accéléré de façon dépendante de la division cellulaire grâce à la surexpression de Lin28, ou l'inhibition de p53, un gène impliqué dans la plupart des cancers. Ces deux facteurs, qui étaient considérés comme impliqués directement dans le processus de reprogrammation, ne feraient en réalité que contrôler le rythme des divisions cellulaires ; pour p53 et Lin28, la reprogrammation est accélérée grâce au rythme de division plus rapide. Ce n'est pas le cas pour Nanog qui semble avoir un rôle direct dans la reprogrammation.


En résumé
C'est un travail de fond qui a été accompli. Il a permis d'une part de démontrer que presque toutes les cellules d'une population peuvent être reprogrammées mais que cela peut prendre plus ou moins de temps ; la reprogrammation arrive donc au hasard dans une cellule, sans doute en fonction de fluctuations épigénétiques qu'on ne sait pas encore contrôler. D'autre part, il est désormais démontré que parmi p53, Lin28 et Nanog, seul Nanog est un facteur directement impliqué dans la reprogrammation comme Oct4, Sox2, Klf4 et c-Myc. Enfin p53 et Lin28 favoriseraient la reprogrammation en augmentant le rythme des divisions cellulaires, ce qui serait important pour générer ces fluctuations épigénétiques.

Rappel : le processus de reprogrammation est essentiellement de nature épigénétique, à savoir qu'il modifie la façon dont l'ADN va être exprimé. C'est comme réinitialiser un disque dur en quelque sorte.

dimanche 8 novembre 2009

Shocking: Un expert scientifique limogé

Il y a quelques mois, avec un tel titre, tout le monde aurait pensé que Bush avait encore fait des siennes. Mais cela se passe en Grande-Bretagne, sous le gouvernement de Gordon Brown, travailliste ayant succédé à Tony Blair. Le professeur David Nutt, conseiller spécial du gouvernement pour la lutte contre la drogue, a été proprement viré fin octobre. Il faut dire que sa façon d'expliquer qu'il est moins dangereux de prendre de l'ecstasy que de faire du cheval peut surprendre... Même Nature s'est mêlé à la discussion (ici et notamment). Je ne discuterai pas ici de savoir s'il a raison ou tort. Ce que je voudrais souligner en revanche, c'est que quand un Bush fait ça, tout le monde s'indigne. Quand c'est le ministre socialiste britannique, ça donnne quelques pauvres articulets dans la presse française et personne n'en tiendra rigueur à Brown.

Le gouvernement britannique a-t-il un problème avec la science ?
Et ce n'est pas fini. Dans un entretien à Nature, Lord Drayson, ministre des sciences, reconnaît qu'il y a eu d'autres problèmes avant ce limogeage et que l'ambiance n'est pas au beau fixe chez les scientifiques chargés de conseiller le gouvernement. Utilisant la version britannique de la langue de bois, cela donne : "Drayson also admitted there were concerns among government advisors that pre-date ‘Nutt-gate’. He said at recent meetings “a number of leading scientific advisors across different fields ... expressed to me some underlying concerns”." Va-t-on découvrir que le gouvernement de sa Gracieuse Majesté est truffé de ministres obscurantistes et anti-science ?

mardi 3 novembre 2009

Nouvelle stratégie de lutte contre la malaria

La malaria, ou paludisme, tue entre un et trois millions de personnes dans le monde. Les vaccins développés visent à protéger les individus, tandis que des traitements (dont j'ai parlé ici) permettent de soigner les patients.
Une nouvelle stratégie vient d'être élaborée par le PATH Malaria Vaccine Initiative (MVI), le principal partenariat public-privé luttant contre cette maladie. L'ambition n'est rien moins que l'éradication de la maladie, en élaborant des vaccins qui empêcheront la multiplication des virus chez les moustiques. L'idée est de vacciner les populations à risque non seulement pour les protéger contre le parasite, mais aussi pour leur faire produire des anticorps dirigés contre la phase de reproduction sexuelle du parasite, qui a lieu dans l'intestin des moustiques. Lorsqu'un moustique piquera un malade, il aspirera avec le sang non seulement le parasite mais aussi les anticorps qui empêcheront sa reproduction. Les premiers tests démontrent une diminution très importante de la transmission après utilisation de tels vaccins. Associés aux vaccins classiques de protection contre l'infection, on peut espérer réduire peu à peu l'impact de la malaria dans le monde, peut-être jusqu'à l'éradication totale, au cours des prochaines décennies.
Source : Nature news