Qui, du singe ou du fœtus, pourrait devenir une personne juridique aux États-Unis ?
La justice américaine va devoir se prononcer sur la question de savoir si les singes et autres animaux doués d'une certaine forme d'intelligence élémentaire peuvent être considérés comme des "personnes juridiques", et donc avoir les mêmes droits. Il faut savoir que le droit américain considère les animaux comme des choses que l'on "possède" ; il faudrait qu'un juriste le confirme mais j'en déduis que le concept juridique d'animal (être vivant non humain et plus complexe et respectable qu'une plante) n'existe pas en tant que tel, en tout cas pas pour l'aspect qui nous intéresse.
Mais là n'est pas l'objet de ce billet. Je veux plutôt vous parler de ce que la prestigieuse revue Science rapporte à ce sujet (l'article ne peut être lu que par les abonnés). Après avoir longuement décrit la stratégie juridique des promoteurs de ce changement de statut juridique qui concernerait non seulement les singes mais aussi les éléphants, les dauphins, les baleines etc. Pour cela ils s'appuient sur la cas de James Somerset, un esclave noir qui s'est vu reconnu comme "personne juridique" et non plus comme un objet qu'on pouvait posséder en 1762 ; la reconnaissance de ce statut suffit ensuite à le déclarer libre. Passons sur le fait que cela implique de mettre sur le même pied un esclave noir et un singe ou un dauphin ce qui est en soi déjà assez détestable ; ce n'est encore pas de cela que je veux vous parler.
Non, ce qui me sidère c'est la pauvreté des arguments des chercheurs à qui on a demandé leur avis. Un exemple ? "Assigning rights to animals akin
to what humans have would be chaotic for the research community" ["donner des droits humains à des animaux serait catastrophique pour la communauté des chercheurs"], déclaration du président de l'Association Nationale de la Recherche Biomédicale. Ou bien celui-ci : "he is concerned that the personhood movement will draw resources away from initiatives to save animals in
the wild" ["il a peur que ce mouvement empêche d'accéder aux ressources qui permettraient de sauver ces animaux sauvages"]. Avec des arguments comme ça, ils ont déjà perdu... Je préfère souvent le pragmatisme anglo-saxon à la tendance française qui est le plus souvent de conceptualiser et généraliser mais en l'occurrence, au moins pour cette fois, il vaudrait mieux voir les choses par le grand bout de la lorgnette plutôt que l'inverse. Ne pourrait-on pas raisonner en terme de personnes, d'animaux et des plantes, avec des droits afférents tenant compte des évidentes différences biologique ? Car comme fait remarquer un autre chercheur, après les singes et les dauphins, que se passera-t-il ? Les souris, les rats, les poissons, les drosophiles ? Mais rassurez-vous, les embryons et les fœtus ne seront toujours pas des personnes juridiques et devront se satisfaire de leur statut... qui n'existe pas !
Addendum du 11 décembre 2013
J'avais tort de m'inquiéter et le bon sens a prévalu, au moins pour le moment : les trois premiers procès sont déjà réglés par trois refus ; dans un cas le juge a même refusé d'écouter les avocats (source). Mais les promoteurs de ce statut de "personne juridique" des animaux ne désarment pas et font appel.
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