Il y a quelques jours les journaux se sont fait l’écho d’un article en accès libre dans Science et dont le fameux Craig Venter est le dernier auteur. Venter a déjà défrayé l’actualité en séquençant le génome humain avec des fonds privés puis en recréant le génome d’une petite bactérie. Cette fois-ci c’est un authentique exploit technique qui est rapporté : les équipes de Venter ont synthétisé entièrement le génome d’une petite bactérie à partir d’une séquence stockée dans un ordinateur. Ce génome a ensuite été inséré dans une autre espèce de bactérie proche dont le matériel génétique propre avait été enlevé. Cette dernière manip est identique à un « clonage » mode Dolly : le matériel nucléaire est enlevé puis remplacé par un autre.
Création de la vie ou création d’une cellule ?
Venter ne prétend pas avoir créé la vie en laboratoire ; il proclame avoir créé une cellule. C’est encore trop car la seule chose qu’il ait synthétisée c’est un génome déjà existant ; c’est une réussite technique indéniable mais c’était prévisible. Venter donne comme argument qu’au bout de quelques jours les cellules ont remplacé complètement leurs protéines/glucides/lipides par ceux qui correspondent au nouvel ADN inséré ; mais il n’en reste pas moins que la cellule d’origine qui donne son cytoplasme est déjà bien réelle et n’a pas été synthétisée.
Ce qui est en revanche vraiment impressionnant c’est de penser qu’on pourra alors prévoir sur son ordinateur d’insérer/modifier/supprimer des gènes et voir comment ce nouveau génome synthétique se comportera. Enfin, ça c’est si on dispose de 30 à 40 millions de dollars : c’est que Venter aurait dépensé pour ce projet.
L’avis de deux prix Nobel
John Sulston est prix Nobel de Physiologie-Médecine 2002. Son avis sur cette découverte : « a pretty little experiment » (« une jolie petite expérience »). Et il attaque Venter qui, pense-t-il, cherche à déposer un maximum de brevets pour lui donner un avantage qui ne pourra plus être rattrapé en ingénierie génétique. Venter se défend en disant qu’il a réalisé un gros travail avec des bio-éthiciens.
Quant à Paul Nurse, autre prix Nobel britannique en 2001, il déclare : « This paper is an important advance. I don’t think it’s really a major breakthrough like some have claimed. What it is not is the creation of synthetic life. » (« Cet article est un progrès important. Je ne pense que ce soit une avancée majeure comme certains l’ont dit. Ce n’est pas la création d’une vie synthétique »)
Une vraie cellule artificielle ?
La véritable avancée dans le domaine de la « vie artificielle » serait la conception d’une molécule capable de se reproduire, de muter et de vivre à l’abri d’une membrane. On en est encore loin…
« Commencez par créer votre propre poussière »
Pour conclure je rappellerai cette petite histoire qui remet les choses dans leur contexte :
Un jour un groupe de scientifiques convaincus de la réalité de l'évolution et de l'inutilité de l'hypothèse Dieu décident d'aller Le voir pour Lui dire qu'ils peuvent se passer de Lui.
Les scientifiques arrivent devant Dieu et disent : "Nous avons décidé que nous n'avions pas besoin de Vous. Nous pouvons tout faire aujourd'hui, du clonage, de la thérapie génique, de la thérapie cellulaire, etc. Laissez-nous donc tranquille et disparaissez !"
Dieu écoute patiemment ces scientifiques. Lorsqu'ils ont fini de parler, Il leur propose un jeu : "Faisons un concours : si vous arrivez à fabriquer un homme comme je l'ai fait avec Adam, je m'en vais".
Immédiatement les scientifiques commencent à ramasser de la poussière et se lancent dans leurs expériences.
Mais Dieu intervient : "Non, non, commencez donc par fabriquer votre propre poussière..."
mardi 25 mai 2010
mercredi 19 mai 2010
L'embryon pour les nuls : Développement nerveux
Synthèse présentée par le magazine New Scientist :
7 semaines : Premiers mouvements.
10 semaines : Premiers contacts entre les mains et le visage.
11 semaines : Baillements.
12 semaines : Le fœtus peut sucer et avaler.
14 semaines : Réponse à un contact, sauf sur la tête ou le dos.
16 semaines : Les yeux commencent à bouger.
19 semaines : Le fœtus s'éloigne en réponse à un stimulus "douloureux". À 20 semaines, les hormones du stress cortisol et noradrénaline et l'antidouleur naturel qu'est la beta-endorphine sont sécrétés en réponse à une piqûre dans l'abdomen.
22 à 24 semaines : Réponse au son. Premières évidences d'un apprentissage : si un son se répète régulièrement, il n'y aura plus de réaction.
24 à 25 semaines : Le système nerveux périphérique établit ses premières connexions avec le système nerveux central (le cerveau).
24 à 26 semaines : Début de réponse à la douleur. Le fœtus peut survivre avec l'aide d'un ventilateur.
32 semaines : Alternance de sommeil avec ou sans rêves et de périodes d'éveil.
La connexion des deux systèmes nerveux et la survie possible vers la 24ème semaine sont souvent utilisées pour établir le caractère de "personne humaine" à partir de cette âge.
7 semaines : Premiers mouvements.
10 semaines : Premiers contacts entre les mains et le visage.
11 semaines : Baillements.
12 semaines : Le fœtus peut sucer et avaler.
14 semaines : Réponse à un contact, sauf sur la tête ou le dos.
16 semaines : Les yeux commencent à bouger.
19 semaines : Le fœtus s'éloigne en réponse à un stimulus "douloureux". À 20 semaines, les hormones du stress cortisol et noradrénaline et l'antidouleur naturel qu'est la beta-endorphine sont sécrétés en réponse à une piqûre dans l'abdomen.
22 à 24 semaines : Réponse au son. Premières évidences d'un apprentissage : si un son se répète régulièrement, il n'y aura plus de réaction.
24 à 25 semaines : Le système nerveux périphérique établit ses premières connexions avec le système nerveux central (le cerveau).
24 à 26 semaines : Début de réponse à la douleur. Le fœtus peut survivre avec l'aide d'un ventilateur.
32 semaines : Alternance de sommeil avec ou sans rêves et de périodes d'éveil.
La connexion des deux systèmes nerveux et la survie possible vers la 24ème semaine sont souvent utilisées pour établir le caractère de "personne humaine" à partir de cette âge.
jeudi 13 mai 2010
Une seule origine pour tous les êtres vivants ?
Les arguments qui permettent de soupçonner que tous les être vivants présents sur terre aujourd’hui ont un ancêtre commun sont nombreux. Les plus fréquemment cités sont basés sur l’unicité du code génétique et les nombreuses similitudes dans le métabolisme de base ou la composition des polymères biologiques (ADN, ARN, protéines). Cependant cela pourrait être expliqué par des processus de transfert horizontal entre les organismes primitifs et/ou la convergence de processus différents au départ devenant identiques. Il y a de nombreuses preuves de convergence plus tard dans l’histoire des organismes vivants comme l’a démontré le paléontologue britannique Simon Conway Morris, découvreur du très célèbre gisement de Burgess.
Douglas L. Theobald a comparé les séquences de 23 protéines très conservées parmi les trois domaines du vivant que sont les bactéries, les archées et les eucaryotes. La nouveauté de son approche est essentiellement d’utiliser des tests statistiques variés. Tous permettent de conclure sans ambiguïté que l’origine unique est beaucoup plus vraisemblable qu’une origine double ou triple (une par domaine par exemple). Son article est publié dans Nature.
Cela ne signifie pas que la vie ne soit apparue qu’une seule fois : cet événement a pu avoir lieu plusieurs fois mais seule une forme de vie aurait survécu et supplanté toutes les autres.
Douglas L. Theobald a comparé les séquences de 23 protéines très conservées parmi les trois domaines du vivant que sont les bactéries, les archées et les eucaryotes. La nouveauté de son approche est essentiellement d’utiliser des tests statistiques variés. Tous permettent de conclure sans ambiguïté que l’origine unique est beaucoup plus vraisemblable qu’une origine double ou triple (une par domaine par exemple). Son article est publié dans Nature.
Cela ne signifie pas que la vie ne soit apparue qu’une seule fois : cet événement a pu avoir lieu plusieurs fois mais seule une forme de vie aurait survécu et supplanté toutes les autres.
mercredi 12 mai 2010
lundi 3 mai 2010
*Un défaut des cellules iPS
Dans la ligne d'articles cités dans un billet précédent, les cellules iPS font à nouveau l'objet d'une étude visant à comprendre pourquoi elles se comportent presque comme des cellules souches embryonnaires, mais seulement "presque". L'article a été publié le 25 avril sur le site de Nature. L'équipe de Konrad Hochedlinger du Stem Cell Institute de Harvard vient de démontrer que, chez la souris, tout est similaire en terme d'expression de gènes sauf dans une région du chromosome 12, entre les marqueurs Dlk1–Dio3. Ils ont obtenu ce résultat en dérivant et comparant des lignées de cellules souches embryonnaires (CSE) et de cellules iPS ayant le même patrimoine génétique. Dans la plupart des clones de cellules iPS cette région devient anormalement silencieuse ; or il y a une corrélation étroite entre ce silence anormal et une faible performance de ces lignées. Il est notamment impossible de générer des souris adultes selon la méthode des chimères tétraploïdes (voir ici et là). Mais cela peut être fait en levant ce silence qui est de nature épigénétique. Ils ont ainsi pu démontrer que la corrélation est en réalité un lien direct entre l'expression des gènes situés dans cette région du chromosome 12 et la performance des cellules iPS. Ce qui donne une piste pour rendre les cellules iPS vraiment indistinguable des CSE.
Réponse à la question du billet précédent : la citation est la première phrase de l'article en question.
Réponse à la question du billet précédent : la citation est la première phrase de l'article en question.
Qui a dit ?
"Induced pluripotent stem cells (iPSCs), generated by the overexpression of transcription factors such as Oct4 (also called Pou5f1), Sox2, Klf4 and c-Myc in somatic cells, have enormous therapeutic potential as they enable the derivation of patient-specific pluripotent cell lines to study and possibly treat degenerative diseases."
["Les cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS), générées par la surexpression de facteurs de transcription tels que Oct4 (aussi appelé Pou5f1), Sox2, Klf4 et c-Myc dans des cellules somatiques, ont un énorme potentiel thérapeutique, car elles permettent l'obtention de lignées de cellules pluripotentes spécifiques de patients pour les étudier et éventuellement traiter les maladies dégénératives."]
["Les cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS), générées par la surexpression de facteurs de transcription tels que Oct4 (aussi appelé Pou5f1), Sox2, Klf4 et c-Myc dans des cellules somatiques, ont un énorme potentiel thérapeutique, car elles permettent l'obtention de lignées de cellules pluripotentes spécifiques de patients pour les étudier et éventuellement traiter les maladies dégénératives."]
samedi 1 mai 2010
Taux de mutation chez l'homme
Le dernier numéro de Science est riche en informations (voir billet précédent). Dans un autre article, des chercheurs ont, pour la première fois, entièrement séquencé le génome de plusieurs personnes d'une même famille : deux parents et deux enfants. Entre autres résultats cela permet d'évaluer le taux de mutations spontanées dans l'espèce humaine d'une génération à l'autre comme étant de l'ordre de 1,1.10-8, ce qui correspond à environ 70 nouvelles mutations à chaque génération.
** Transfert horizontal
Du fondamental et de l'évolution, pour changer. Deux observations vont transformer la façon dont on imagine le transfert de l'information génétique. On considère que le matériel génétique, à savoir l'ADN, se transmet essentiellement de façon verticale d'une génération à l'autre par la voie de la reproduction. Cela est vrai chez les bactéries (cellules sans noyau), les Archés (des microorganismes particuliers) et les Eucaryotes (les cellules à noyau). Une exception à cette règle : chez les bactéries le transfert peut se faire de façon horizontale entre deux bactéries sans que cela implique un événement reproducteur. On pensait que c'était vrai seulement chez les bactéries.
Mais deux articles publiés aujourd'hui suggèrent le contraire. Le premier est publié dans Nature et démontre le transfert d'ADN entre des parasites invertébrés, les punaises de l'espèce Rhodnius prolixus et plusieurs hôtes vertébrés, d'un escargot aquatique (la petite Limnée Lymnaea stagnalis) à des singes capucins en passant par les opossums. Le matériel génétique transmis est du type transposon et l'importance du transfert pourrait suffire à influencer l'évolution des espèces parasitées.
Le deuxième article, publié dans Science, est encore plus spectaculaire. Certains pucerons peuvent synthétiser des caroténoïdes qui sont de puissants antioxydants. Jusque là on pensait que seuls les végétaux en produisait et qu'un animal ne pouvait en obtenir qu'en se nourrissant de plantes. Pourtant des pucerons (le pucerons vert du pois, Acyrthosiphon pisum) ont acquis la capacité de synthétiser ces molécules par eux-mêmes. Mais le plus spectaculaire est ailleurs : le gène qui leur donne cette capacité vient directement... d'une moisissure. Pour la première fois on a donc observé le transfert horizontal d'un gène entre deux règnes du monde vivant, celui des moisissures et autres champignons, et celui des animaux. Et la présence ou non de ce gène donne leur couleur aux pucerons : sans lui ils sont verts, avec lui ils sont rouges, et avec une seule copie ils sont jaune-orange. Mendel n'aurait pas rêvé génétique plus simple !
Ces deux découvertes, la deuxième surtout, vient renverser une hypothèse solidement établie - celle du transfert uniquement vertical de l'information génétique - et forcera chacun à repenser les mécanismes de transmission du matériel génétique entre des organismes qui n'ont a priori rien de commun. D'autre part il sera bien difficile d'expliquer ces observations en terme de créationnisme ou d'ID ("intelligent design").
Mais deux articles publiés aujourd'hui suggèrent le contraire. Le premier est publié dans Nature et démontre le transfert d'ADN entre des parasites invertébrés, les punaises de l'espèce Rhodnius prolixus et plusieurs hôtes vertébrés, d'un escargot aquatique (la petite Limnée Lymnaea stagnalis) à des singes capucins en passant par les opossums. Le matériel génétique transmis est du type transposon et l'importance du transfert pourrait suffire à influencer l'évolution des espèces parasitées.
Le deuxième article, publié dans Science, est encore plus spectaculaire. Certains pucerons peuvent synthétiser des caroténoïdes qui sont de puissants antioxydants. Jusque là on pensait que seuls les végétaux en produisait et qu'un animal ne pouvait en obtenir qu'en se nourrissant de plantes. Pourtant des pucerons (le pucerons vert du pois, Acyrthosiphon pisum) ont acquis la capacité de synthétiser ces molécules par eux-mêmes. Mais le plus spectaculaire est ailleurs : le gène qui leur donne cette capacité vient directement... d'une moisissure. Pour la première fois on a donc observé le transfert horizontal d'un gène entre deux règnes du monde vivant, celui des moisissures et autres champignons, et celui des animaux. Et la présence ou non de ce gène donne leur couleur aux pucerons : sans lui ils sont verts, avec lui ils sont rouges, et avec une seule copie ils sont jaune-orange. Mendel n'aurait pas rêvé génétique plus simple !
Ces deux découvertes, la deuxième surtout, vient renverser une hypothèse solidement établie - celle du transfert uniquement vertical de l'information génétique - et forcera chacun à repenser les mécanismes de transmission du matériel génétique entre des organismes qui n'ont a priori rien de commun. D'autre part il sera bien difficile d'expliquer ces observations en terme de créationnisme ou d'ID ("intelligent design").
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