mercredi 24 février 2010

Stockage du sang de cordon : privé ou public ?

Il a été démontré par de nombreuses études que les cellules souches contenues dans le sang du cordon ombilical ont des vertus thérapeutiques. C’est essentiellement vrai à l’heure actuelle pour les maladies du sang, où la greffe de sang de cordon peut remplacer la greffe de moelle osseuse, comme dans le cas d’une leucémie ou d’un lymphome par exemple. Cette solution était au départ réservée aux enfants car le sang d’un seul cordon ne suffit pas pour un adulte ; mais elle commence à être appliquée à l’adulte en utilisant une double greffe. D’autres indications thérapeutiques pourraient voir le jour pour traiter certains types de diabètes, la paralysie cérébrale, etc. In vitro, ces cellules peuvent être différenciées en cellules présentant des caractéristiques de cellules nerveuses, du foie, et autres types cellulaires. Des références précises se trouvent dans les commentaires d’un billet précédent.
Le sang de cordon peut être congelé et ainsi conservé pour une utilisation ultérieure. Deux logiques s’affrontent pour cette conservation. La première consiste à promouvoir un système de banques publiques où le sang de cordon n’appartient plus à l’enfant dont il vient. La deuxième possibilité est de s’adresser à une banque privée où, pour quelques milliers d’euros, le sang du cordon sera conservé pour une utilisation thérapeutique potentielle concernant le même enfant. Dans un cas, les cellules serviront dans le cadre de greffes hétérologues (dites aussi allogéniques) où le donneur et le receveur seront différents, dans le second il s’agit de greffes autologues, le donneur étant le même que le receveur. Pour des raisons de simplicité, j’écarte ici l’utilisation allogénique dans un cadre familial.

La question de la compatibilité

Les greffes autologues ont un avantage majeur : il n’y a pas de problème de compatibilité entre le greffon et le receveur puisqu’il s’agit du même système immunitaire. Cependant, on considère que quelques dizaines de milliers de donneurs suffisent à couvrir 99% des types immunitaires. Sachant qu’il y a environ 800.000 naissances par an en France, il suffirait de récupérer le sang de 5 à 10% des cordons pour couvrir les besoins de toute la population.

Le désavantage de la greffe autologue

La greffe autologue présente un avantage certain : la compatibilité du système immunitaire. Mais elle porte aussi un désavantage majeur : tout défaut génétique conduisant à une maladie de l’enfant est presque sûrement présent dans les cellules souches du sang de cordon. Donc vouloir guérir une maladie génétique avec ces cellules est illusoire. Une des seules circonstances où ces cellules pourraient avoir un intérêt a été évoquée dans un billet sur ce blog il y a quelques jours : il se pourrait que l’on puisse traiter certains symptômes de la paralysie cérébrale avec les cellules du sang de cordon. Un essai clinique lancé récemment permettra de tester cette hypothèse prometteuse. Cependant, il faut souligner que des banques publiques suffisamment « riches » permettraient d’obtenir le même résultat en identifiant des donneurs compatibles.

Les pouvoirs publics sont-ils à la hauteur ?
En France à ce jour, les banques publiques de sang de cordon ne sont pas du tout assez nombreuses pour faire face aux éventuels besoins. Surtout, fort peu d’hôpitaux offrent la possibilité de prélever le sang du cordon. Un projet de loi rendant légal la constitution de banques privées a été déposé (voir un billet de Nicolas Mathey à ce sujet sur son blog). Si cette loi devait être votée, se poserait la question pour de nombreux parents de savoir s’il faut gaspiller cette ressource qui pourrait s’avérer précieuse, ou dépenser plusieurs milliers d’euros pour stocker le sang du cordon, sachant que cela ne servira – au mieux - que dans un cas sur cinq cents ou mille.

L’urgence de créer des banques publiques

La solution idéale est évidemment la création urgente de banques publiques qui permettraient de répondre aux éventuels besoins de tous. Il y a donc urgence pour la France à rattraper son retard et à commencer à constituer des banques publiques de sang de cordon dignes de ce nom. C’est certes difficile à faire dans le contexte économique actuel, mais il y a une véritable urgence, surtout quand on sait la difficulté qu’il y a à trouver des donneurs de moelle osseuse.
Une fois cette possibilité réellement disponible, si certains veulent confier le sang du cordon ombilical de leur enfant à une banque privée, pourquoi pas. Mais il est fort à craindre que comme aux Etats-Unis et ailleurs, on assistera à une surenchère de ces banques privées, avec le risque non négligeable de voir des familles pauvres payer des milliers d’euros pour rien. Dans ce cas précis, la solution publique plutôt que privée paraît plus appropriée.

PS : j’ai volontairement écarté la possibilité des « banques familiales solidaires » où le sang de cordon serait conservé de manière privée avec la possibilité de mettre ces cellules à disposition d’un patient compatible. En effet il n’y a pas assez de cellules pour une double greffe à ma connaissance, donc donner ce sang à un patient compatible reviendrait à annuler le bénéfice attendu d’une conservation privée, à savoir la certitude de disposer de ces cellules pour son enfant.

2 commentaires:

Cord Sandu a dit…

Bonjour,
- sur "le désavantage de la greffe autologue", rien ne dit que les sangs placentaires autologues sont efficaces, et le seraient-ils qu'il pourrait être argué que les sans placentaires allogéniques font peut-être aussi bien...
- sur "les pouvoirs publics sont-ils à la hauteur", le nombre de cinq cent ou mille est actuellement virtuel car il n'y a aucune utilisation validée du sang placentaire autologue.
- sur "des banques publiques de sang de cordon dignes de ce nom" : pardon : deuxièmes en terme de sélection des sangs placentaires banqués et d'exportation (en %). En quantité, celà reste trop faible, mais c'est parce qu'en qualité, c'est excellent (à propos, c'est moins facile que de stocker des sangs placentaires prélevés par des personnes non habilitées, et transportés en avion dans la soute sans validation des conditions de transports). Dignes ce nom, oui, je prétends qu'elles le sont.
Les banques familiales provées solidaires ont fait la preuve de l'échec de la méthode, les familles préférant à chaque fois "garder" le sang de cordon. Il faudrait un jour d'ailleurs connaître les taux de cessions des banques privées solidaires...

Albert Barrois a dit…

- "500 ou 1000" : ce chiffre fait référence aux risques de paralysie cérébrale au moment de la naissance.
- Banques "dignes de ce nom". Je critique ici la faible quantité bien sûr, pas la qualité. Dans beaucoup trop de maternités, le don du sang de cordon à une banque publique n'est tout simplement pas possible, et jamais proposé, ce qui est un gachis peu compréhensible. Voilà pourtant une chose relativement simple à faire et proportionellement peu coûteuse. Qu'attend-on pour la proposer de façon systématique aux parents ? Soit on le donne, soit ce sang est jeté. Entre les deux, il est facile de choisir !