jeudi 22 juillet 2010

** Dans un monde parfait...

... les cellules iPS auraient été identiques aux cellules souches embryonnaires. C'est du moins ce que beaucoup de gens espéraient, moi compris. Il semble cependant de plus en plus clair que ce ne soit pas le cas. J'avais déjà rapporté (voir ici) des études moins convaincantes mais suggérant la même conclusion.
Deux articles publiés ces derniers jours démontrent en effet que les cellules iPS gardent une mémoire de leur état pré-reprogrammation. Ces études sont signées notamment par George Daley et Rudolph Jaenisch pour l'article de Nature et par Konrad Hochedlinder pour l'article de Nature Biotechnology. Ces articles démontrent que les cellules reprogrammées se souviennent de ce qu'elles étaient avant. Ainsi des cellules sanguines seront plus facilement redifférenciées en cellules sanguines qu'en cellules de la peau par exemple. Ce défaut n'existe pas lorsque la reprogrammation est faite par transfert nucléaire (du clonage pour être clair) mais apparaît lorsque la reprogrammation est faite selon la technique mise au point par Yamanaka en introduisant seulement quatre gènes dans les cellules.

Une trop bonne mémoire épigénétique
La cause de cette différence est à trouver dans la mémoire épigénétique (modification non génétiques du génome) des cellules : la reprogrammation épigénétique est incomplète dans les cellules iPS mais complète quand on a recours au clonage. Ces résultats ont été obtenus chez la souris mais seront probablement vrais aussi chez l'homme.

Faut-il jeter les cellules iPS ?
On pourrait être tenter de revenir au clonage ou à l'établissement de lignées de cellules souches embryonnaires à partir d'embryon après ces publications. Ce serait cependant aller un peu vite en besogne pour au moins trois raisons.
La première est que ce pourrait être paradoxalement un avantage : si on veut obtenir des cellules sanguines, on reprogrammera des cellules sanguines, pour de la peau des cellules de la peau, pour du muscle, des cellules musculaires etc. en profitant du fait que la redifférenciation après reprogrammation sera plus facile. Ce sera cependant un inconvénient pour des types cellulaires moins accessibles comme les neurones.
La deuxième raison est que le processus de reprogrammation est encore mal maîtrisé. Yamanaka le dit lui-même : on ne devrait pas chercher à reprogrammer avec moins de facteurs, ce qui a été la démarche pendant un temps, mais au contraire chercher ce qui manque pour obtenir une reprogrammation vraiment complète.
Enfin d'autres équipes ont démontré avec la création d'embryons tétraploïdes que les cellules iPS peuvent donner une souris adulte fertile tout comme les cellules souches embryonnaires (voir ici et ) ; les cellules iPS peuvent donc être reprogrammées et donner naissance à tous les types cellulaires.

Ce qu'il faut retenir
Ces deux articles démontrent de façon convaincantes que les cellules iPS ne sont pas aussi pluripotentes que des cellules souches embryonnaires ou des cellules souches issues d'un clonage. Reste maintenant à trouver comment perfectionner cette reprogrammation... sans qu'elle soit trop parfaite : on aurait un nouveau problème éthique si on obtenait des cellules totipotentes, à savoir des zygotes. Pour finir sur une bonne nouvelle : l'équipe de Hochedlinger a montré que cette mémoire épigénétique rémanente des cellules iPS disparaît en cultivant les cellules iPS pendant plusieurs générations. Une solution simple et peu coûteuse.

2 commentaires:

Oli07 a dit…

merci pour les derniers articles et vos explications clarrissimes et pédagogiques.
Avec www.genethique.org vous êtes la meilleure source pour rester vigilant et à jour sur ces dossiers.

Albert Barrois a dit…

Merci pour vos encouragements. Gènéthique est une source de première ordre que je recommande vivement !