jeudi 28 janvier 2010

Recherche sur l'embryon : un moratoire s'impose

Depuis 2004, la France a autorisé sous conditions la recherche sur les cellules souches embryonnaires (CSE) et sur les embryons provenant de fécondation in vitro. Il est important de distinguer les deux. En effet, la recherche sur l'embryon supprime une vie directement, alors que la recherche sur les CSE ne fait "que" profiter des recherches faites par d'autres, sans supprimer directement de vie humaine. Dans ce billet, je ne parlerai que de la recherche sur l'embryon et considérerai comme un moindre mal la recherche sur les CSE.
Pourquoi veut-on aujourd'hui en France pouvoir travailler sur l'embryon ? À des fins de recherche fondamentale ? Mais il est immoral de tuer pour un objectif qui n'apportera aucun bénéfice direct, tout le monde en convient. De plus la loi exige un but "thérapeutique" ; il deviendrait "médical" dans le nouveau texte. Cela interdit toujours cette pratique. Reste donc les recherches dans un but "thérapeutique" ou "médical". L'essentiel des travaux réalisés dans ce cadre consiste à séparer les cellules d'un embryon pour les cultiver et obtenir des lignées de CSE. Combien exactement faudra-t-il de lignées de CSE avant qu'on arrête de disséquer des embryons ? Une réponse pragmatique consiste à dire qu'il n'y en aura jamais assez. Et si on faisait une pause et qu'on se consacrait à exploiter celles qui existent déjà ? Plutôt que de toujours en créer de nouvelles qu'il faut comparer avec les anciennes, caractériser précisément, etc.
Entre les CSE déjà isolées, les cellules iPS, les toutes nouvelles cellules iN, les cellules souches du sang de cordon et les cellules souches adultes, un chercheur a déjà largement de quoi s'occuper.

Un moratoire de cinq ans
Puisque le régime d'autorisation était établi pour cinq ans, ne pourrait-on pas imaginer maintenant un moratoire aussi long ? Cela forcerait les équipes de recherche à exploiter ce qui existe aujourd'hui au lieu de continuer cette fuite en avant qui finira par réclamer le clonage ou la FIV à seule fin de recherche. Les perspectives thérapeutiques peuvent êtres testées avec ce qui existe aujourd'hui. La publication la plus citée ces derniers temps comme justifiant ce type de recherche a été faite en utilisant des lignées commercialisées depuis un bon moment, pas des lignées isolées spécifiquement pour cela ; il s'agit bien sûr de la fabrication de peau à partir de CSE dont j'ai parlé ici.
Cinq ans ? C'est sans doute suffisant pour avoir une idée plus précise de ce qu'on peut faire aujourd'hui. Après tout, les cellules iPS n'ont pas quatre ans, et pourtant tout le monde s'est mis à les utiliser.

Trouver les bons cocktails de gènes
Cela permettrait aussi d'explorer d'autres possibilités. Je le soulignais hier, la découverte des cellules iN est capitale : elle démontre qu'on pourra sans doute bientôt transformer des cellules en n'importe quel type cellulaire en choisissant le bon cocktail d'ingrédients génétiques. On a trouvé celui qui donnait les cellules iPS, puis celui qui donnait des neurones, pourquoi pas demain le cocktail qui donne des cellules musculaires, cardiaques ou autres. Le tout avec un risque très faible d'induire des tumeurs alors que c'est le risque majeur de l'utilisation des CSE et des cellules iPS. C'est l'avenir de la médecine régénérative et de la thérapie cellulaire qui se joue. Mais on ne découvrira pas ces cocktails de gènes en disséquant des embryons...

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