La première condition est la suivante : est-ce légal ? Tant qu'il s'agit d'animaux, les obstacles légaux sont limités. Tout au plus vous demandera-t-on de remplir une telle montagne de papier que vous renoncerez à faire la manip. Comme par exemple implanter des électrodes dans le cerveau d'un animal. Quand il s'agit de l'homme, le cadre légal est bien sûr beaucoup plus contraignant. Par exemple aujourd'hui la recherche sur l'embryon ne peut se faire qu'après autorisation express ; et il est interdit d'en créer uniquement à des fins de recherche, ou de fabriquer des embryons hybrides humain-animal.
La deuxième question concerne les financements : ce projet sera-t-il sélectionné par une agence de financement comme l'ANR ou une association telle que l'ARC, la Ligue contre le cancer ou la Fondation pour la recherche médicale ? Et là, c'est beaucoup plus compliqué car les projets sont systématiquement évalués par d'autres chercheurs, entre un et trois selon l'importance du projet et la somme demandée. Quasiment plus aucune recherche ne se fait en France sur financement "automatique". Ce que donnent le CNRS ou l'INSERM à une équipe de recherche pour l'année permet tout juste de tenir entre deux et huit semaines (ça dépend de la taille de l'équipe et du type de recherche), le reste vient de financements obtenus sur projets évalués par des pairs. Reste la complication des appels à projets sur des thématiques prédéfinies par l'état : dans ce cas là les évaluateurs ne sont plus totalement libres car il faut coller à une thématique ce qui peut impliquer le rejet d'un excellent projet qui n'aurait qu'un rapport lointain avec l'objet de l'appel d'offre.
Le problème du financement explique pourquoi certaines recherches autorisées ne sont jamais mises en pratique. On a vu l'exemple de la Grande-Bretagne légalisant les embryons hybrides après une montée au créneau des chercheurs, suivi par le refus de financer les projets déposés par les trois équipes autorisés à faire ce type d'expériences. Il serait donc inutile d'autoriser, de façon exceptionnelle ou courante, des recherches qui ne seraient pas financées ensuite.
Le problème est qu'avec l'utilitarisme ambiant, un chercheur voudra pouvoir faire une manip pour le cas où. Donc il dira presque toujours qu'un type d'expérience donné devrait être autorisé. Sur cette base, je dirais qu'il faut autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires car on ne sait jamais. Mais le débat dépasse largement les enjeux purement scientifiques quand il s'agit de la vie d'embryons humains. C'est pourquoi il est juste d'adopter la démarche française de légaliser ou non à priori et d'expliquer pourquoi on prend telle ou telle position, plutôt que la méthode anglo-saxonne qui est de presque tout autoriser (Grande-Bretagne) ou de ne poser des limites que pour l'argent fédéral (États-Unis) et ensuite de se poser la question de savoir si ça va servir à quelque chose.
3 commentaires:
Outre la légalité, la question de la moralité d'une action peut se poser. Je n'aborderai pas ce point ici. J'aimerai simplement rappeler que la loi elle-même me semble méconnue dans certains cas et notamment en matière de recherche sur l'embryon. Vous savez ce que j'en pense puisque vous étiez à Rennes l'année dernière...
J'ai commis un petit billet qui reprend en substance les arguments sur la question : http://thomasmore.wordpress.com/2009/09/23/recherches-sur-lembryon-les-decisions-de-lagence-de-la-biomedecine-sont-illegales/
Quant au financement, c'est évidemment une question difficile. Il est très difficile voire impossible de connaitre les chiffres exactes. Les financements consacrés aux cellules souches embryonnaires et aux cellules souches adultes ou de sang de cordon sont quasiment impossibleS à comparer faute de données fiables.
Je n'ai pas non plus abordé la moralité. J'avais surtout en tête la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, et rares sont les chercheurs qui s'y oppose pour des raisons d'éthique.
Quant à la légalité, vous parlez là des décisions de l'agence de biomédecine ; mais du point de vue du chercheur, s'il a une autorisation de l'ABM, il est dans la légalité.
Soit dit en passant, les chercheurs sont bien rares dans le "comité médical et scientifique" de l'ABM ; il y a des professeurs, des cliniciens, des médecins, mais fort peu de personnes faisant de la recherche fondamentale. Et il n'y en a aucun dans le "conseil d'orientation" qui "qui émet un avis préalable à toute décision" concernant la recherche sur l'embryon ou les CSE humaines. En revanche ils sont nombreux dans le "collège d'experts" dont on trouve la composition p183 du rapport 2008. Or ce collège semble être déterminant dans les décisions. Sans doute faudrait-il que les différentes instances soient plus équilibrées avec des gens capables de s'opposer aux recherches proposées sur la base de la loi et de l'état de la recherche.
Tout se passe comme si, une fois la démarche scientifique validée, il n'y avait plus aucun obstacle.
Au-delà de la question du financement, il est à mon sens important de souligner que les associations ont besoin d'un soutien plus large de la part de la population.
En effet, pour qu'elles fonctionnent, elles ont aussi besoin que l'on accorde un peu de temps, ou plus simplement encore, qu'on les aide à relayer leurs messages.
C'est justement dans cette optique que la Ligue contre le cancer lance une initiative intéressante, puisqu'elle propose à tous les internautes de devenir e-militants.
La démarche est intéressante et originale dans le secteur. J'ai fait un article sur la question, à lire sur http://tinyurl.com/yktqbbw
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