Suite à une discussion sur un des billets précédents, je voudrais prendre le temps de m’expliquer sur le respect que j’ai, ou n’ai pas, pour une opinion donnée. Encore faudrait-il bien s’entendre sur le sens du mot respect. Pour clarifier ma façon de voir les choses, je voudrais préciser deux points.
Le premier : je pense que c’est avoir peu de respect pour sa propre opinion que d’estimer que celle des autres vaut autant que celle qu’on a décidé d’avoir. Je peux concevoir que ce soit le cas pour un club de foot ou une marque de whisky, mais quand on s’occupe de bioéthique, l’enjeu est autrement plus important. Si on prend le parti de respecter l’embryon dès sa conception, ou de considérer que ce n’est qu’un amas de cellules qui n’a aucun droit, j’ose croire que c’est après mûre réflexion et en tenant compte des avis de chacun ; ensuite on choisit, et ce choix vient nécessairement de ce qu’on considère qu’une opinion est meilleure qu’une autre. Sinon, à quoi bon donner son avis ?
Deuxième point : une parti-pris éthique peut être meilleur qu’un autre. Prenons l’exemple de la peine de mort et considérons deux opinions dont la première était encore courante il y a quelques dizaines années en France, et l’est toujours aux États-Unis : 1) Même sans preuve formelle et aveux circonstanciés, on peut punir quelqu’un de la peine de mort ; 2) Un homme doit toujours avoir une chance de se racheter et pourvu que la société soit protégée, il est inutile de réclamer la mort de cette personne. Éthiquement, il est évident qu’un des deux parti-pris est supérieur à l’autre et ces deux opinions n’ont pas le même statut moral. Je veux bien avoir le plus grand respect pour la personne qui émet la première proposition, mais je n’en considère pas moins que je n’ai pas spécialement de respect pour sa position.
Revenons maintenant à la façon dont on voit un embryon. Je vois bien comment on peut arriver à la conclusion que ce n’est qu’un amas de cellules mais je la crois cependant fausse. Ne pas le dire serait davantage de l’hypocrisie que du respect. Ça va peut-être paraître paradoxal mais je pense respecter davantage un parti-pris en le dénonçant comme faux qu’en me contentant d’un haussement d’épaule et d’un « vous pouvez bien penser ce que vous voulez ».
Pour conclure, j’achoppe sur l’usage du mot « respect ». J’ai du respect pout toutes les personnes, quelles qu’elles soient, cela va sans dire. Mais je ne me sens pas obligé d’avoir du respect pour toutes les opinions ou parti-pris. Convenez que si on décide qu’un embryon humain a les mêmes droits que vous et moi – ce qui est ma façon de voir les choses, il s’en suivra nécessairement que la simple idée d’en faire un matériel de recherche devient difficile à supporter et à respecter. Placez-vous dans le cadre du débat sur la peine de mort, et vous comprendrez ; ma position est simple : je suis contre la peine de mort, de la conception à la fin naturelle.
Encore une fois, je sais que tous ne seront pas d’accord, mais croyez-moi, ces explications et surtout le fait de tenir ce blog sont un exemple du respect que je porte aux gens qui ne sont pas de mon avis. Qu’il s’agisse des catholiques choqués par mon choix de considérer que l’évolution est un fait scientifique, ou de ceux qui ne voient dans l’embryon humaine qu’un tas de cellules. Si je n’avais aucun respect pour l’opinion d’autrui, je ne prendrais pas le temps ni la peine d’écrire tous ces billets et de répondre aux commentaires qui permettent de lancer des discussions intéressantes.
dimanche 28 février 2010
jeudi 25 février 2010
Dans le dernier Nature
Encore la maltraitance
Nature fait une rapide recension d'un article parue dans le Journal of Neuroscience. Une hormone, la CRH (pour corticotrophin-releasing hormone) est impliquée dans la transmission à l'adulte des stress subis peu de temps après la naissance. Des chercheurs ont confirmé cette hypothèse en surexprimant cette hormone dans les 21 jours suivant la naissance chez des souris : devenues adultes elles ont fait preuve d'une plus grande anxiété pouvant être corrigée par des antidépresseurs. Le lien entre maltraitance chez les jeunes et l'anxiété chez l'adulte a déjà été évoqué ici et là.
Une méduse à 24 yeux qui ne voit pas en couleur !
La méduse Chiropsella bronzie a 24 yeux dont six sont montrés sur cette image prise sur le site de Nature. Mais un seul pigment sensible à la lumière est présent dans ces yeux, rendant impossible la vision en couleur.
Les cellules iN
L'article dont j'ai déjà parlé sur la transformation directe de fibroblastes en neurones est paru dans l'édition papier accompagné d'une présentation éditoriale. Voici la dernière phrase : "La question est (...) combien de types cellulaires différents peuvent être désormais générés en activant des combinaisons différentes de facteurs spécifiques de chaque lignage [The question is (...) how many different cell types can now be generated by activating distinct combinations of lineage-specific factors]." De mon coté j'avais écrit : "Enfin, c'est une démonstration supplémentaire de la très grande versatilité des cellules différenciées. Nul doute que de nouveaux travaux apporteront de plus en plus de ces "cocktails magiques" permettant de transformer un type cellulaire en un autre type cellulaire."
Et plus haut dans la présentation de Nature : "Les cellules iN [auront] un avantage sur les cellules iPS car il est peu probable qu'elles forment de tumeurs comme peuvent le faire les cellules pluripotentes [iN cells [will have] an advantage over iPS cells, because they are unlikely to form tumours in the way that pluripotent stem cells can]". À rapprocher de "Ces cellules iN sont donc probablement incapables d'induire la formation d'une tumeur et d'un cancer, contrairement aux cellules souches embryonnaires ou aux cellules iPS si elles sont mal redifférenciées."
Ça fait toujours plaisir de voir qu'on ne s'est pas trompé et que ce travail mérite vraiment qu'on s'y arrête.
Nature fait une rapide recension d'un article parue dans le Journal of Neuroscience. Une hormone, la CRH (pour corticotrophin-releasing hormone) est impliquée dans la transmission à l'adulte des stress subis peu de temps après la naissance. Des chercheurs ont confirmé cette hypothèse en surexprimant cette hormone dans les 21 jours suivant la naissance chez des souris : devenues adultes elles ont fait preuve d'une plus grande anxiété pouvant être corrigée par des antidépresseurs. Le lien entre maltraitance chez les jeunes et l'anxiété chez l'adulte a déjà été évoqué ici et là.
Une méduse à 24 yeux qui ne voit pas en couleur !
La méduse Chiropsella bronzie a 24 yeux dont six sont montrés sur cette image prise sur le site de Nature. Mais un seul pigment sensible à la lumière est présent dans ces yeux, rendant impossible la vision en couleur.
Les cellules iN
L'article dont j'ai déjà parlé sur la transformation directe de fibroblastes en neurones est paru dans l'édition papier accompagné d'une présentation éditoriale. Voici la dernière phrase : "La question est (...) combien de types cellulaires différents peuvent être désormais générés en activant des combinaisons différentes de facteurs spécifiques de chaque lignage [The question is (...) how many different cell types can now be generated by activating distinct combinations of lineage-specific factors]." De mon coté j'avais écrit : "Enfin, c'est une démonstration supplémentaire de la très grande versatilité des cellules différenciées. Nul doute que de nouveaux travaux apporteront de plus en plus de ces "cocktails magiques" permettant de transformer un type cellulaire en un autre type cellulaire."
Et plus haut dans la présentation de Nature : "Les cellules iN [auront] un avantage sur les cellules iPS car il est peu probable qu'elles forment de tumeurs comme peuvent le faire les cellules pluripotentes [iN cells [will have] an advantage over iPS cells, because they are unlikely to form tumours in the way that pluripotent stem cells can]". À rapprocher de "Ces cellules iN sont donc probablement incapables d'induire la formation d'une tumeur et d'un cancer, contrairement aux cellules souches embryonnaires ou aux cellules iPS si elles sont mal redifférenciées."
Ça fait toujours plaisir de voir qu'on ne s'est pas trompé et que ce travail mérite vraiment qu'on s'y arrête.
Des nouvelles de Turquie
Dans son dernier numéro, Nature consacre un éditorial à la Turquie et à une loi qui pourrait être votée prochainement. Dans son désir d'adapter son droit aux exigences de l'Union Européenne et du Programme Environnemental des Nations-Unis, la Turquie risque d'aller un peu trop loin. Oubliant de consulter ses chercheurs, le pays s'apprête à voter une loi qui oblige à demander une autorisation à chaque fois qu'un laboratoire introduit une modification génétique dans un organisme, quelqu'il soit, y compris des bactéries. Comme on passe son temps à faire ça dans les laboratoires de recherche, il y a comme un problème... Ils ont juste oublié de faire la distinction entre les OGM qui pourront se retrouver dans la nature (du type céréales modifiées) pour lesquels une autorisation préalable est souhaitable, et tout le travail de laboratoire où les organismes modifiés ne sont bien sûr pas disséminés à l'extérieur et où la régulation devrait être beaucoup moins restrictive.
mercredi 24 février 2010
Stockage du sang de cordon : privé ou public ?
Il a été démontré par de nombreuses études que les cellules souches contenues dans le sang du cordon ombilical ont des vertus thérapeutiques. C’est essentiellement vrai à l’heure actuelle pour les maladies du sang, où la greffe de sang de cordon peut remplacer la greffe de moelle osseuse, comme dans le cas d’une leucémie ou d’un lymphome par exemple. Cette solution était au départ réservée aux enfants car le sang d’un seul cordon ne suffit pas pour un adulte ; mais elle commence à être appliquée à l’adulte en utilisant une double greffe. D’autres indications thérapeutiques pourraient voir le jour pour traiter certains types de diabètes, la paralysie cérébrale, etc. In vitro, ces cellules peuvent être différenciées en cellules présentant des caractéristiques de cellules nerveuses, du foie, et autres types cellulaires. Des références précises se trouvent dans les commentaires d’un billet précédent.
Le sang de cordon peut être congelé et ainsi conservé pour une utilisation ultérieure. Deux logiques s’affrontent pour cette conservation. La première consiste à promouvoir un système de banques publiques où le sang de cordon n’appartient plus à l’enfant dont il vient. La deuxième possibilité est de s’adresser à une banque privée où, pour quelques milliers d’euros, le sang du cordon sera conservé pour une utilisation thérapeutique potentielle concernant le même enfant. Dans un cas, les cellules serviront dans le cadre de greffes hétérologues (dites aussi allogéniques) où le donneur et le receveur seront différents, dans le second il s’agit de greffes autologues, le donneur étant le même que le receveur. Pour des raisons de simplicité, j’écarte ici l’utilisation allogénique dans un cadre familial.
La question de la compatibilité
Les greffes autologues ont un avantage majeur : il n’y a pas de problème de compatibilité entre le greffon et le receveur puisqu’il s’agit du même système immunitaire. Cependant, on considère que quelques dizaines de milliers de donneurs suffisent à couvrir 99% des types immunitaires. Sachant qu’il y a environ 800.000 naissances par an en France, il suffirait de récupérer le sang de 5 à 10% des cordons pour couvrir les besoins de toute la population.
Le désavantage de la greffe autologue
La greffe autologue présente un avantage certain : la compatibilité du système immunitaire. Mais elle porte aussi un désavantage majeur : tout défaut génétique conduisant à une maladie de l’enfant est presque sûrement présent dans les cellules souches du sang de cordon. Donc vouloir guérir une maladie génétique avec ces cellules est illusoire. Une des seules circonstances où ces cellules pourraient avoir un intérêt a été évoquée dans un billet sur ce blog il y a quelques jours : il se pourrait que l’on puisse traiter certains symptômes de la paralysie cérébrale avec les cellules du sang de cordon. Un essai clinique lancé récemment permettra de tester cette hypothèse prometteuse. Cependant, il faut souligner que des banques publiques suffisamment « riches » permettraient d’obtenir le même résultat en identifiant des donneurs compatibles.
Les pouvoirs publics sont-ils à la hauteur ?
En France à ce jour, les banques publiques de sang de cordon ne sont pas du tout assez nombreuses pour faire face aux éventuels besoins. Surtout, fort peu d’hôpitaux offrent la possibilité de prélever le sang du cordon. Un projet de loi rendant légal la constitution de banques privées a été déposé (voir un billet de Nicolas Mathey à ce sujet sur son blog). Si cette loi devait être votée, se poserait la question pour de nombreux parents de savoir s’il faut gaspiller cette ressource qui pourrait s’avérer précieuse, ou dépenser plusieurs milliers d’euros pour stocker le sang du cordon, sachant que cela ne servira – au mieux - que dans un cas sur cinq cents ou mille.
L’urgence de créer des banques publiques
La solution idéale est évidemment la création urgente de banques publiques qui permettraient de répondre aux éventuels besoins de tous. Il y a donc urgence pour la France à rattraper son retard et à commencer à constituer des banques publiques de sang de cordon dignes de ce nom. C’est certes difficile à faire dans le contexte économique actuel, mais il y a une véritable urgence, surtout quand on sait la difficulté qu’il y a à trouver des donneurs de moelle osseuse.
Une fois cette possibilité réellement disponible, si certains veulent confier le sang du cordon ombilical de leur enfant à une banque privée, pourquoi pas. Mais il est fort à craindre que comme aux Etats-Unis et ailleurs, on assistera à une surenchère de ces banques privées, avec le risque non négligeable de voir des familles pauvres payer des milliers d’euros pour rien. Dans ce cas précis, la solution publique plutôt que privée paraît plus appropriée.
PS : j’ai volontairement écarté la possibilité des « banques familiales solidaires » où le sang de cordon serait conservé de manière privée avec la possibilité de mettre ces cellules à disposition d’un patient compatible. En effet il n’y a pas assez de cellules pour une double greffe à ma connaissance, donc donner ce sang à un patient compatible reviendrait à annuler le bénéfice attendu d’une conservation privée, à savoir la certitude de disposer de ces cellules pour son enfant.
Le sang de cordon peut être congelé et ainsi conservé pour une utilisation ultérieure. Deux logiques s’affrontent pour cette conservation. La première consiste à promouvoir un système de banques publiques où le sang de cordon n’appartient plus à l’enfant dont il vient. La deuxième possibilité est de s’adresser à une banque privée où, pour quelques milliers d’euros, le sang du cordon sera conservé pour une utilisation thérapeutique potentielle concernant le même enfant. Dans un cas, les cellules serviront dans le cadre de greffes hétérologues (dites aussi allogéniques) où le donneur et le receveur seront différents, dans le second il s’agit de greffes autologues, le donneur étant le même que le receveur. Pour des raisons de simplicité, j’écarte ici l’utilisation allogénique dans un cadre familial.
La question de la compatibilité
Les greffes autologues ont un avantage majeur : il n’y a pas de problème de compatibilité entre le greffon et le receveur puisqu’il s’agit du même système immunitaire. Cependant, on considère que quelques dizaines de milliers de donneurs suffisent à couvrir 99% des types immunitaires. Sachant qu’il y a environ 800.000 naissances par an en France, il suffirait de récupérer le sang de 5 à 10% des cordons pour couvrir les besoins de toute la population.
Le désavantage de la greffe autologue
La greffe autologue présente un avantage certain : la compatibilité du système immunitaire. Mais elle porte aussi un désavantage majeur : tout défaut génétique conduisant à une maladie de l’enfant est presque sûrement présent dans les cellules souches du sang de cordon. Donc vouloir guérir une maladie génétique avec ces cellules est illusoire. Une des seules circonstances où ces cellules pourraient avoir un intérêt a été évoquée dans un billet sur ce blog il y a quelques jours : il se pourrait que l’on puisse traiter certains symptômes de la paralysie cérébrale avec les cellules du sang de cordon. Un essai clinique lancé récemment permettra de tester cette hypothèse prometteuse. Cependant, il faut souligner que des banques publiques suffisamment « riches » permettraient d’obtenir le même résultat en identifiant des donneurs compatibles.
Les pouvoirs publics sont-ils à la hauteur ?
En France à ce jour, les banques publiques de sang de cordon ne sont pas du tout assez nombreuses pour faire face aux éventuels besoins. Surtout, fort peu d’hôpitaux offrent la possibilité de prélever le sang du cordon. Un projet de loi rendant légal la constitution de banques privées a été déposé (voir un billet de Nicolas Mathey à ce sujet sur son blog). Si cette loi devait être votée, se poserait la question pour de nombreux parents de savoir s’il faut gaspiller cette ressource qui pourrait s’avérer précieuse, ou dépenser plusieurs milliers d’euros pour stocker le sang du cordon, sachant que cela ne servira – au mieux - que dans un cas sur cinq cents ou mille.
L’urgence de créer des banques publiques
La solution idéale est évidemment la création urgente de banques publiques qui permettraient de répondre aux éventuels besoins de tous. Il y a donc urgence pour la France à rattraper son retard et à commencer à constituer des banques publiques de sang de cordon dignes de ce nom. C’est certes difficile à faire dans le contexte économique actuel, mais il y a une véritable urgence, surtout quand on sait la difficulté qu’il y a à trouver des donneurs de moelle osseuse.
Une fois cette possibilité réellement disponible, si certains veulent confier le sang du cordon ombilical de leur enfant à une banque privée, pourquoi pas. Mais il est fort à craindre que comme aux Etats-Unis et ailleurs, on assistera à une surenchère de ces banques privées, avec le risque non négligeable de voir des familles pauvres payer des milliers d’euros pour rien. Dans ce cas précis, la solution publique plutôt que privée paraît plus appropriée.
PS : j’ai volontairement écarté la possibilité des « banques familiales solidaires » où le sang de cordon serait conservé de manière privée avec la possibilité de mettre ces cellules à disposition d’un patient compatible. En effet il n’y a pas assez de cellules pour une double greffe à ma connaissance, donc donner ce sang à un patient compatible reviendrait à annuler le bénéfice attendu d’une conservation privée, à savoir la certitude de disposer de ces cellules pour son enfant.
jeudi 18 février 2010
Les cellules iPS critiquées
Plusieurs articles dans des revues scientifiques (Stem Cells et PNAS) et des déclarations parues dans la presse anglo-saxonne suggèrent que les cellules iPS ne vaudraient finalement pas grand-chose. En effet, elles vieilliraient prématurément et perdraient leur capacité à se diviser plus rapidement lorsqu'on les compare à des cellules souches embryonnaires. Les critiques portent essentiellement non pas sur la reprogrammation, mais sur les possibilités d'induire la différenciation de ces cellules en types cellulaires précis. Qu'en est-il exactement ?
Le premier article, dont James Thomson est un co-auteur (il est le découvreur des CSE humaines), est paru dans PNAS. Il démontre que pour un protocole de différenciation donné, les cellules iPS donnent des populations de neurones plus hétérogènes avec une efficacité très inférieure, et ceci est indépendant du processus utilisé pour reprogrammer les cellules. Les auteurs de l'article concluent qu'il faut améliorer la re-différenciation des cellules iPS, avec des protocoles sans doute différents de ceux qui ont été mis au point pour les CSE. La même conclusion avait été énoncée par Marc Peschanski lors de son audition par la commission de révision des lois de bioéthique début 2009. Mais il ne s'agit au final que de détails techniques et ils ne remettent pas en cause l'utilité des cellules iPS, même pour une utilisation thérapeutique future.
Les cellules iPS sont-elles "foutues" ?
Le deuxième article est plus négatif en pointant un vieillissement prématuré et une moindre expansion de ces cellules. Cependant les auteurs n'ont regardé qu'un seul type de reprogrammation (les facteurs de reprogrammation sont intégrés au génome et restent donc dans les cellules iPS), et cela pourrait expliquer le vieillissement de leurs cellules. Quant à l'expansion moins importante, on peut penser qu'il s'agit sans doute comme plus haut de détails techniques à mettre au point. Il est cependant important de souligner que le dernier auteur de l'article est Robert Lanza, le directeur scientifique d'Advanced Cell Technology, une société qui mise tout sur les CSE et qui s'est déjà trouvé à plusieurs reprises au bord du dépôt de bilan. Dans un entretien à Newsweek, Lanza déclare "this whole population of cells is screwed up" [Toutes ces cellules sont foutues ; les guillemets sont de Newsweek].
Dans le même temps, le Times publie un entretien avec Thomas Okarma qui attaque directement les cellules iPS : "iPS cells have been talked up as therapy by people with no experience of developing therapies" [Les cellules iPS ont été présentées comme des thérapies par des gens qui n'ont aucune expérience de développement de thérapie" ; cette petite phrase a été repérée par le blog de Nature, The Great Beyond]. Et les cellules iPS auraient de nombreux désavantages, notamment économiques. Au fait, qui est Thomas Okarma ? Le PDG de Geron, autre société qui a tout misé sur les CSE, et qui a fait la une des journaux avec le lancement du premier essai clinique avec des CSE ; essai arrêté depuis des mois...
Cellules iPS et dyskératose congénitale
Pendant ce temps, Nature a publié ce soir un article démontrant une fois de plus l'étonnant pouvoir des cellules iPS pour étudier des maladies humaines, cette fois-ci il s'agit de la dyskératose congénitale ou syndrome de Zinsser-Engman-Cole. Cette maladie touche la télomérase, enzyme qui assure l'intégrité des chromosomes et empêche le vieillissement cellulaire (le prix Nobel 2009 a récompensé la découverte de cette enzyme). En reprogrammant des cellules de patients, il a été montré que la fonction de la télomérase était restaurée. Ce qui tendrait à confirmer que le vieillissement prématuré des cellules iPS évoqué par Robert Lanza est bien un artefact de son étude. En dehors de l'intérêt de cette découverte pour la compréhension de la maladie et l'activité de la télomérase, cela suggère une voie thérapeutique possible pour traiter les patients.
Ce qu'il faut retenir
La presse française ne s'est pas, pour le moment, fait l'écho de toutes ces nouvelles. Il fallait cependant en parler, afin de montrer que les critiques envers les cellules iPS sont le plus souvent infondées, surtout quand elles viennent d'ardents supporteurs des CSE. Certes, le premier essai clinique avec des cellules iPS est loin, et ces cellules doivent encore faire leurs preuves. Pourtant, en seulement trois ans, que de chemin parcouru ! Cela devrait inciter à l'optimisme, et non au défaitisme prématuré d'un Lanza.
Note du 5 mars
Dans son dernier numéro Science publie un texte sur ces deux articles cités plus haut et arrive à la même conclusion, à savoir que les cellules iPS ne sont sans doute pas aussi bien reprogrammées que ça, mais qu'avec un peu de recherche, ce problème sera résolu.
Le premier article, dont James Thomson est un co-auteur (il est le découvreur des CSE humaines), est paru dans PNAS. Il démontre que pour un protocole de différenciation donné, les cellules iPS donnent des populations de neurones plus hétérogènes avec une efficacité très inférieure, et ceci est indépendant du processus utilisé pour reprogrammer les cellules. Les auteurs de l'article concluent qu'il faut améliorer la re-différenciation des cellules iPS, avec des protocoles sans doute différents de ceux qui ont été mis au point pour les CSE. La même conclusion avait été énoncée par Marc Peschanski lors de son audition par la commission de révision des lois de bioéthique début 2009. Mais il ne s'agit au final que de détails techniques et ils ne remettent pas en cause l'utilité des cellules iPS, même pour une utilisation thérapeutique future.
Les cellules iPS sont-elles "foutues" ?
Le deuxième article est plus négatif en pointant un vieillissement prématuré et une moindre expansion de ces cellules. Cependant les auteurs n'ont regardé qu'un seul type de reprogrammation (les facteurs de reprogrammation sont intégrés au génome et restent donc dans les cellules iPS), et cela pourrait expliquer le vieillissement de leurs cellules. Quant à l'expansion moins importante, on peut penser qu'il s'agit sans doute comme plus haut de détails techniques à mettre au point. Il est cependant important de souligner que le dernier auteur de l'article est Robert Lanza, le directeur scientifique d'Advanced Cell Technology, une société qui mise tout sur les CSE et qui s'est déjà trouvé à plusieurs reprises au bord du dépôt de bilan. Dans un entretien à Newsweek, Lanza déclare "this whole population of cells is screwed up" [Toutes ces cellules sont foutues ; les guillemets sont de Newsweek].
Dans le même temps, le Times publie un entretien avec Thomas Okarma qui attaque directement les cellules iPS : "iPS cells have been talked up as therapy by people with no experience of developing therapies" [Les cellules iPS ont été présentées comme des thérapies par des gens qui n'ont aucune expérience de développement de thérapie" ; cette petite phrase a été repérée par le blog de Nature, The Great Beyond]. Et les cellules iPS auraient de nombreux désavantages, notamment économiques. Au fait, qui est Thomas Okarma ? Le PDG de Geron, autre société qui a tout misé sur les CSE, et qui a fait la une des journaux avec le lancement du premier essai clinique avec des CSE ; essai arrêté depuis des mois...
Cellules iPS et dyskératose congénitale
Pendant ce temps, Nature a publié ce soir un article démontrant une fois de plus l'étonnant pouvoir des cellules iPS pour étudier des maladies humaines, cette fois-ci il s'agit de la dyskératose congénitale ou syndrome de Zinsser-Engman-Cole. Cette maladie touche la télomérase, enzyme qui assure l'intégrité des chromosomes et empêche le vieillissement cellulaire (le prix Nobel 2009 a récompensé la découverte de cette enzyme). En reprogrammant des cellules de patients, il a été montré que la fonction de la télomérase était restaurée. Ce qui tendrait à confirmer que le vieillissement prématuré des cellules iPS évoqué par Robert Lanza est bien un artefact de son étude. En dehors de l'intérêt de cette découverte pour la compréhension de la maladie et l'activité de la télomérase, cela suggère une voie thérapeutique possible pour traiter les patients.
Ce qu'il faut retenir
La presse française ne s'est pas, pour le moment, fait l'écho de toutes ces nouvelles. Il fallait cependant en parler, afin de montrer que les critiques envers les cellules iPS sont le plus souvent infondées, surtout quand elles viennent d'ardents supporteurs des CSE. Certes, le premier essai clinique avec des cellules iPS est loin, et ces cellules doivent encore faire leurs preuves. Pourtant, en seulement trois ans, que de chemin parcouru ! Cela devrait inciter à l'optimisme, et non au défaitisme prématuré d'un Lanza.
Note du 5 mars
Dans son dernier numéro Science publie un texte sur ces deux articles cités plus haut et arrive à la même conclusion, à savoir que les cellules iPS ne sont sans doute pas aussi bien reprogrammées que ça, mais qu'avec un peu de recherche, ce problème sera résolu.
jeudi 11 février 2010
* Greffe autologue de cellules de sang de cordon et paralysie cérébrale : un essai clinique
La paralysie cérébrale est une maladie non héréditaire qui affecte les nouveaux-nés ou les très jeunes enfants dans environ un cas sur 500. On connait mal ses causes et les traitements ne permettent de cibler que les symptômes. Deux nouvelles intéressantes viennent d'être rendues publiques.
La première est l'annonce d'un essai clinique accepté par la FDA (Food and Drug Administration) visant à injecter des cellules souches du sang de cordon. Et pas n'importe lesquelles puisque qu'il s'agit des propres cellules du sang de cordon des patients, sang qui avait été stocké après leur naissance. On va donc tester directement l'utilité d'une greffe autologue de ces cellules. Source : Science Daily.
La deuxième nouvelle est plus anecdotique mais révélatrice : une famille de Floride a décidé de tenter ce traitement, hors de tout essai clinique, pour leur enfant atteint par cette maladie. Les résultats semblent prometteurs, si on en croit la mère de cet enfant qui peut désormais se servir de ses deux mains et commence à marcher. Ces dernières années, plusieurs histoires semblables ont été rapportées, qui ont permis de décider de lancer ce premier essai clinique. Source : ABC Action News.
Ce qu'il faut retenir
Les opposants aux banques privées de sang de cordon évoquent (avec raison il faut l'admettre) le fait que les greffes autologues sont inutiles car le plus souvent la maladie qu'on voudra guérir par thérapie cellulaire sera déjà présente à la naissance ; il ne servirait donc à rien de les stocker pour un usage privé directement pour l'enfant ou l'adulte dont elles viennent. Si cet essai est concluant, il y aura au moins une indication validant l'utilité de ce type de stockage, en attendant d'autres applications que l'on pourrait découvrir plus tard.
Il est à noter que des projets de loi sur ces banques privées de sang de cordon sont en discussion à l'heure actuelle en France. Je vous recommande un petit tour sur le blog de Nicolas Matthey qui a publié un billet sur ce sujet en octobre dernier.
NB du 12/02
Voir les commentaires qui précisent certains points et présentent un bilan sur l'utilité des cellules souches du sang de cordon.
NB du 12/02
Voir les commentaires qui précisent certains points et présentent un bilan sur l'utilité des cellules souches du sang de cordon.
mardi 2 février 2010
Les cours sur l'abstinence, ça marche
Plusieurs sources rapportent aujourd'hui que huit heures de cours d'éducation sexuelle basées sur l'abstinence ont donné un meilleur résultat que huit heures basées sur la promotion de l'usage du préservatif. Une étude menée sur un effectif de 662 enfants noirs d'une douzaine d'année montre que 1) dans le premier groupe environ 33% ont eu des relations sexuelles dans les deux années qui suivaient, contre 50% dans le deuxième groupe ; 2) parmi ceux qui avaient eu des relations sexuelles, le taux d'utilisation d'un préservatif était similaire entre les deux groupes.
Cette étude est importante car pour la première fois il est démontré de façon rigoureuse que la promotion de l'abstinence est plus efficace que celle faisant la promotion du préservatif. Qui plus est, cette dernière n'a manifestement pas servi à grand-chose (voir conclusion 2).
Que 33 à 50% des enfants de 12-14 ans aient eu des relations sexuelles est en soit un chiffre ahurrissant qu'il est urgent de réduire de façon très significative. Sur la base de cet article, il est grand temps de se rendre à la raison et de promouvoir l'abstinence à cet âge là, ce qui peut paraître évident ; mais certains ont besoin de preuves, tel le Président Obama qui a supprimé un programme de promotion de l'abstinence de 170 millions de dollars.
Sources : New Scientist, Science Daily, Libération
Cette étude est importante car pour la première fois il est démontré de façon rigoureuse que la promotion de l'abstinence est plus efficace que celle faisant la promotion du préservatif. Qui plus est, cette dernière n'a manifestement pas servi à grand-chose (voir conclusion 2).
Que 33 à 50% des enfants de 12-14 ans aient eu des relations sexuelles est en soit un chiffre ahurrissant qu'il est urgent de réduire de façon très significative. Sur la base de cet article, il est grand temps de se rendre à la raison et de promouvoir l'abstinence à cet âge là, ce qui peut paraître évident ; mais certains ont besoin de preuves, tel le Président Obama qui a supprimé un programme de promotion de l'abstinence de 170 millions de dollars.
Sources : New Scientist, Science Daily, Libération
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