samedi 14 septembre 2013

**** L'avènement des cellules iTS : "induced totipotent stem cells"


Totipotentes, pluripotentes, multipotentes, unipotentes: voilà une façon simple de classer les cellules souches en fonction de leur capacité à générer tous, presque tous, plusieurs ou un seul type cellulaire d’un organisme. Les cellules souches dont on parle le plus sont soit pluripotentes comme les cellules souches embryonnaires (CSE) ou les cellules iPS de Shinya Yamanaka, ou bien multipotentes comme les cellules souches de la moelle osseuse. Les cellules pluripotentes sont reconnues au fait qu’elles peuvent donner naissance à tous les tissus embryonnaires mais pas aux tissus extra-embryonnaires.

Maintenant qu’on sait obtenir des cellules pluripotentes facilement grâce aux cellules iPS, un enjeu scientifique majeur consiste désormais à obtenir des cellules totipotentes, autrement dit des zygotes, capables de donner tous les tissus embryonnaires et non embryonnaires. De telles cellules peuvent être obtenues par fécondation bien sûr, mais aussi par transfert nucléaire, aussi appelé improprement « clonage » thérapeutique. Cependant depuis les travaux de Yamanaka, une autre voie s’ouvre aux chercheurs, celle de la reprogrammation de cellules adultes par des facteurs définis. Mais cette reprogrammation n’est qu’imparfaite : les cellules iPS sont équivalentes à des cellules souches pluripotentes mais elles ne sont pas totipotentes (une question déjà évoquée en 2008) – c’est d’ailleurs ce qui en fait une solution très acceptable même pour de pointilleux bioéthiciens.

Les « cellules iTS » : « induced totipotent stem cells »
Certains laboratoires ont déjà réussi à reprogrammer des cellules jusqu’à un état très proche de la totipotence en modifiant leur milieu de culture (voir le billet consacré à ces résultats publiés dans la revue Cell Reports au mois de juin). Cependant cette méthode est très aléatoire et il est difficile de repérer les cellules reprogrammées jusqu’à l’état totipotent. Mais de nouveaux travaux d’une équipe espagnol du CNIO de Madrid publiés cette semaine dans Nature montrent qu’il est très simple d’obtenir des cellules totipotentes si on effectue la même reprogrammation que pour les cellules iPS mais qu’on le fait non plus in vitro dans une boîte de culture mais in vivo, c'est-à-dire dans un animal. Pour cela ils ont généré des souris transgéniques exprimant les quatre facteurs identifiés par Yamanaka sous le contrôle d’un événement inducteur qu’ils pouvaient déclencher à volonté pour produire des cellules iPS dans des souris vivantes. Ils ont ainsi observé la formation de multiples tératomes et même de structures ressemblant à s’y méprendre à des embryons. Et cela a aussi été vu dans des souris parfaitement normales dans lesquelles ils avaient injectées ces cellules reprogrammées dans des souris transgéniques. Ces cellules, que j’appelerai cellules iTS pour la suite de ce billet, peuvent être simplement trouvées dans le sang des souris modifiées génétiquement, rendant l’isolation de ces cellules assez simple.

Aura-t-on des cellules iTS humaines ?
On le sait il existe des différences entre les cellules iPS et les cellules souches embryonnaires ; bien que très bien reprogrammées, les cellules iPS gardent une mémoire de leur origine adulte. Mais dans les deux cas ces cellules ne peuvent plus donner un embryon entier à elles seules, alors que les cellules iTS peuvent le faire. Si donc il n’y a pas d’objection majeure à utiliser des cellules iPS, il n’en sera pas de même avec des cellules iTS humaines. Qu’on se rassure dans l'immédiat : la méthode employée pour générer ces cellules chez la souris n’est pas transposable chez l’homme. Impossible en effet de générer des êtres humains transgéniques exprimant les facteurs de Yamanaka pour faire de la reprogrammation in vivo chez l’homme. Pourrait-on obtenir des cellules iTS autrement ? Sans doute, en identifiant quelques facteurs supplémentaires qui permettraient une reprogrammation totale ; à ce jour ces facteurs supplémentaires sont inconnus mais il ne fait aucun doute que certains labos travaillent d’arrache-pied à les identifier chez la souris et que les résultats seront rapidement exploités chez l’homme. Au rythme où on va on peut parier sans prendre de risque ce sera fait avant 2020, et sans doute bien plus tôt.

Merci à Franz Schubert dont le Winterreise interprété par Dietrich Fischer-Dieskau et Gerald Moore a accompagné l'écriture de ce billet.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bigre, de 4 **** en 4 ****, votre blog annonce des nouvelles très importantes de plus en plus fréquemment. Donc la recherche avance vite, très vite. Donc 2020, c'est peut-être l'an prochain ?